Méconnu
du plus grand nombre de nos compatriotes, Richard Roudier n’en est pas
moins un activiste convaincu. Très tôt adhérent à Europe Action, il conduit aujourd’hui la Ligue du Midi, identitaire et régionaliste, et préside le Réseau Identités.
Ce combattant politique – et culturel – a souvent porté le glaive sans
pour autant renoncer à la charrue, lui qui s’impliqua fortement auprès
des viticulteurs languedociens en tant que syndicaliste agricole.
C’est
d’ailleurs sous ce titre qui réunit une arme de poing et un instrument
agraire que Richard Roudier publie ses mémoires. Mais cet « itinéraire
identitaire » ne se veut pas pas que biographique. Résolument tourné
vers l’avenir, l’ouvrage estime que « le temps de la réunification a
sonné et que le temps des laboratoires devrait s’effacer devant celui de
la préparation des conditions de la victoire (p. 10) ».
Richard
Roudier retrace son parcours. Fils de petits paysans de Béziers, il
suit enfant l’effervescence poujadiste. Plus tard, ses premiers émois
militants concernent la lutte viticole et son implacable répression
policière hexagonale encouragée par un pouvoir parisien centralisateur
qui n’a jamais digéré le grand soulèvement fraternel et méridional de
1907 brisé par l’infâme Clemenceau, personnage le plus infect de
l’histoire de France avec le retors Adolphe Thiers.
Lycéen
à l’époque de la Guerre d’Algérie, il rejoint les rangs de la F.E.N.
(Fédération des étudiants nationalistes) où il rencontre le jeune Pierre
Krebs. Ils fondent ensemble un petit journal ronéotypé intitulé Spartiate, et lisent avec passion Europe Action.
Souvent, dans le Midi, les distributions de tracts et l’organisation de
réunions publiques s’achèvent par des bagarres avec les gauchistes.
L’auteur ne cache pas le plaisir qu’il avait de s’y jeter… S’il passe
ensuite au M.N.P. (Mouvement nationaliste de progrès), l’héritier
politique d’Europe Action, il omet toute éventuelle
participation au R.E.L. (Rassemblement européen de la liberté), sa
version électoraliste, puis à l’I.E.O. (Institut des études
occidentales) de Dominique Venner et de Thierry Maulnier, ne s’engage
pas en revanche au G.R.E.C.E. dont le ton très nordiciste l’agace.
Richard Roudier suit néanmoins avec intérêt ses recherches et approuve
régulièrement les orientations prises par cette centrale d’idées.
Dans
les années 1970, il préfère se rallier au combat « néo-poujadiste » de
Gérard Nicoud en faveur des commerçants et des artisans. Il œuvre aussi
en faveur du régionalisme politique, car son épouse et lui parlent
occitan. Les décennies 1960 – 1970 voient le Languedoc, vieille terre
occitane, connaître un renouveau culturel indéniable. La période est
propice pour de multiples initiatives occitanistes, en particulier sous
l’impulsion de Robert Lafont et de François Fontan. Mais l’occitanisme
politique a le travers de reprendre des thématiques gauchistes qui
feront son bref succès après 1968. En réponse à cette gauchisation
contestable, Richard Roudier, sa future femme, Maryvonne, et Jean-Louis
Lin fondent un mouvement nationaliste-révolutionnaire occitan : Poble d’Oc.
On peut regretter que cette formation originale ne soit traitée qu’en
quelques pages alors que son histoire intellectuelle mériterait d’être
découverte. La gauchisation de l’occitanisme n’ont pas éteint son
régionalisme. Bien au contraire. « Être identitaire, c’est vivre chaque
jour son enracinement; se dire blanc, occidental, européen, français est
vide de sens s’il n’y a pas à la base une identité locale forte. […]
Aussi, le combat identitaire n’est pas le combat contre la France, mais
contre une certaine France, celle du centralisme jacobin, de
l’administration tatillonne, de la réduction des libertés publiques,
celle de la bouillie “ métissarde ”, du nihilisme, du nivellement, celle
de la décadence et du renoncement (pp. 164 – 165). » Il est
indispensable de refaire une France européenne des régions renaissantes.
Richard
Roudier relate aussi ses « travaux pratiques » en métapolitique.
Désireux de déloger les communistes de la mairie de Béziers, il se met
au service de notables droitiers d’obédience giscardienne et, une fois
les municipales remportées en 1983, applique une « métapo » au
quotidien, ce qui lui vaut de devenir un « homme à abattre » et de
passer deux semaines en détention préventive, suite à une cabale. « Si
la métapolitique recommandée par Alain de Benoist est bien un moyen
suprême de combat, je me demande aujourd’hui si c’est le bon moyen de
conquérir le pouvoir quand elle est employée seule ? Je me demande si la
“ métapo ” n’attend pas plutôt que nous soyons d’abord au pouvoir pour
donner tout son rendement en s’appelant alors “ propagande du régime ”,
une science aussi vieille que la politique ? (pp. 64 – 65) » La question
demeure pertinente. L’action métapolitique entreprise en 1977 – 1979
par le contrôle des rédactions de la presse écrite parisienne (Valeurs actuelles, Le Spectacle du Monde, Le Figaro-Magazine…)
a échoué comme ont raté le travail municipal auprès des associations et
l’entrisme dans des partis politiques (la droite institutionnelle avec
le Club de l’Horloge ou le F.N. pour les grécistes). La
solution viendrait-elle d’un « gramscisme technologique, internautique,
cybernétique » ? On ne peut l’avancer. Sans des événements exceptionnels
ou graves, la circulation des idées reste lente et aléatoire. D’où
peut-être l’obligation de mener simultanément actions politiques
ponctuelles et réflexions intellectuelles de fond. Or il existe une
incompatibilité profonde entre ces deux modes opératoires…
Vers la fin du XXe siècle, Richard Roudier s’active au sein d’Unité radicale, puis dans le Bloc Identitaire avant de s’en séparer pour cause de divergences majeures. Avec des identitaires bretons et alsaciens, il lance le Réseau Identités
qui va présenter des candidats aux législatives de 2012 parce qu’«
aucun révolutionnaire ne peut récuser l’électoralisme par principe (p.
110) ». Lors de son passage au sein d’Unité radicale et du Bloc Identitaire, il défendit La nouvelle question juive de Guillaume Faye, fit écarter le slogan « À Paris comme à Gaza : intifada ! » et imposa une ligne neutraliste résumée par la formule lapidaire « Ni keffieh, ni kippa
». Très critique envers des mouvements qui se focalisent totalement sur
les relations extérieures, il considère que « l’expression d’une
radicalité en politique étrangère est une manière de faire du bruit sans
avoir de fond. Depuis quarante ans, je suis averti par expérience que
seule l’indigence de réflexion doctrinale sur les problèmes intérieurs
et sociétaux amène un mouvement à disserter sans fin sur la géostratégie
amenant chacun de ses militants à se transformer en mini-Clauswitz,
cela sans se préoccuper de son voisin qui souffre de mille maux (p. 79)
». L’auteur affirme nettement que l’ennemi principal est « le
responsable politique ou associatif qui n’a pas empêché le pauvre bougre
subsaharien d’entrer ou celui qui l’a encouragé à venir et qui, pour
cacher sa veulerie, me vante l’immigration comme une “ chance pour la
France ”, alors que la fausseté du propos n’est plus à démontrer. Mon
ennemi […] est surtout Français, gauchiste, halluciné, corrompu,
jacobin, affairiste, républicain, démagogue, socialiste, libéral, que
sais-je encore ? (pp. 81 – 82) ».
Richard
Roudier évoque aussi la propriété qu’il a acquise en 1989 « dans les
premiers contreforts des Cévennes (p. 71) » et qui constitue une
véritable B.A.D. (base autonome durable). Il n’est d’ailleurs pas anodin
qu’un de ses fils, Olivier, soit « devenu un théoricien passionnant de
la décroissance et de la nécessaire reconquête des terres par les
néo-ruraux (p. 72) ». Agir métapolitiquement auprès des populations
péri-urbaines ne serait-elle pas une réponse adaptée aux enjeux actuels ?
Cela suppose au préalable l’élaboration d’une plate-forme
programmatique. En effet, « outre qu’il participe de la dynamique
initiale d’un groupe, l’esprit de plate-forme élargit le recrutement. En
se fixant naturellement en priorité sur des accords déjà
majoritairement acquis, il élargit la base de recrutement tout en
augmentant la discipline intérieure par l’existence d’un embryon de
doctrine écrite faisant loi (p. 125) ». Le Réseau Identités
coopère ainsi avec la mouvance solidariste de Serge Ayoub et les
royalistes non-conformistes, « militaro-décroissants » et «
hyper-français » du Lys noir.
Dans
les derniers chapitres de son livre, Richard Roudier propose une base
commune de collaboration entre les différentes forces dissidentes afin
d’alimenter un processus séparatiste latent et de susciter des
communautés autochtones, fondements à venir d’une Alter-Europe
eurosibérienne, libérée de l’emprise de l’O.T.A.N. Dans l’immédiat, cet
Européen qui a voté non lors du référendum entend renouer avec la vision
d’une « Europe nationale, libre et indépendante » naguère prônée par
Maurice Bardèche. L’auteur en appelle finalement à une « grande
conjuration des ruptures (p. 202) ». Mais, bien entendu, pour
qu’adviennent ces ruptures nécessaires, « pour renverser un processus de
mort, pour renverser la vapeur du déclin, pour renverser des valeurs
mutantes et des lois putrides, pour renverser l’ordre des choses, il
faut au moins renverser le gouvernement (p. 138) ». L’échec patent de
l’opposition au mariage homosexuel témoigne de l’amateurisme
petit-bourgeois et du légalisme naïf des organisateurs et de la majorité
des manifestants. Préparer les esprits pour déclencher l’étincelle
suppose par conséquent une intense formation d’activistes prêts à
encadrer des colères surgies de la population. Et si, plutôt que
sociétale, l’« insurrection qui vient » était finalement sociale,
populaire et locale ?
Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/?p=3521
• Richard Roudier, Le Glaive et la Charrue. Itinéraire identitaire, Éditions Identitor (B.P. 1 – 7114, 30 912 Nîmes C.E.D.E.X. 2), 2013, 205 p., 14,50 €.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire