En dépit de la vague romantique qui, au XIXe siècle,
va entreprendre une réhabilitation partielle et souvent mythique du
récit « historique » de cette longue époque (un millénaire) que les
érudits de la renaissance ont reléguée au rang de « moyen-âge »,
l’imagerie commune en garde encore des idées complètement fausses : le
moyen-âge, pour beaucoup, c’est l’époque où le petit peuple, ignorant et
analphabète, est soumis au diktat implacable d’un ordre politique
militaire monarchique, et d’un ordre spirituel clérical séculaire et
dogmatique ; c’est l’époque des seigneurs, de l’inquisition, des
sorcières et des bûchers ; c’est l’époque des guerres incessantes, des
croisades sanglantes et de la peste ; en résumé, le moyen-âge serait une époque obscure, sombre, « gothique ». Voici ce que nous en dit Michel FRAGONARD :
« (…) l’histoire représente, au XIXe siècle, un enjeu
« politique » essentiel (en témoigne d’ailleurs l’attention des
gouvernements, dont l’action d’un Guizot, lui-même historien, est le
meilleur exemple) : sa promotion est inséparable de l’affirmation du sentiment national,
fruit à la fois de la Révolution française et des courants romantiques
allemands ; et l’un des enjeux essentiels est la question des origines
nationales. On comprend alors l’intérêt des historiens, initiateurs et
propagateurs de cette conscience nationale, pour le Moyen Age, aux
fondements de la nation. Intérêt non dépourvu de considérations idéologiques : au moment où, en France, conscience nationale et aspiration démocratique sont intimement liées dans une mystique du « peuple »
(notion combien ambiguë), l’œuvre d’Augustin Thierry (Récits des temps
mérovingiens, Essais sur la formation et les progrès de l’histoire du
Tiers État) est sous-tendue par une thèse historico-ethnique
(les origines proprement « gauloises » du peuple français, à contre-pied
d’une historiographie « aristocratique » insistant sur les origines
franques). Dans cette quête historique d’un Moyen Age où se
trouvent les sources de la nation, l’exemple le plus illustre, en
France, est celui de Michelet, qui consacre six volumes de sa
monumentale Histoire de France (inachevée) au Moyen Age et qui, dans ses
autres ouvrages, revient régulièrement sur la période (voir la Sorcière). »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire