lundi 22 octobre 2007

Koltchack le héros blanc de Sibérie


L'amiral Kolltchak et le général Dénikine (au centre).
Certaines familles semblent vouées dès l'abord - on pourrait presque dire « abonnées » - à des destins exceptionnels. Tel fut le cas de la famille Koltchak.
Les ancêtres de l'amiral Alexandre Vassilievitch Koltchak, commandant en chef des Armées blanches de Sibérie durant la guerre civile qui suivit la révolution rouge de 1917, étaient, en fait, bosniaques. L'un d'eux, pacha de l'Empire turc, fut fait prisonnier par les Russes en 1739, alors qu'il combattait en Moldavie, et décida de devenir Cosaque et de se fixer en Russie. Toute une lignée de militaires valeureux était ainsi inaugurée.
C'est au cours de la guerre de Crimée que Vassili Koltchak, père de l'amiral et lui-même brillant officier du génie, connut une aventure hors du commun. Comme, après la prise du fort de Malakoff, des soldats français s'employaient à dégager un monceau de cadavres russes, ils s'aperçurent que l'un des « morts » respirait encore.
Vassili Koltchak se rétablit et termina sa carrière comme général, après avoir écrit un livre à succès « en captivité », sur son expérience de prisonnier de guerre.
Son fils Alexandre, né en 1872, a choisi, quant à lui, la marine et, d'emblée, sa carrière s'annonce fort brillante à plus d'un égard. Il s'est spécialisé dans les rercherches hydrographiques et océanographiques, sujets sur lesquels il publia des articles qui commencent à faire autorité.
En 1899, à l'âge de vingt-sept ans, il accompagne dans l'Arctique un célèbre explorateur polaire, le baron Toll. Il revient au bout de deux ans, Mais, en 1903, repart à la recherche du baron dont on est sans nouvelles.

Un mariage mouvementé

Cette fois, deux événements vont marquer son retour, en 1904 : le déclenchement de la guerre russo-japonaise et un mariage qui va se dérouler dans d'assez étranges conditions. S'étant rendu compte qu'il n'aurait pas le temps matériel de se rendre à Saint-Pétersbourg, où habite sa fiancée, avant de rejoindre son poste à Port-Arthur, le lieutenant de vaisseau Koltchak télégraphie à son père de lui amener la jeune fille à Irkoutsk, en Sibérie orientale. Là, la cérémonie a lieu, et, le jour même, les jeunes époux regagnent l'un Saint-Pétersbourg et l'autre Port-Arthur.
Après une congestion pulmonaire qui l'immobilise quelque temps, Koltchak prend le commandement d'un mouilleur de mines et se distingue rapidement par sa compétence et sa bravoure. Blessé, il est fait prisonnier et détenu au Japon, avant de pouvoir regagner la Russie par le Canada.
En 1906, à trente-quatre ans, il se voit confier la responsabilité de l'organisation tactique au sein de la nouvelle Amirauté impériale. En 1910, il prendra le commandement du « Vladivostok », un brise-glace dont il a lui-même imposé la construction.

Le sabre à la mer

En 1911, il revient à l'état-major comme responsable du secteur-clé de la Baltique, poste où le trouvera la Première Guerre mondiale.
Il se distingue - en particulier par son utilisation des mines, - au point qu'il sera nommé contre-amiral dès 1915, à l'âge de quarante-trois ans, vice-amiral et commandant en chef de la flotte de la mer Noire en 1916.
Il occupe encore ce poste lorsque éclatent les troubles de 1917. Les marins mutinés envahissent la passerelle du navire amiral, cernent Koltchak et le somment de rendre le sabre d'honneur gagné durant la guerre russo-japonaise, qu'il porte à la ceinture. Calme, méprisant, le regard lointain, l'amiral détache le sabre de son ceinturon et le jette par-dessus bord.
- Ce qui est venu de la mer retourne à la mer, dit-il seulement.
Les mutins reculent, impressionnés. Néanmoins, l'amiral doit se mettre à la disposition du gouvernement provisoire de Kerenski, qui, se méfiant de cet officier par trop intransigeant, le charge, pour l'éloigner, d'une mission technique auprès du Secrétariat à la Marine des Etats-Unis.
Il reste plusieurs mois aux Etats-Unis, puis, au mois de novembre, le gouvernement Kerenski étant tombé, il décide de regagner la Russie en passant par le Japon. A Tokyo, il apprend l'ouverture par les Bolcheviks des pourparlers de Brest-Litovsk en fin d'un armistice avec les Allemands. Il n'est pas question pour lui de servir un gouvernement qui déserte ses alliés en pleine guerre.
Il va donc trouver l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Tokyo, sir Conyngham Greene, et lui propose, conformément à son devoir d'officier russe, d'aller combattre « si possible sur le front occidental, dans les troupes terrestres et, si nécessaire, comme simple soldat. »

De Kharbine à Orusk

L'ambassadeur britannique considère, à juste titre, que l'emploi d'un personnage de cette qualité à un rang obscur serait un incroyable gaspillage. Il télégraphie en ce sens à Londres, et, en janvier 1918, Koltchak est invité à rejoindre en Mésopotamie la mission militaire spéciale commandée par l'étonnant général Dunsterville - celui-là même qui servit de modèle à Kipling dans « Stalky and Co ».
Mais, faisant escale à Singapour, l'amiral y reçoit un message des Britanniques lui demandant de se mettre en rapport de toute urgence avec le prince Koudatchev, ambassadeur de Russie à Pékin, afin de se joindre aux dirigeants du Chemin de Fer de l'Est chinois, en Mandchourie. Il accepte avec beaucoup de réticence, pensant qu'on veut le mettre ainsi sur la touche en tant que combattant, mais se rend à Pékin pour être finalement expédié à Kharbine, au mois de mai, avec mission de réorganiser les troupes russes quelque 3.000 hommes - du Chemin de Fer.
Le climat d'intrigue, de chaos et de corruption qu'il trouve à Kharbine ne fait rien pour dissiper la méfiance initiale de l'amiral. Les Japonais, dirigés par le général Nakajima, le chef de leur mission militaire, contrôlent le territoire et tirent les ficelles. Koltchak ne l'admet pas, pas plus qu'il n'admet les prétentions du chef cosaque Semenov à se tailler un royaume personnel en Mandchourie.
Finalement, au mois de juillet, l'amiral se rend personnellement à Tokyo pour tirer la situation au clair avec le haut commandement japonais. Il n'obtient que des réponses dilatoires qui achèvent de l'exaspérer. Ce seront les Britanniques, une fois de plus, qui feront appel à lui. Afin qu'il se rende en Sibérie, où s'est installé un directoire politique pour le moins mélangé, et où une remise en ordre serait, de toute évidence, nécessaire. C'est le 13 octobre que l'amiral arrive par le Transsibérien à Omsk, où siège le gouvernement provisoire en question. On le nomme aussitôt ministre de la Guerre et de la Marine, mais il ne tarde pas à se rendre compte qu'un gigantesque coup de balai est nécessaire dans cet endroit où règnent en maîtres le marché noir et la gabegie, et où les troupes, mal encadrées et encore plus mal commandées, ont tendance à plier devant les offensives des Rouges.
Le dit coup de balai aura lieu dans la nuit du 17 au 18 novembre 1918.
En cette nuit, un détachement militaire, comprenant notamment de jeunes officiers, vient arrêter trois membres socialistes du directoire, dont le président Avksentiev, pour les conduire à la frontière. Le reste du directoire se réunit à l'aube et prononce sa propre dissolution, en demandant à Koltchak d'assumer le pouvoir suprême.
L'amiral met plusieurs heures à se laisser convaincre, mais accepte finalement en protestant de son absence totale d'esprit partisan dans le domaine politique.
« Je me fixe comme objectifs essentiels, proclame-t-il, la création d'une armée efficace, la victoire sur le bolchevisme et le rétablissement de l'ordre et de la légalité afin que le peuple puisse choisir librement et sans aucune entrave la forme de gouvernement répondant à ses vœux. »

Par moins 45 degrés

Le coup d'Etat est, dans l'ensemble, fort bien accueilli par la population, lasse de la corruption et de l'incapacité du défunt directoire. Il est également vu d'un œil très favorable par les Britanniques de la mission militaire du général Knox. Mais, du coup, il se heurte immédiatement à la méfiance et à l'hostilité du calamiteux général Janin, chef de la mission militaire française. Atteint du délire de la conspiration, cet officier général, dont la seule blessure de guerre répertoriée est une luxation de l'épaule gauche sur un quai de gare, veut à toutes forces voir « la main de la perfide Albion » derrière l'intervention de Koltchak, qu'il prend aussitôt en grippe. Il ne veut pas en démordre et son obstination maladive aboutira à livrer la Sibérie aux Rouges.
En revanche, l'accession au pouvoir de l'amiral rallie tous les suffrages du général Dénikine et de l'Armée blanche du sud de la Russie.
Dès le mois de décembre 1918, Koltchak fait reprendre l'offensive contre les Bolcheviques, avec d'appréciables succès. La jeune armée sibérienne, malgré les carences de son équipement, se bat avec brio, réussissant sur certains points du front de huit cents kilomètres sur lequel elle est engagée, à avancer de trente-cinq kilomètres par jour, par un froid de -45°. Des chefs militaires de haute valeur s'y révèlent, comme le jeune colonel Kappel, bientôt nommé général.
Mais l'amiral doit faire face à bien des problèmes. Le premier est celui de sa santé ; atteint d'une affection pulmonaire presque chronique, il est miné par la fièvre, sans, pour autant, ralentir son activité. De plus, à Omak, le désordre et le marché noir ont recommencé à sévir. Le 21 décembre, une tentative de soulèvement socialiste a été aisément jugulée par l'armée, mais les intrigues se poursuivent.
Le plus inquiétant de tout est l'attitude de la Légion tchèque, qui avait assuré, au début, une partie de l'effort militaire contre les Rouges. Cette légion avait toute une histoire. Elle avait été constituée à l'origine par Kerensky avec des Tchèques ayant servi, contraints et forcés, dans l'armée austro-hongroise et, faits prisonniers par les Russes, ayant accepté de reprendre les armes dans l'autre camp.
En mars 1918, les Bolcheviques avaient signé un accord les remettant à la disposition des Alliés. Ils devaient être acheminés avec leurs armes vers Vladivostok pour y être embarqués à destination du front occidental. Mais, en mai, alors que les trains les transportant se dirigeaient vers l'Oural, les Rouges avaient tenté de les désarmer, et de violents incidents avaient éclaté dans plusieurs gares, et notamment dans celle de Tcheliabinsk. Sur quoi, ayant mis les gardes rouges en déroute, les Tchèques avaient rejoint les forces antibolcheviques de Sibérie.
Mais ces soldats tchèques sont - à de remarquables exceptions près, comme le capitaine Rudolf Gaïda, devenu général russe à moins de trente ans - des « corps étrangers » dans les armées blanches. Beaucoup se réclament du gouvernement en exil social-démocrate fondé sous la protection des Alliés par Masaryk, qui considère Koltchak et les siens comme « réactionnaires ». Et, surtout, ils sont placés sous le commandement théorique du général Janin.

Lénine découragé

Dès le mois de décembre, ils doivent être relevés sur le front occidental et sont affectés à la garde du chemin de fer transsibérien entre Tcheliabinsk et le lac Baïkal.
Pourtant, au mois de mars 1919, l'offensive de l'armée sibérienne se poursuit avec un plein succès. Elle menace Kazan, et son objectif principal est bel et bien devenu Moscou. En avril, les troupes de Koltchak, qui progressent sur un front de trois cents kilomètres, sont à moins de six cents kilomètres de la capitale.
Le 14 mai, les Alliés adressent à l'amiral un télégramme où ils se déclarent prêts, contre certaines garanties politiques, à tenir le gouvernement d'Omsk comme représentant l'ensemble de la Russie, une assemblée constituante devant être convoquée« dès l'arrivée à Moscou ».
Koltchak répond favorablement, en faisant tenir un double de sa correspondance à Dénikine, qui, le 30 mai, dans un ordre du jour daté d'Eksterinoder, reconnaît spontanément l'autorité de l'amiral « comme le chef suprême du gouvernement russe et le commandant en chef de toutes les armées russes ».
Malgré les tergiversations des Alliés - et, en particulier, il faut bien le dire, des Français la partie semble presque gagnée pour les Blancs. D'autant qu'au Sud, les troupes de Dénikine ; passées, le 2 mars, à une offensive ayant connu, deux mois durant, un sort incertain, ont fini par s'imposer - à quarante-cinq mille contre cent cinquante mille Rouges - et avancent de telle manière qu'une jonction avec Koltchak est envisagée.
C'est au point qu'à Moscou, Lénine se laisse aller à une déclaration pieusement tue, maintenant, par les historiographes marxistes :
« C'est entendu, nous avons raté notre coup. Mais notre grande réussite peut se résumer par une comparaison capitale : à Paris, la Commune avait tenu quelques jours. En Russie, elle aura tenu quelques mois... »
Il est vrai qu'à la différence de son compère Trotski, toujours tenace, combatif et courageux, Lénine était facilement lâche devant l'événement comme il le montra aussi bien à Pétrograd en 1917 que lors de l'offensive du général Ioudénitch, commandant l'Armée blanche du nord-ouest, en octobre 1919. Mais sa réaction n'en demeure pas moins significative.
Malheureusement, la situation ne tarde pas à se dégrader sur le front tenu par les troupes sibériennes. A la fin du mois de mai 1919, alors que la victoire semblait en vue, la progression est stoppée. Puis on commence à reculer devant des forces bolcheviques considérablement renforcées et, surtout, mieux équipées et mieux ravitaillées.
L'Armée blanche de Sibérie a, en effet, des lignes de communication dangereusement étirées. Et si, depuis quelque temps, des navires alliés ont commencé à débarquer du matériel à Vladivostok, son acheminement jusqu'à la zone du front est extrêmement difficile, long et hasardeux.
En juin, l'armée sibérienne du centre doit se replier, et l'armée du nord, commandée par Gaïda, est contrainte de suivre le mouvement pour n'être pas prise à revers sur son flanc gauche. Durant tout l'été, la retraite se poursuit.

Face aux intrigues

A Omsk aussi, le temps se gâte. Les revers militaires n'ont fait qu'attiser les intrigues diverses, menées aussi bien par les politiciens locaux que par certains représentants des Alliés. Koltchak, de plus en plus miné par la maladie, continue néanmoins à se battre sur tous les fronts.
La corruption qui continue à régner parmi les fonctionnaires et même certains officiers indigne l'amiral.
Il mène une existence austère, sort peu, ne reçoit pas, n'assiste qu'aux dîners officiels et ne participe en rien à cette « dolce vita » fin de siècle qui fait tant de ravages parmi les cadres anciens et nouveaux du Gouvernement local.
Certes, il a une maîtresse, mais, bien qu'étant de notoriété publique, cette liaison unique, visiblement fondée sur des sentiments profonds, décourage les amateurs de scandales.
De plus, Anna Timireva, femme séparée d'un amiral, ancien subordonné de Koltchak, n'est pas de celles qui suscitent l'esclandre.

Le dernier convoi

Au mois d'octobre, l'offensive rouge est devenue carrément impossible à enrayer. Du côté sibérien, on ne compte plus guère que sur l'hiver pour ralentir la progression des Bolcheviques, mais l'hiver, précisément, tarde à venir cette année-là.
Le 10 novembre, les avantgardes rouges ne se trouvent plus qu'à une soixantaine de kilomètres d'Omsk, déjà abandonnée par les missions militaires alliées. Et le 14, la 27e Division rouge s'emparera de la capitale après quelques brèves escarmouches.
Le Gouvernement s'est embarqué quatre jours plus tôt en direction d'Irkoutsk. Koltchak, lui, attend le dernier moment et ne part que quelques heures avant l'entrée des troupes rouges dans les faubourgs d'Omsk.
Il a pris place avec Anna Timireva, son état-major, sa garde personnelle et quelques civils, à bord d'un extraordinaire convoi de sept trains, dont l'un, comportant, vingt-neuf fourgons clos, transporte la réserve d'or du Gouvernement russe, stockée en Sibérie. Il sera rejoint le 7 décembre, à la gare de Taïga, par le président du conseil, Victor Pepelaïev.
Ce dernier voyage de l'amiral va prendre rapidement les allures d'un véritable chemin de croix. Autour de lui, tout s'effrite et tout s'effondre. Les Tchèques, soutenus par l'éternel général Janin, sont passés de la neutralité hargneuse à un véritable sabotage.
Et, le 13 décembre, à la gare de Marinsk, ils n'hésitent pas à faire passer le convoi de Koltchak sur la voie annexe - où l'on n'avance qu'à vitesse réduite en raison de l'encombrement. Toutes les protestations envoyées par l'amiral, tant au général Janin qu'au général Syrovy, commandant les troupes tchèques, restent vaines. La trahison est en train de se consommer.
La situation est telle que, le 16 décembre, le jeune général Kappel, devenu commandant en chef des troupes sibériennes, envoie à Syrovy un télégramme furibond où il exige du général tchèque réparation immédiate. C'est en vain.
Cependant, à Irkoutsk, une organisation regroupant les socialistes révolutionnaires et les mencheviks tente un putsch. Bientôt, la ville se trouve partagée entre elle et les troupes fidèles à Koltchak...

L'amiral trahi

Le 5 janvier 1920, Janin fait transmettre à l'amiral, toujours bloqué par les Tchèques, la proposition suivante : il sera escorté jusqu'à Irkoutsk par les Alliés, mais à la condition qu'il abandonne son convoi et voyage dans un seul wagon. Après quelques hésitations, Koltchak accepte, et, le 8 janvier au soir, l'unique wagon, accroché à une locomotive, s'ébranle, avec, à son bord, l'amiral, Anna Timireva et Victor Pepelaïev. des sentinelles tchèques armées stationnent dans les couloirs. Et lorsque, le 15, le train arrive à lrkoutsk, ce sont des miliciens socialistes à brassards rouges qui occupent les quais de la gare : l'amiral Koltchak vient d'être livré à ses ennemis...
D'ailleurs, deux officiers tchèques montent à bord du train et précisent : sur ordre du général Janin, l'amiral et ses compagnons vont être remis aux « autorités politiques locales ».
Koltchak conserve son calme glacial.
- Ainsi, c'est vrai, dit-il simplement, les Alliés m'ont trahi...
Le 20 janvier, les dirigeants socialistes cèdent officiellement la place à un « Comité révolutionnaire » bolchevique, et le lendemain, 21, Koltchak est appelé à comparaître devant une « Commission d'enquête extraordinaire » de cinq membres, présidée par les commissaires politiques rouges Tchoudnovsky et Popov. Coïncidence : l'aimable général Janin est parti pour un long et mystérieux voyage...

Une double exêcution

Mais un homme n'abandonne pas la partie : Kappel.
Avec son adjoint Voitzek-Hovsky et les maigres troupes qui lui restent, il est décidé à sauver l'amiral à tout prix. Il fonce vers Irkoutsk, et, le 20 janvier, s'empare de Nijneoudinsk. Mais le jeune général a les deux jambes gelées et les poumons atteints. Il refuse de se faire évacuer et continue sa route sur un simple traîneau, sur la neige. Le 27 janvier, il expire, en passant son commandement à Voitzekhovsky.
Celui-ci est son digne successeur. Enlevant à un train d'enfer ses troupes, pourtant épuisées, il arrive le 5 février aux portes d'Irkoutsk en ayant tout balayé sur son passage.
Le jour même, la « Commission d'enquête extraordinaire », muée en tribunal avec l'approbation du soviet de Tomsk, a décidé de faire fusiller Koltchak et Victor Pepelaïev. Les deux condamnés sont amenés au bord de la rivière Outchakovka, entièrement gelée. On a creusé un trou dans la glace. Ayant récité leurs prières, les deux hommes viennent se mettre devant, le dos à la rivière. Koltchak a refusé qu'on lui bande les yeux.
Une salve, puis une seconde.
Frappés à mort, les deux corps ont basculé dans l'eau immobile. Au-dessus d'eux, la glace commence à se reformer.
Jean Bourdier, National Hebdo février 1988.

dimanche 21 octobre 2007

La véritable histoire de la bataille de Valmy

DANS la mémoire collective - et dans les bouquins d'histoire façon Mallet-Isaac - la bataille de Valmy (20 septembre 1792) nous est donnée comme une grande victoire républicaine, l'effet de la furia francese de quelques sans-culottes qui ont su balayer les armées professionnelles des Prussiens et des Autrichiens.

Si il y eut, à Valmy, une histoire de sans-culottes, c'est pour les raisons que nous allons dire et non pour celles que les historiographes de la chose révolutionnaire ont martelé dans les crânes des petits Français.

Valmy est un lieu-dit - un moulin en marque l'emplacement - situé entre Champagne pouilleuse et Champagne humide. En ce jour de septembre 1792, deux armées se font face. L'armée des Rois, composée d'une coalition d'Autrichiens (emmenés par le général Clerfayt), de Prussiens (drivés par le duc de Brunswick) et d'émigrés royalistes parmi lesquels on reconnaît au passage les comtes de Provence et d'Artois. L'armée républicaine est commandée par Dumouriez et Kellermann. Le duc de Chartres, futur Louis-Philippe, Orléans oblige, a choisi le camp où sa famille s'est toujours complue.

L'enjeu de cette rencontre est simple. Il s'agit de couper la route aux Impériaux, en marche sur Paris. L'engagement commence le 20 septembre, vers 7 heures du matin, de façon classique : artillerie contre artillerie. Un peu avant midi, le roi de Prusse, Frédéric -Guillaume, commande l'assaut. En quelques minutes, les Impériaux arrivent à hauteur du moulin où se tient Kellermann. Qui ordonne la contre-attaque. D'attaques en contre-attaques - le tout sous le feu roulant des batteries - on arrive, vers les 16 heures, à une sorte de match nul. A la nuit tombée, on décide, d'un commun accord, de prendre un repos bien mérité.

Le 21 au matin, même jeu, même donne. Avec, en milieu de matinée, un léger avantage aux Républicains qui, ayant mené une charge d'intimidation, vont avoir la surprise de voir les Prussiens décrocher en courant et ne plus s'arrêter de courir jusqu'à la frontière ... La bataille de Valmy venait d'avoir lieu. Il y avait, d'un côté, 40 000 Républicains. De l'autre, 35 000 Impériaux. Les Républicains auront 250 morts, les Prussiens, 164 ...

Cette « bataille » avait été si discrète que le ministre français de la guerre ne la mentionna même pas dans le rapport qu'il fit, plusieurs jours après la rencontre, à la Convention. Et Kellermann, dans ses Mémoires, en rend compte distraitement sous le nom d'« affaire de Valmy».

Si l'on veut bien évacuer les accusations portées contre Brunswick - il aurait passé accord avec Dumouriez qui, comme lui, était franc-maçon on s'arrêtera un moment aux causes réelles de ce qu'il faut bien appeler la «courante» prussienne (ou, comme on l'écrivit à l'époque, « la courrée prussienne» ).

Septembre 1792 avait été un mois pourri. Jour après jour, la pluie va tomber sur les troupes austro-prussiennes qui, l'intendance ayant du mal à suivre sur les routes transformées en torrents de boue, resteront près d'une semaine sans couchage et sans ravitaillement.

Les soldats, crottés, épuisés, affamés, vont ainsi se rabattre sur ce qu'ils peuvent trouver. Quelques pommes de terre. Un peu de farine. Des fruits de bord de chemin. Et surtout, des raisins. Des raisins verts ... D'où, très vite, d'épouvantables coliques qui transformeront les soldats austro-prussiens en ... sans-culottes. Une gravure de 1792 montre le duc de Brunswick, culotte baissée. Le texte dit :
« La foire est un fléau à nul autre pareille/On a beau se traiter/La vilaine qu'elle est nous fait la sourde oreille/Et nous laisse chier./Le Piéton dans son sac pressé/Par la colique/Eprouve ses douleurs/Elle soumet de même à sa fureur/chyrique/les Rois, les Empereurs. »

Après Valmy, quand les Français réoccuperont un des camps ennemis - le camp de la Lune, cela ne s'invente pas ... ils découvriront des fosses d'aisance pleines d'excréments sanglants. Quelques jours plus tard, Dumouriez est obligé de contourner Grand Pré, village «plein d'exhalaisons pestilentielles ».

Marat notera dans son Journal: « Nos succès à l'égard des Prussiens ne paraissent plus douteux. Ils sont moins dus aux avances de nos armées qu'aux pertes qu'ont fait leurs troupes par le flux de sang. »

Les médecins, qui ont étudié cette « courée prussienne », ont nommé cette dysenterie: il s'agissait d'une shigellose (dysenterie bacillaire de Shiga) particulièrement épidémique.

Michelet s'est fait l'écho de cette dysenterie ravageuse qui fut prétexte, parfois, à une fraternisation entre les deux camps : « Quand ils virent passer par charrettes les Prussiens malades, pâles de faim et de fièvre, brisés par la dysenterie, ils s'arrêtèrent court, les laissèrent passer. Ceux qu'ils prirent, ce fut pour les soigner dans les hôpitaux français. A Strasbourg, soldats et bourgeois traitèrent les prisonniers comme des frères; on partagea avec eux le pain, la viande, la soupe ... la dépense n'était pas petite, ils étaient trois mille. »

On est loin, on le voit, des images d'Epinal qui exhaltent « l'armée de vagabonds, de tailleurs et de savetiers», qui aurait défait celle de vaniteux aristocrates... Loin, aussi, des pompiérismes de Goethe qui, présent sur ce jour-là, écrira, sans crainte du ridicule: «De ce jour et de ce lieu date une nouvelle époque de l'Histoire du monde et vous pourrez dire: j'y étais. »

Voulant raison garder, le professeur Destaing préfère rappeler que si 164 Prussiens moururent à Valmy, 20000 d'entre eux, 30 000 peut-être, « avaient déjà été frappés au ventre» :

- Une pudeur pudibonde a permis de passer trop longtemps sous silence ce providentiel appui apporté à l'armée française. Les sectaires peuvent toujours s'insurger et les prudes s'offusquer, les chiffres parlent d'eux-mêmes. A Valmy, les raisins verts furent la cause première de la débâcle ennemie, de la victoire des Sans-Culottes et de la Révolution sur ... les sans-culottes du Roi de Prusse.
Alain Sanders National Hebdo du29 sept au 5 oct 1988

La véritable histoire de la bataille de Valmy


DANS la mémoire collective - et dans les bouquins d'histoire façon Mallet-Isaac - la bataille de Valmy (20 septembre 1792) nous est donnée comme une grande victoire républicaine, l'effet de la furia francese de quelques sans-culottes qui ont su balayer les armées professionnelles des Prussiens et des Autrichiens.

Si il y eut, à Valmy, une histoire de sans-culottes, c'est pour les raisons que nous allons dire et non pour celles que les historiographes de la chose révolutionnaire ont martelé dans les crânes des petits Français.

Valmy est un lieu-dit - un moulin en marque l'emplacement - situé entre Champagne pouilleuse et Champagne humide. En ce jour de septembre 1792, deux armées se font face. L'armée des Rois, composée d'une coalition d'Autrichiens (emmenés par le général Clerfayt), de Prussiens (drivés par le duc de Brunswick) et d'émigrés royalistes parmi lesquels on reconnaît au passage les comtes de Provence et d'Artois. L'armée républicaine est commandée par Dumouriez et Kellermann. Le duc de Chartres, futur Louis-Philippe, Orléans oblige, a choisi le camp où sa famille s'est toujours complue.

L'enjeu de cette rencontre est simple. Il s'agit de couper la route aux Impériaux, en marche sur Paris. L'engagement commence le 20 septembre, vers 7 heures du matin, de façon classique : artillerie contre artillerie. Un peu avant midi, le roi de Prusse, Frédéric -Guillaume, commande l'assaut. En quelques minutes, les Impériaux arrivent à hauteur du moulin où se tient Kellermann. Qui ordonne la contre-attaque. D'attaques en contre-attaques - le tout sous le feu roulant des batteries - on arrive, vers les 16 heures, à une sorte de match nul. A la nuit tombée, on décide, d'un commun accord, de prendre un repos bien mérité.

Le 21 au matin, même jeu, même donne. Avec, en milieu de matinée, un léger avantage aux Républicains qui, ayant mené une charge d'intimidation, vont avoir la surprise de voir les Prussiens décrocher en courant et ne plus s'arrêter de courir jusqu'à la frontière ... La bataille de Valmy venait d'avoir lieu. Il y avait, d'un côté, 40 000 Républicains. De l'autre, 35 000 Impériaux. Les Républicains auront 250 morts, les Prussiens, 164 ...

Cette « bataille » avait été si discrète que le ministre français de la guerre ne la mentionna même pas dans le rapport qu'il fit, plusieurs jours après la rencontre, à la Convention. Et Kellermann, dans ses Mémoires, en rend compte distraitement sous le nom d'« affaire de Valmy».

Si l'on veut bien évacuer les accusations portées contre Brunswick - il aurait passé accord avec Dumouriez qui, comme lui, était franc-maçon on s'arrêtera un moment aux causes réelles de ce qu'il faut bien appeler la «courante» prussienne (ou, comme on l'écrivit à l'époque, « la courrée prussienne» ).

Septembre 1792 avait été un mois pourri. Jour après jour, la pluie va tomber sur les troupes austro-prussiennes qui, l'intendance ayant du mal à suivre sur les routes transformées en torrents de boue, resteront près d'une semaine sans couchage et sans ravitaillement.

Les soldats, crottés, épuisés, affamés, vont ainsi se rabattre sur ce qu'ils peuvent trouver. Quelques pommes de terre. Un peu de farine. Des fruits de bord de chemin. Et surtout, des raisins. Des raisins verts ... D'où, très vite, d'épouvantables coliques qui transformeront les soldats austro-prussiens en ... sans-culottes. Une gravure de 1792 montre le duc de Brunswick, culotte baissée. Le texte dit :
« La foire est un fléau à nul autre pareille/On a beau se traiter/La vilaine qu'elle est nous fait la sourde oreille/Et nous laisse chier./Le Piéton dans son sac pressé/Par la colique/Eprouve ses douleurs/Elle soumet de même à sa fureur/chyrique/les Rois, les Empereurs. »

Après Valmy, quand les Français réoccuperont un des camps ennemis - le camp de la Lune, cela ne s'invente pas ... ils découvriront des fosses d'aisance pleines d'excréments sanglants. Quelques jours plus tard, Dumouriez est obligé de contourner Grand Pré, village «plein d'exhalaisons pestilentielles ».

Marat notera dans son Journal: « Nos succès à l'égard des Prussiens ne paraissent plus douteux. Ils sont moins dus aux avances de nos armées qu'aux pertes qu'ont fait leurs troupes par le flux de sang. »

Les médecins, qui ont étudié cette « courée prussienne », ont nommé cette dysenterie: il s'agissait d'une shigellose (dysenterie bacillaire de Shiga) particulièrement épidémique.

Michelet s'est fait l'écho de cette dysenterie ravageuse qui fut prétexte, parfois, à une fraternisation entre les deux camps : « Quand ils virent passer par charrettes les Prussiens malades, pâles de faim et de fièvre, brisés par la dysenterie, ils s'arrêtèrent court, les laissèrent passer. Ceux qu'ils prirent, ce fut pour les soigner dans les hôpitaux français. A Strasbourg, soldats et bourgeois traitèrent les prisonniers comme des frères; on partagea avec eux le pain, la viande, la soupe ... la dépense n'était pas petite, ils étaient trois mille. »

On est loin, on le voit, des images d'Epinal qui exhaltent « l'armée de vagabonds, de tailleurs et de savetiers», qui aurait défait celle de vaniteux aristocrates... Loin, aussi, des pompiérismes de Goethe qui, présent sur ce jour-là, écrira, sans crainte du ridicule: «De ce jour et de ce lieu date une nouvelle époque de l'Histoire du monde et vous pourrez dire: j'y étais. »

Voulant raison garder, le professeur Destaing préfère rappeler que si 164 Prussiens moururent à Valmy, 20000 d'entre eux, 30 000 peut-être, « avaient déjà été frappés au ventre» :

- Une pudeur pudibonde a permis de passer trop longtemps sous silence ce providentiel appui apporté à l'armée française. Les sectaires peuvent toujours s'insurger et les prudes s'offusquer, les chiffres parlent d'eux-mêmes. A Valmy, les raisins verts furent la cause première de la débâcle ennemie, de la victoire des Sans-Culottes et de la Révolution sur ... les sans-culottes du Roi de Prusse.

Alain Sanders National Hebdo du29 sept au 5 oct 1988
DANS la mémoire collective - et dans les bouquins d'histoire façon Mallet-Isaac - la bataille de Valmy (20 septembre 1792) nous est donnée comme une grande victoire républicaine, l'effet de la furia francese de quelques sans-culottes qui ont su balayer les armées professionnelles des Prussiens et des Autrichiens.

Si il y eut, à Valmy, une histoire de sans-culottes, c'est pour les raisons que nous allons dire et non pour celles que les historiographes de la chose révolutionnaire ont martelé dans les crânes des petits Français.

Valmy est un lieu-dit - un moulin en marque l'emplacement - situé entre Champagne pouilleuse et Champagne humide. En ce jour de septembre 1792, deux armées se font face. L'armée des Rois, composée d'une coalition d'Autrichiens (emmenés par le général Clerfayt), de Prussiens (drivés par le duc de Brunswick) et d'émigrés royalistes parmi lesquels on reconnaît au passage les comtes de Provence et d'Artois. L'armée républicaine est commandée par Dumouriez et Kellermann. Le duc de Chartres, futur Louis-Philippe, Orléans oblige, a choisi le camp où sa famille s'est toujours complue.

L'enjeu de cette rencontre est simple. Il s'agit de couper la route aux Impériaux, en marche sur Paris. L'engagement commence le 20 septembre, vers 7 heures du matin, de façon classique : artillerie contre artillerie. Un peu avant midi, le roi de Prusse, Frédéric -Guillaume, commande l'assaut. En quelques minutes, les Impériaux arrivent à hauteur du moulin où se tient Kellermann. Qui ordonne la contre-attaque. D'attaques en contre-attaques - le tout sous le feu roulant des batteries - on arrive, vers les 16 heures, à une sorte de match nul. A la nuit tombée, on décide, d'un commun accord, de prendre un repos bien mérité.

Le 21 au matin, même jeu, même donne. Avec, en milieu de matinée, un léger avantage aux Républicains qui, ayant mené une charge d'intimidation, vont avoir la surprise de voir les Prussiens décrocher en courant et ne plus s'arrêter de courir jusqu'à la frontière ... La bataille de Valmy venait d'avoir lieu. Il y avait, d'un côté, 40 000 Républicains. De l'autre, 35 000 Impériaux. Les Républicains auront 250 morts, les Prussiens, 164 ...

Cette « bataille » avait été si discrète que le ministre français de la guerre ne la mentionna même pas dans le rapport qu'il fit, plusieurs jours après la rencontre, à la Convention. Et Kellermann, dans ses Mémoires, en rend compte distraitement sous le nom d'« affaire de Valmy».

Si l'on veut bien évacuer les accusations portées contre Brunswick - il aurait passé accord avec Dumouriez qui, comme lui, était franc-maçon on s'arrêtera un moment aux causes réelles de ce qu'il faut bien appeler la «courante» prussienne (ou, comme on l'écrivit à l'époque, « la courrée prussienne» ).

Septembre 1792 avait été un mois pourri. Jour après jour, la pluie va tomber sur les troupes austro-prussiennes qui, l'intendance ayant du mal à suivre sur les routes transformées en torrents de boue, resteront près d'une semaine sans couchage et sans ravitaillement.

Les soldats, crottés, épuisés, affamés, vont ainsi se rabattre sur ce qu'ils peuvent trouver. Quelques pommes de terre. Un peu de farine. Des fruits de bord de chemin. Et surtout, des raisins. Des raisins verts ... D'où, très vite, d'épouvantables coliques qui transformeront les soldats austro-prussiens en ... sans-culottes. Une gravure de 1792 montre le duc de Brunswick, culotte baissée. Le texte dit :
« La foire est un fléau à nul autre pareille/On a beau se traiter/La vilaine qu'elle est nous fait la sourde oreille/Et nous laisse chier./Le Piéton dans son sac pressé/Par la colique/Eprouve ses douleurs/Elle soumet de même à sa fureur/chyrique/les Rois, les Empereurs. »

Après Valmy, quand les Français réoccuperont un des camps ennemis - le camp de la Lune, cela ne s'invente pas ... ils découvriront des fosses d'aisance pleines d'excréments sanglants. Quelques jours plus tard, Dumouriez est obligé de contourner Grand Pré, village «plein d'exhalaisons pestilentielles ».

Marat notera dans son Journal: « Nos succès à l'égard des Prussiens ne paraissent plus douteux. Ils sont moins dus aux avances de nos armées qu'aux pertes qu'ont fait leurs troupes par le flux de sang. »

Les médecins, qui ont étudié cette « courée prussienne », ont nommé cette dysenterie: il s'agissait d'une shigellose (dysenterie bacillaire de Shiga) particulièrement épidémique.

Michelet s'est fait l'écho de cette dysenterie ravageuse qui fut prétexte, parfois, à une fraternisation entre les deux camps : « Quand ils virent passer par charrettes les Prussiens malades, pâles de faim et de fièvre, brisés par la dysenterie, ils s'arrêtèrent court, les laissèrent passer. Ceux qu'ils prirent, ce fut pour les soigner dans les hôpitaux français. A Strasbourg, soldats et bourgeois traitèrent les prisonniers comme des frères; on partagea avec eux le pain, la viande, la soupe ... la dépense n'était pas petite, ils étaient trois mille. »

On est loin, on le voit, des images d'Epinal qui exhaltent « l'armée de vagabonds, de tailleurs et de savetiers», qui aurait défait celle de vaniteux aristocrates... Loin, aussi, des pompiérismes de Goethe qui, présent sur ce jour-là, écrira, sans crainte du ridicule: «De ce jour et de ce lieu date une nouvelle époque de l'Histoire du monde et vous pourrez dire: j'y étais. »

Voulant raison garder, le professeur Destaing préfère rappeler que si 164 Prussiens moururent à Valmy, 20000 d'entre eux, 30 000 peut-être, « avaient déjà été frappés au ventre» :

- Une pudeur pudibonde a permis de passer trop longtemps sous silence ce providentiel appui apporté à l'armée française. Les sectaires peuvent toujours s'insurger et les prudes s'offusquer, les chiffres parlent d'eux-mêmes. A Valmy, les raisins verts furent la cause première de la débâcle ennemie, de la victoire des Sans-Culottes et de la Révolution sur ... les sans-culottes du Roi de Prusse.
Alain Sanders National Hebdo du29 sept au 5 oct 1988

mardi 16 octobre 2007

Le métier au Moyen-Âge

Avec le commerce, l'élément essentiel de la vie urbaine, c'est le métier. La façon dont on l'a compris au Moyen Age, dont on en a réglé l'exercice et les conditions, a mérité de retenir particulièrement l'attention de notre époque, qui voit dans le système corporatif une solution possible au problème du travail. Mais le seul type de corporation (1) réellement intéressant, c'est la corporation médiévale, celle-ci prise dans le sens large de confrérie ou association de métier, et d'ailleurs altérée de bonne heure sous la pression de la bourgeoisie ; les siècles suivants n'en ont connu que des déformations ou des caricatures.

On ne saurait mieux définir la corporation médiévale qu'en voyant en elle l'organisation familiale appliquée au métier. Elle est le groupement, en un organisme unique, de tous les éléments d'un métier déterminé : patrons, ouvriers, apprentis sont réunis, non sous une autorité quelconque, mais en vertu de cette solidarité qui naît naturellement de l'exercice d'une même industrie. C'est, comme la famille, une association naturelle ; elle n'émane pas de l'État, ni du roi. Lorsque Saint Louis, mande à Étienne Boileau de rédiger le Livre des Métier ; ce n'est que pour faire mettre par écrit les usages déjà existants, sur lesquels son autorité n'intervient pas. Le seul rôle du roi vis-à-vis de la corporation, comme de toutes les institutions de droit privé, c'est de contrôler l'application loyale des coutumes en vigueur ; comme la famille, comme l'Université, la corporation médiévale est un corps libre, ne connaissant pas d'autres lois que celles qu'elle s'est elle-même forgées ; c'est là son caractère essentiel qu'elle conservera jusque vers la fin du XVe siècle.

Tous les membres d'un même métier font d'office partie de la corporation, mais tous, bien entendu, n'y jouent pas le même rôle : la hiérarchie va des apprenti, aux maîtres-jurés formant le conseil supérieur du métier. On a l'habitude d'y distinguer trois degrés ; apprenti, compagnon ou valet, et maître; mais cela n'appartient pas à la période médiévale, durant laquelle, jusqu'au milieu du XIVe siècle environ, on peut, dans la plupart des métiers, passer maître aussitôt l'apprentissage terminé. Les valets ne deviendront nombreux qu'à dater du XVIIe siècle, où une oligarchie de riches artisans cherche de plus en plus à se réserver l'accès à la maîtrise, ce qui ébauche la formation d'un prolétariat industriel.

Mais, pendant tout le Moyen Age, les chances au départ sont exactement les mêmes pour tous, et tout apprenti, à moins d'être par trop maladroit ou paresseux, finit par passer maître.

L'apprenti est lié à son maître par un contrat d'apprentissage - toujours ce lien personnel, cher au Moyen Age - comportant des obligations pour les deux parties : pour le maître, celle de former son élève au métier, de s'assurer le vivre et le couvert, moyennant paiement par les parents des frais d'apprentissage ; pour l'apprenti, l'obéissance à son maître, et l'application au travail. On retrouve, transposée dans l'artisanat, la double notion de "fidélité-protection" qui unit le seigneur à son vassal ou à son tenancier. Mais comme, ici, l'une des parties contractantes est un enfant de douze à quatorze ans, tous les soins sont apportés à renforcer la protection dont il doit jouir, et, tandis que l'on manifeste la plus grande indulgence pour les fautes, les étourderies, voire même les vagabondages de l'apprenti, les devoirs du maître sont sévèrement précisés : il ne peut prendre qu'un apprenti à la fois, pour que son enseignement soit fructueux, et qu'il ne puisse pas exploiter ses élèves en se déchargeant sur eux d'une partie de sa besogne ; cet apprenti, il n'a le droit de s'en charger qu'après avoir exercé la maîtrise pendant un an au moins, afin que l'on ait pu se rendre compte de ses qualités techniques et morales. "Nul ne doit prendre apprenti, s'il n'est si sage si riche qu'il le puist apprendre et gouverner et maintenir son terme... et ce droit être su et fait pour les deux prud'hommes qui gardent le métier", disent les règlements, Ils fixent expressément ce que le maître doit dépenser chaque jour pour la nourriture et l'entretien de l'élève ; enfin, les maîtres sont soumis à un droit de visite détenu par les jurés de la corporation, qui viennent à domicile examiner la façon dont l'apprenti est nourri, initié au métier et traité en général. Le maître a envers lui les devoirs et les charges d'un père, et doit entre autres veiller à sa conduite et à sa tenue morale ; en revanche, l'apprenti lui doit respect et obéissance, mais on va jusqu'à favoriser de la part de ce dernier une certaine indépendance : au cas où un apprenti se sauve de chez son maître, celui-ci doit attendre un an avant de pouvoir en reprendre un autre, et durant toute cette année, il est tenu d'accueillir le fugitif, s'il revient - cela, pour que toutes les garanties soient du côté du plus faible, et non du plus fort.

Pour passer maître, il faut avoir terminé son temps, d'apprentissage ; ce temps varie suivant les métiers, comme il est normal, et dure en général de trois à cinq ans il est probable qu'alors le futur maître devait faire la preuve de son habileté devant les jurés de sa corporation, ce qui est à l'origine du chef-d'œuvre dont les conditions iront en se compliquant au cours des siècles ; de plus, il doit acquitter une taxe, d'ailleurs minime (de 3 à 5 sous en général) - sa cotisation à la confrérie du corps de métier ; enfin, dans certains métiers, pour lesquels le marchand est tenu de justifier sa solvabilité, le versement d'une caution est exigé. Telles sont les conditions de la maîtrise pendant la période médiévale proprement dite ; à dater du XIVe siècle environ, les corporations, jusque-là indépendantes pour la plupart, commencent à être rattachées au pouvoir central, et l'accès à la maîtrise se fait plus difficile : on exige, dans certaines branche, un stage préalable de trois ans comme compagnon, et le postulant doit verser une redevance que l'on appelle l'achat de métier, variant de 5 à 20 sous.

L'exercice de chaque métier faisait l'objet d'une règlementation minutieuse, qui tendait avant tout à maintenir l'équilibre entre les membres de la corporation. Toute tentative pour accaparer un marché, toute ébauche d'entente entre quelques maîtres au détriment des autres, tout essai pour mettre la main sur une trop grande quantité de matières premières, étaient sévèrement réprimés : rien de plus contraire à l'esprit des anciennes corporations que le stockage, la spéculation, ou nos modernes trusts. On punissait aussi implacablement l'acte de détourner à son profit la clientèle d'un voisin, ce que de nos jours on appellerait l'abus de la publicité. La concurrence existait cependant, mais elle était restreinte au domaine des qualités personnelles : la seule façon d'attirer le client, c'était de faire mieux à prix égal, plus achevé, plus soigné que le voisin.

Les règlements étaient là encore pour veiller à la bonne exécution du métier, rechercher les fraudes et punir les malfaçons ; dans ce but, le travail devait autant que possible être fait dehors, ou tout au moins en pleine lumière ; gare au drapier qui aurait entassé l'étoffe de mauvaise qualité dans les recoins obscurs de sa boutique : tout doit être montré en plein jour, sous l'auvent où le badaud aime à s'attarder, où Maître Pathelin vient "engigner" le marchand naïf.

Les maîtres-jurés ou « gardes du métier » sont là pour faire observer les règlements. Ils exercent un droit de visite sévère. Les fraudeurs sont mis au pilori, et exposés avec leur mauvaise marchandise, pendant un temps variable ; leurs compagnons sont les premiers à les montrer du doigt. C'est qu'on porte très vif le sentiment de l'honneur du métier. Ceux qui font tache excitent le mépris de leurs confrères qui se sentent atteints par la honte qui rejaillit sur le métier tout entier ; on les met au ban de la société ; on les regarde un peu comme des chevaliers parjures qui auraient mérité la dégradation. L'artisan médiéval, en général, a le culte de son travail. On en trouve le témoignage dans les romans de métier comme ceux de Thomas Deloney sur les tisserands et les cordonniers de Londres ; les cordonniers intitulent leur art "le noble métier". À suivre...

Le métier au Moyen-Âge (suite)

C'est un trait spécifiquement médiéval, cette fierté de son état, - et non moins médiévale, la jalousie avec laquelle chaque corporation revendique ses privilèges.
Celui de juger par elle-même des délits du métier est peut-être l'un des plus précieux pour l'époque, mais elle estime essentielle aussi la liberté de s'administrer par ses propres représentants. Pour cela, on élit chaque année un conseil composé de maîtres choisis, soit par l'ensemble de la corporation, soit par les autres maîtres ; les usages varient suivant les métiers. Les conseillers prêtent serment, d'où leur nom de "jurés" ; ils doivent veiller à l'observation des règlements, visiter et protéger les apprentis, trancher les différends qui peuvent s'élever entre les maîtres, inspecter les boutiques pour faire la police des fraudes. C'est à eux que revient aussi la charge d'administrer la caisse de la corporation. Leur influence est telle dans la cité qu'ils en viennent souvent à jouer un rôle politique.
Dans quelques villes, comme à Marseille, les délégués des métiers prennent une part effective à la direction des affaires communales ; ils font d'emblée partie du Conseil Général ; aucune décision touchant les intérêts de la ville ne peut être prise sans eux ; ils choisissent tous les huit jours des "semainiers" qui assistent le recteur et sans lesquels on ne peut pas tenir de délibération. Suivant l'expression de l'historien de la commune de Marseille, M. Bourrilly, les chefs de métier étaient "l'élément moteur" de la vie municipale, et l'on pourrait dire que Marseille eut au XIIIe siècle un gouvernement à base corporative.
La confrérie, d'origine religieuse, qui, elle, existe à peu près partout, même là où le métier n'est pas organisé en maîtrise ou jurande, est un centre d'entr'aide. Parmi les charges qui pèsent régulièrement sur la caisse de la communauté figurent en première place les pensions versées aux maîtres âgés ou infirmes, et les secours aux membres malades, pendant leur temps de maladie et de convalescence, C'est un système d'assurances dans lequel chaque cas peut être connu et examiné en particulier, ce qui permet d'apporter le remède approprié à chaque situation et d'éviter aussi les abus et les cumuls. "Si fis de maître eschiet pauvre, et veut apprendre, les prud'hommes doivent leur faire apprendre des 5 sols (taxe corporative) - et de leurs aumônes", dit le statut des "boucliers de fer" ou fabricants de boucles. La corporation aide le cas échéant ses membres lorsqu'ils sont en voyage ou en cas de chômage. Thomas Deloney place dans la bouche d'un confrère du Noble Métier un passage très significatif. Tom Drum (c'est son nom) a rencontré sur sa route un jeune seigneur ruiné et lui propose de l'accompagner jusqu'à Londres : « C'est moi qui paye, dit-il, à la prochaine ville nous nous amuserons bien. Comment, dit le jeune homme, je croyais que tu n'avais qu'un petit sou pour toute fortune. - Je vais te dire, reprend Tom. Si tu étais cordonnier comme moi, tu pourrais voyager d'un bout à l'autre de l'Angleterre avec rien qu'un penny dans ta poche. Pourtant dans chaque ville tu trouverais bon gîte et bonne chère, et de quoi boire, sans même dépenser ton penny. C'est que les cordonniers ne veulent pas voir qu'un des leurs ne manque de rien. Voilà notre règlement : Si un compagnon arrive dans une ville, sans argent et sans pain, il n'a qu'à se faire connaître, et pas besoin de s'occuper d'autre chose. Les autres compagnons de la ville non seulement le reçoivent bien, mais lui fournissent gratis le vivre et le couvert, S'il veut travailler, leur bureau se charge de lui trouver un patron, et il n'a pas à se déranger. » Ce court passage en dit assez pour se passer de commentaire.
Ainsi comprises, les corporations étaient un centre très vivant d'aide mutuelle, faisant honneur à leur de devise : « Tous pour un, chacun pour tous. » Elles tiraient gloire de leurs œuvres de charité. Les orfèvres obtiennent ainsi la permission de tenir boutique le dimanche et aux fêtes des Apôtres, chômées en général, chacun à tour de rôle ; tout ce qu'il gagne ce jour-là sert à offrir le jour de Pâques un repas aux pauvres de Paris ; "Quanque il gagne qui l'ouvroir a ouvert, il le met en la boîte de la confrérie des orfèvres,... et de tout l'argent de cette boîte donne-t-on chacun an le jour de Pâques un dîner aux pauvres de l'Hôtel-Dieu de Paris". Dans la plupart des métiers aussi, les orphelins de la corporation sont élevés à ses frais.
Tout cela se passe dans une atmosphère de concorde et de gaieté dont le travail moderne ne peut guère donner l'idée. Les corporations et confréries ont chacune leurs traditions, leur fête, leurs rites pieux ou bouffer, leurs chansons, leurs insignes. Toujours d'après Thomas Deloney, un cordonnier, pour être adopté comme fils du "Noble Métier", doit savoir « chanter, sonner du cor, jouer de la flûte, manier le bâton ferré, combattre à l'épée et compter ses outils en vers ». Lors des fêtes de la cité, et aux cortèges solennels, les corporations déploient leurs bannières, et c'est à qui se trouvera quelques titres de préséance. Ce sont de petits mondes extraordinairement vivants et actifs, qui achèvent de donner à la cité son impulsion et sa physionomie originale.
Au total, on ne saurait mieux résumer le caractère de la vie urbaine au Moyen Age qu'en citant le grand historien des villes médiévales, Henri Pirenne : « L'économie urbaine est digne de l'architecture gothique dont elle est contemporaine. Elle a créé de toutes pièces... une législation sociale plus complète que celle d'aucune autre époque, y compris la nôtre. En supprimant les intermédiaires entre vendeur et acheteur, elle a assuré aux bourgeois le bienfait de la vie à bon marché ; elle a impitoyablement poursuivi la fraude, protégé le travailleur contre la concurrence et l'exploitation, règlementé son labeur et son salaire, veillé à son hygiène, pourvu à l'apprentissage, empêché le travail de la femme et de l'enfant, en même temps qu'elle a réussi à réserver à la ville le monopole de fournir de ses produits les campagnes environnantes et à trouver au loin des débouchés à son commerce (2) ».
(1). C'est à regret que nous employons ce terme, dont on a tant abusé et qui a prêté à si nombreuses confusions à propos de nos anciennes institutions. Notons d'abord qu'il s'agit d'un vocable moderne, qui n'apparaît qu'au XVIIIe siècle. Jusqu'alors il n'avait été question que de maîtrises ou de jurandes. Celles-ci, que caractérise le monopole de fabrication pour un métier donné dans une ville, ont été, durant la belle période du Moyen Age, assez peu nombreuses ; elles existaient à Paris, mais non dans l'ensemble du royaume où elles ne commencèrent à devenir le régime habituel - avec encore de nombreuses exceptions - qu'à la fin du XVe siècle. L'âge d'or des corporations a été, non le Moyen Age, mais le XVIe siècle ; or dès cette époque elles commençaient, sous l'impulsion de la bourgeoisie, à être en fait accaparées par les patrons qui firent de la maîtrise une sorte de privilège héréditaire, tendance qui s'accentua si bien qu'aux siècles suivants les maîtres constituaient une véritable caste dont l'accès était difficile, sinon impossible, aux ouvriers peu fortunés. Ceux-ci n'eurent d'autre ressource que de former à leur tour, pour leur défense, des sociétés autonomes et plus ou moins secrètes, les compagnonnages.
Après avoir été, dans l'esprit de certains historiens, le synonyme de "tyrannie", la corporation a fait l'objet de jugements moins sévères, et parfois d'éloges exagérés. Les travaux d'Hauser ont eu surtout pour but de réagir contre cette dernière tendance, et de démontrer qu'il faut se garder de voir en elle un monde "idyllique" ; il est bien certain qu'aucun régime de travail ne peut être qualifié d'"idyllique", pas plus la corporation qu'un autre - si ce n'est, peut-être, par comparaison avec la situation faite au prolétariat industriel au XIXe siècle, ou avec des innovations modernes telles que le système Bedaud.
(2). Les villes et les institutions urbaines au Moyen Age, tome I,
Lumière du Moyen-âge : Régine Pernoud

dimanche 14 octobre 2007

Les Carthaginois sacrifiaient-ils vraiment des enfants ?


UN ARTICLE scientifique déjà ancien, mais peu connu en dehors des milieux spécialisés, remet en cause une idée reçue, et popularisée par Gustave Flaubert dans Salammbô : sur la foi d'historiens antiques (Diodore de Sicile, Clitarque), on croyait que les Carthaginois pratiquaient des sacrifices d'enfants, en particulier sacrifices des premiers-nés (dont l'archétype est " le sacrifice d'Abraham, auquel la Bible " donne un happy end).
Dans les publications d'une Unité de recherche de l'Université de Nanterre (1), une spécialiste de l'archéologie punique, Mme Bénichou-Safar, a présenté un état de la question qui met fortement en doute ce quasi-dogme historique.
On a trouvé effectivement à Carthage, en 1921, sur le site dénommé " 1) L'article entier est disponible sur le site Internet de la «maison René GSalammbô ", des milliers d'urnes remplies de cendres d'enfants, accompagnées ou non de cendres d'agneaux ou de chevreaux et de bijoux (certaines, il est vrai, ne contenaient que des cendres d'animaux). Au-dessus, généralement, des ex-votos gravés sur pierre: « Ce qu'a offert à la déesse Tanit» (ou: au « seigneur Baal-Hammon ») « Untel, fils de Untel » etc. La cause paraissait entendue: enfants et animaux étaient des victimes offertes à la divinité.
Cependant, l' archéologue,fouillant à Carthage (voir maquette ci-dessus) à la fin des années 1970, s'est aperçue qu'en dehors de ce site, les sépultures d'enfants étaient rarissimes. Ne s'agissait-il donc pas simplement, à " Salammbô ", d'un cimetière réservé aux petites victimes de la mortalité infantile, très forte dans les sociétés antiques ? L'examen des os montre que tous ont été incinérés étant déjà morts. Or, cette pratique carthaginoise de réunir nécropole d'enfants et consécration aux dieux (attestée par des inscriptions, dont le déchiffrement supporte d'ailleurs plusieurs interprétations, en raison de l'absence de voyelles dans les alphabets sémitiques) se trouve prolongée, en période romaine, par des sanctuaires dédiés à Saturne (successeur de Baal), comportant des sépultures d'enfants très jeunes.
La discussion est donc ouverte, et l'explication traditionnelle est maintenant accueillie avec scepticisme par beaucoup de chercheurs. Prudente, Mme Bénichou-Safar ne conclut pas - ou plutôt conclut qu'on ne peut plus considérer les sacrifices d'enfants carthaginois comme prouvés. Belle leçon de révisionnisme historique! Faudra-t-il attendre aussi longtemps que les Carthaginois pour que les événements du xxe siècle soient soumis à une recherche aussi impartiale ?
(Par parenthèse, l'archéologie peut induire en erreur négativement aussi bien que positivement. Si dans l'avenir il ne subsiste des XXe et XXle siècles que des objets, en l'absence de textes, les archéologues du futur ne pourront pas deviner que la société française, par exemple, pratique chaque année 200 000 sacrifices d'enfants (chiffre officiel), en vertu d'une loi votée « au nom du peuple français » et aux frais de la collectivité nationale, donc par une sorte de religion d'Etat. Nous sommes peut-être moralement très au-dessous des adorateurs de Baal.)
Bernard VIELESCAZ. RIVAROL 12 octobre 2007
"maison René Ginouvès ", <>, «thèmes transversaux» : Cahiers des thèmes transversaux, n° 2.
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vendredi 12 octobre 2007

L'ILIADE ET L'ODYSSÉE

Quelle vérité historique ?
« Chante, déesse, la colère d 'Achille, le fils de Pélée; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d'âmes fières de héros, tandis que de ces héros mêmes elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel- pour l'achèvement du dessein de Zeus. Pars du jour où une querelle tout d'abord divisa le fils d'Atrée protecteur de son peuple, et le divin Achille ... »
Extrait du début de L'Iliade, chant 1

L'lliade et l'Odyssée sont deux longs poèmes divisés respectivement en 24 chants, correspondant aux 24 lettres de l'alphabet grec. Leur thème central est la Guerre de Troie entre Achéens et Troyens et le retour d'un des guerriers héroïques: Ulysse. Ce sont des poèmes homériques, fondations à la philosophie et à la culture grecques. Mais quelle est la vérité historique (ou les vérités) qui se cache(nt) derrière ce texte magnifique et universel?

HOMÈRE
Il est habituel d'attribuer à Homère, un grand poète grec né sans doute en Ionie, au IXe ou au VIlle siècle avant J.-C., à la fois l'Iliade et l'Odyssée. Nos lecteurs savent fort bien que l'Iliade raconte la guerre de Troie, principalement la lutte des deux héros, Achille et Hector (" La pointe va tout droit à travers le cou délicat (d 'Hector). La lourde pique de bronze ne perce cependant pas la trachée: il peut ainsi répondre et dire quelques mots. Et cependant qu'il s'écroule, le divin Achille triomphe ... "), alors que l'Odyssée relate le long voyage de retour d' Ulysse. un héros plein d'astuces, vers son île d'Ithaque.
Quant à la réalité des récits ainsi rapportés, rien ne la prouve hors une longue tradition orale, un peu à la manière dont les chansons de geste se sont transmises durant notre Moyen Age. Un exemple suffira à faire comprendre la complexité des choses: la Chanson de Roland qui décrit des faits s'étant produits à la fin du VIlle siècle, n'est fixée dans les textes que par Thurold, durant la seconde partie du XIe. Elle est alors devenue un texte de propagande en faveur d'un monde chrétien combattant le monde musulman. Ainsi Roland et sa petite arrière-garde mettent-ils à mal, avant de périr, des centaines de milliers de musulmans. La réalité est bien différente: en quelques instants des Basques, des Vascons, ont anéanti la petite troupe du comte Roland (de la Marche) et pillé ses bagages pour se venger de la destruction de Pampelune par les troupes de Charlemagne.

LES FOUILLES DE SCHLIEMANN
C'est un autodidacte, passionné d'archéologie et de culture grecque, Heinrich Schliemann qui conduisant à partir de 1871, une campagne de fouilles à Troie, à l'entrée des Dardanelles, découvre, deux ans plus tard, ce que l'on a appelé le «trésor de Priam ». Un ensemble d'objets en or et de pièces de mobilier datant (on le sait à présent) du me millénaire avant J.-C., ce qui est, évidemment; très antérieur à la guerre de Troie. En 1874, Schliemann qui s'est déplacé dans le Péloponnèse, dégage, à Mycènes, la fameuse porte des Lions et les tombes dites du cercle A. C'est là qu'il met à jour le soi-disant trésor d'Agamemnon, avec son masque d'or bien connu. Là encore, ces objets remontent au IIe millénaire avant le Christ!

DÖRPFELD RÉTABLIT PARTIELLEMENT LA VÉRITÉ
Conscient de ses approximations, Schliemann fait appel à un véritable archéologue professionnel, Wilhelm Dorpfeld. Il écarte les hypothèses de Schliemann sur les deux trésors et impose sa conception des choses. Il réalise un travail remarquable, parvenant à repérer neuf couches successives d'occupation du site urbain de Troie. Puis il affirme que la fouille de Troie VI constitue celle du fameux siège.
Mais de nouvelles fouilles, au xxe siècle, en particulier celles de Korfmann, permettent de penser que Troie VI fut détruite par un tremblement de terre. Et qu'il n'est pas totalement certain que Troie VII, aux murs noircis, soit bien la cité incendiée par les Grecs, décrite dans l'Odyssée.
Et il est peu probable que les Mycéniens soient ceux qui aient attaqué et détruit Troie, puisque leur civilisation a disparu vers 1200 avant J.C. Or, les objets qu'Homère décrit dans l'Odyssée semblent bien être mycéniens. Le mystère s'épaissit! Une seule hypothèse permet de concilier les contraires: Homère s'est servi de vieux matériaux pour les figer en chants successifs. Ce qui explique que ses acteurs soient, en partie, mycéniens. On peut raisonnablement penser que les chants d'Homère ont été composés vers 800 avant J-C., en raison de l'utilisation de l'hexamètre, puis figés sous Pisistrate, le tyran d'Athènes au VIe siècle. Ils sont alors lus le jour de la fête d'Athéna, les fameuses Panathénées.
La solution du mystère se situe sans doute au niveau de la mixture homérique, si l'on ose dire. Le poète aveugle mêle des souvenirs et des traditions datant de plusieurs époques: pour une part mycénienne, mais aussi de civilisations plus récentes.

LA GUERRE DE TROIE A-T-EU LIEU?
La réponse est très probablement positive. Située à l'entrée du détroit des Dardanelles, qui contrôle l'accès à la mer de Marmara, puis au Bosphore et à la mer Noire, Troie fait payer des droits de péage, de mouillage, des approvisionnements en eau et en vivres à tous les navires qui empruntent ce passage. Et ils sont nombreux, car, en cette ère du bronze, si les Grecs disposent de cuivre (Chypre, Égypte, Crète), il leur faut aller chercher l'étain sur les rives de la mer Noire, jusqu'au Caucase. Bien plus, les courants, dans le détroit des Dardanelles, s'inversent pendant six mois ce qui oblige à de longs séjours portuaires à Troie.
Ainsi, les Troyens s'enrichissent-ils aux dépens des Grecs. Ces derniers décident de mettre fin à ces excès qui les ruinent. Ils viennent assiéger Troie et la détruisent. Sans doute vers 1200 avant J-C., si l'on accepte que Troie VII soit bien la bonne couche! Mais alors d'où viennent ces chars, inconnus en Grèce avant l'ère classique, décrits par Homère? On voit que l'énigme n'est pas totalement résolue! Sauf à ce que le texte originel d'Homère, qui se transmettait oralement, ait été enrichi au fur et à mesure des siècles jusqu'à Pisistrate ...

ET QUI A ÉCRIT L'ODYSSÉE?
L'Odyssée est si différente de l'Iliade que l'on hésite à l'attribuer au même auteur. A moins que la première, l'Iliade, soit une œuvre de jeunesse et la seconde, plus subtile, une composition de vieillesse. En effet, d'un certain point de vue, les deux poèmes racontent, pour l'essentiel, les aventures de deux héros: Achille et Ulysse. Achille est un guerrier parmi d'autres alors qu'Ulysse est un solitaire. Alors qu'il n'existe guère de message codé dans l'Iliade, hors le parti pris des Dieux, qui ressemblent ainsi singulièrement à des humains (toujours cette distanciation des Grecs vis-à-vis de leurs dieux anthropomorphes), l'Odyssée constitue un remarquable chant initiatique. Les Anciens ayant considéré que la même main a composé les deux chants, il convient, faute d'hypothèse rivale crédible, de les suivre.

ULYSSE, LE GREC MALICIEUX
Le héros de l'Odyssée n'est autre que celui qui a, enfin, permis aux Grecs de l'emporter sur les Troyens, par la ruse, celle du cheval de bois. Lors de son retour vers Ithaque, Ulysse va devoir déployer toutes les ressources de sa malice et de sa subtilité. Il incarne, en vérité, l'intelligence grecque face à la brutalité barbare et aux pièges de la nature. Ainsi va-t-il, successivement, triompher des Lotophages, du Cyclope, des Lestrygons, de l'enchanteresse Circé, de Charybde et de Scylla, et même de Calypso qui le retient dix années en ses rets. Sans compter qu'à la fin, il exécute tous les prétendants trompés par son déguisement de mendiant.

UN OUVRAGE INITIATIQUE
L'Odyssée se présente comme un ouvrage initiatique: voilà, un récit foisonnant, empli d'allers et retours, raconté en déroulement inversé. Ainsi, le récit débute-t-il par la fin : le départ de Télémaque parti à la recherche de son père, le retour d'Ulysse à Ithaque et sa vengeance contre les prétendants de sa fidèle épouse Pénélope. Ensuite, seulement, Homère en vient à la description des errements du héros en Méditerranée.
S'agit-il, avec ces va-et-vient entre monde réel et monde de l'étrange et de l'imaginaire d'un pur conte de fées avec ses monstres marins, ses magiciennes, ses drogues, ses enchantements? Non, point tout à fait: car voici que surgissent les repères principaux du récit, des archétypes humains: fidélité de l'amour conjugal avec Pénélope, fidélité au maître avec le porcher Eumée, amour pour l'enfant avec Euryclée, sagesse avec Laërte ...
La clé du message laissé par Ulysse est assez limpide: c'est auprès de son épouse fidèle qu'Ulysse veut finir sa vie, délaissant l'immortalité que Calypso voulait lui apporter. Telle est l'expression ultime de la sagesse grecque: accepter son destin de mortel... Au total, un hymne beaucoup plus optimiste que celui de l'Iliade et de sa profonde iniquité.

PEUT-ON RECONSTITUER LE PÉRIPLE D'ULYSSE?
Naturellement l'Odyssée s'inspire lourdement de la connaissance qu'ont alors les Grecs du bassin méditerranéen. La route suivie par Ulysse ne semble pas la plus courte. Parti avec dix navires, il achève son long périple de plus d'une décennie, sur un radeau!
Déjà Strabon s'efforce de reconstituer les périples d'Ulysse. Mais il n'y parvient guère, car pour une part, le récit de l'Odyssée est totalement imaginaire.
Il est très possible que l'île des Lotophages soit la Djerba tunisienne, que celle d'Éole soit l'îlot de Stromboli, et peut-être l'oracle des morts est-il émis depuis le lac Arverne et le mont Circeo correspond-il au domaine de Circé ... Les circonvolutions apparentes d'Ulysse qui, sans le savoir, va très rapidement se retrouver à proximité d'Ithaque, avant d'être contraint de boucler un très long voyage, sont hautement symboliques. Un clin d'œil appuyé sur la fragilité de la destinée humaine ...

QUE PENSER DE LA PRÉSENCE D'UN PALAIS À ITHAQUE?
Deux archéologues pensent avoir découvert des traces archéologiques du palais d'Ulysse à Ithaque. Mais les traces observées, un morceau de poterie où l'on distingue un homme attaché au mât d'un navire et une tablette gravée, portant un trident, datant probablement de l'époque mycénienne, n'ont rien de déterminant.
Évidemment, si l'on pouvait prouver que ces vestiges sont contemporains d'Ulysse, on aurait réalisé un grand progrès dans la datation précise de la guerre de Troie ...
On en est loin !
Philippe Valade , dossier d'actualité de l'histoire juin-juillet 2007

lundi 1 octobre 2007

LE COÛT DE L'IMMIGRATION EN 2005

Un minimum de 24,2 milliards d'euros pour 2005, selon l'étude" incomplète et prudente" de Jacques Bichot
Le coût de l'immigration reste un sujet tabou, puisque selon l'idéologie dominante l'immigration est une chance pour la France. Et pour être certain que le tabou ne sera pas brisé, le dogme de la non-discrimination empêche l'existence même de statistiques. Toute étude sur le coût de l'immigration est donc aussi bienvenue qu'elle est rare. Voici celle de Jacques Bichot; professeur d'économie à l'université Lyon III, dont nous donnons ici un résumé succinct. On en trouvera le texte intégral sur le site internet de l'Institut Thomas More.
On se souvient de l'étude de Pierre Milloz, qui fut vilipendée parce que venant du Front national, mais ne fut jamais sérieusement réfutée. La seule tentative vint de Michèle Tribalat, qui était non seulement partielle mais tellement partiale qu'elle mérita à son auteur le prix Lyssenko, décerné chaque année par le Club de l'Horloge à un sommet de désinformation scientifique commandée par l'idéologie. Jacques Bichot présente à son tour un "essai d'évaluation" des coûts de l'immigration pour les finances publiques. Au final, il estime le surcoût budgétaire à un minimum de 24,2 milliards d'euros pour 2005. C'est nettement moins que l'évaluation de Pierre Milloz (dans sa réévaluation de 1995, il arrivait à un total de 280 milliards de francs, soit plus de 42 milliards d'euros), mais il s'agit d'un minimum en deçà duquel il est impossible d'aller. Et c'est l'intérêt de cette étude: à ceux qui prétendent que l'immigration enrichit la France, elle répond que cette immigration coûte au moins 24 milliards d'euros par an aux finances publiques, sachant que " la liste des surcoûts est infinie ", comme le laisse entendre Jacques Bichot tout au long de son étude et comme le dit explicitement son collègue et collaborateur le professeur Jean-Yves Naulan, fondateur de l'Institut de géopolitique des populations.

Et il y a des coûts non chiffrables

Jacques Bichot commence par deux précisions importantes. D'une part, il souligne qu'il ne s'occupe que des coûts chiffrables, qui ne sont qu'une partie des coûts réels. Il existe en effet des coûts non monétaires qui sont également très importants : par exemple en termes de qualité de la vie pour les autochtones habitant dans des zones de non-droit, ou en termes de détérioration de l'autorité de l'Etat, par l'existence même de ces zones de non-droit, ou quand seulement un quart des arrêtés de reconduite à la frontière sont suivis d'effet.
D'autre part, Jacques Bichot précise qu'il n'utilise pas la méthode, qui paraîtrait logique, d'évaluer pour chaque poste budgétaire les avantages et les coûts de l'immigration, afin de déterminer un solde positif ou négatif. Il ne le fait pas, pour la bonne raison qu'il n'a " trouvé aucun poste pour lequel la différence aille dans le sens de coûts moindres du fait de la présence de populations immigrées et issues de l'immigration ". Sa méthode est donc la suivante: il soustrait au coût observé le coût qui aurait prévalu si la totalité de la population avait eu les caractéristiques statistiques des autochtones. Par exemple, quel serait le : coût du système carcéral si la population allochtone (immigrés et "issus de l'immigration") avait le même taux d'incarcération que la population autochtone.
Il passe en revue six domaines, et en ajoute un septième non quantifiable.

1 - La justice et le maintien de l'ordre

Jacques Bichot calcule que l'immigration majore de 14 % les coûts du système carcéral, par le fait de la surreprésentation.dans les prisons des personnes nées à l'étranger. Mais les statistiques n'évoquent pas les immigrés de la deuxième et de la troisième générations (puisqu'ils sont français). On ne peut donc qu'évaluer.
Jacques Bichot fait monter prudemment (par un recoupement avec les chiffres des condamnations pénales) la majoration à 20 %. Il en résulte que l'immigration coûte au moins 3,61 milliards au titre de la justice et du maintien de l'ordre, dont 2,11 dus "à la propension à la délinquance très supérieure à la moyenne qui s'observe pour certaines nationalités d'origine". A quoi s'ajoute le surcoût dû "à la baisse de l'efficacité des effectifs concernés provenant de la part du travail de sape de l'autorité de l'Etat attribuable à l'immigration ", évalué à 0,86 milliard. Ce qui fait un total de 4,4 milliards, sachant que Jacques Bichot a prévenu qu'on ne pouvait que proposer des " estimations grossières " dans ce domaine (en raison, par exemple, du " taux devenu fort bas des procédures pénales par rapport aux faits vraisemblablement délictueux ou criminels ").

2 - Le système scolaire

Jacques Bichot constate que le taux de progression des dépenses de l'Education nationale est anormalement élevé, du fait notamment qu'il y a de moins en moins d'élèves par classe. Il estime à 50 % de cette augmentation l'impact de l'immigration, qui rend les classes très difficiles à tenir, laissant dans les 50% restants l'effet des " erreurs pédagogiques ", et l'efficacité du corporatisme enseignant, mais dans une moindre mesure car " le succès des revendications en termes de postes à créer doit beaucoup à l'aggravation des conditions d'enseignement" . Ce qui donne un surcoût de 9,42 milliards, qui pourrait monter à plus de 13 milliards si l'on estimait le surcoût dû à l'immigration à 70 %, ce qui n' aurait rien d'extravagant.


3 - L'enseignement supérieur

Le calcul est fait ici à partir du (moindre) taux de réussite des étudiants étrangers par rapport à celui des étudiants français. Ce qui donne un surcoût de 0,44 milliard. Ce chiffre n'inclut pas " la part très importante des étrangers dans les logements étudiants subventionnés, non plus que l'impact des étudiants de nationalité française mais d' origine étrangère" .

4 - La protection sociale

A partir du taux de chômage des étrangers (21,5 %) et des" Français par acquisition " (14,4 %), on peut estimer le surcoût pour le système de protection sociale à 8,5 milliards, dont 0,5 pour l'aide médicale gratuite aux "sans-papiers".

5 - Le logement et la politique de la ville

L'évaluation est très difficile, car il s:agit d'un budget réparti sur plusieurs ministères et d 'un domaine où les collectivités locales sont très impliquées. Jacques Bichot donne un taux de surcoût de 6 %, soit 0,9 milliard, non sans souligner qu'il s'agit d'une estimation qui ne prend en compte ni "la détérioration moyenne des logements selon l'origine des locataires ", ni le fait que nombre d'espaces publics aménagés aux frais des contribuables leur sont en fait interdits par des groupes allochtones ...

6 - Les transports

Par un calcul analogue à celui qui a été réalisé pour la justice et le maintien de l'ordre, Jacques Bichot évalue le surcoût pour les transports publics à 0,5 milliard.
Cela pour s'en tenir à ce qui est éventuellement chiffrable. Jacques Bichot souligne qu'il y a d'autres services publics qui sont affectés les pompiers, les médecins, l'hôpital par de graves nuisances dues à des populations allochtones. " Ce fait engendre un surcoût, dont l'estimation monétaire, à supposer qu'elle soit possible, n'a peut-être pas grand sens, mais qui n'en est pas moins conséquent. "
Enfin, il y a le domaine des faits mafieux (filières clandestines, prostitution, trafics, vols, etc.) dont les coûts pour le contribuable sont difficiles à chiffrer.
En conclusion, Jacques Bichot arrive donc à un total de 24,2 milliards d'euros, soulignant qu'il s'agit d'une " estimation incomplète et prudente", mais qu'elle suffit " pour montrer que la question des immigrations ne doit pas rester un tabou, un phénomène dont il est maintenant malséant de chercher à connaître les dimensions et les coûts et par voie de conséquence un no man's land statistique et scientifique ".
Yves.Daoudal: National Hebdo juin 2006.