lundi 2 décembre 2013

Délires christianophobes

Le Code Da Vinci, de Dan Brown, a fait apparaître en plein jour un phénomène jusque-là limité : l’’existence d’’une littérature ésotérique, prétendument basée sur des faits et des documents historiques, dont le but est de porter atteinte à la foi et aux institutions catholiques. La chose n’est pas neuve mais, ce qui l’’est sans conteste, c’'est l’’extraordinaire prolifération de ce type d’’ouvrages, la publicité favorable qui leur est accordée, et l’’invraisemblable succès, la crédibilité qu’’ils rencontrent auprès d’un public ignorant et déboussolé, prêt à tout admettre, de préférence le pire, s’'agissant d’’une religion et d’’une Église accusées d’’empêcher depuis deux millénaires l’'épanouissement humain.
Nouvel évangile
Il fut mené l’’an dernier grand tapage médiatique autour de la publication d’’un texte présenté comme une découverte révolutionnaire susceptible de détruire les fondements du christianisme : l’’évangile de Judas. On omettait seulement de signaler que l’’ouvrage, écrit et commercialisé à Alexandrie au IIe siècle par les milieux gnostiques, n’’avait strictement rien à voir avec les évangiles canoniques, qu’’il ne remettait donc pas en cause ; on ne signalait pas non plus que cet écrit « occulté par l’’Église comme dangereux » faisait l’’objet d’’une réfutation circonstanciée de Saint Irénée dans son Contre les Hérésies, ce qui n’’était pas le meilleur moyen de le dissimuler… Le public, qui ne sut rien de ces mises au point, le battage publicitaire étant toujours à sens unique, en resta à l’’impression première : celle d’’une découverte décisive confortant la thèse du complot clérical cher à Dan Brown.
Il faut resituer dans ce contexte Un Homme trahi, sous-titré Le Roman de Judas, de Jean-Yves Leloup. De prime abord, il s’’agit d’’une méditation romancée autour de la personnalité et du destin du traître ; d’’autres s’’y sont déjà essayés tant le cas de l’’apôtre perdu a toujours suscité angoisse et pitié. Rien à redire à cela, d’’autant que le Judas qui émerge de ces pages, affligé d’’un physique impossible, haï de sa propre famille, tourmenté, douloureux, en quête de revanche ou de rédemption, ne manque pas d’’intérêt, en dépit de l’’attention démesurée portée à ses supposés penchants zoophiles.
Reste que ce Judas n’’est pas celui des évangiles mais celui du texte gnostique, et selon lui le seul parmi les apôtres à avoir saisi le sens véritable de la mission du Christ. Dans la même logique, Jésus vit en concubinage avec Marie-Madeleine, sans dédaigner les charmes des autres femmes du groupe et n’’aurait jamais revendiqué le moindre statut divin ni même une mission messianique.
L’’on trouve de belles pages chez Leloup, voire motif à méditer, mais l’on est très loin du Christ, vrai Dieu et vrai Homme de la Révélation. Combien, cependant, parmi ses lecteurs, préféreront, s’’appuyant sur des apocryphes présentés comme plus crédibles que le Nouveau Testament, adhérer à cette vision moins exigeante de sa vie et de son message ?
Le treizième homme
Le leitmotiv, répété ad nauseam, d’’une dénaturation par l’’Église, dès ses commencements, de l’’enseignement de Jésus, puis de la mise sur pied d’un complot perpétué de siècle en siècle afin de protéger ce qui s’’avérait une combine rentable, est en train, pour absurde qu’il soit, de s’’imposer à l’’instar d’une réalité incontestable. Peu importe les faits, et que les escrocs supposés, loin de tirer bénéfice de leur scénario, soient morts dans les pires tourments pour proclamer la véracité de leur message… Dans cette logique du mensonge primordial, Michel Benoît franchit un palier supplémentaire avec Le Secret du treizième apôtre.
Imaginons, donc, un treizième apôtre, qui ne serait pas Mathias, remplaçant de Judas, mais “le Judéen” jamais nommé dans les textes canoniques, plus aimé du Christ qu'’aucun autre. Un Judéen témoin des derniers instants du Maître, possédant la preuve irréfutable que celui-ci n’’est pas ressuscité. Un Judéen que les autres, à commencer par Pierre, violent agitateur politique, sont prêts à réduire au silence par tous les moyens. Un Judéen qui serait parvenu à laisser la preuve de l’’imposture chrétienne et à la transmettre. Imaginons une Église tremblant d’’être démasquée, défendue par la terrible association “Saint Pie V”, proche de l’’extrême droite, capable de tous les crimes, dirigée par le cardinal Catzinger, crypto-nazi, et soutenue par des terroristes islamistes. Puis un moine, dernier détenteur de cette vérité, les tueurs lâchés à ses trousses……Vous avez envie de rire ? Vous avez tort, car il y a des gens pour croire dur comme fer aux thèses de Michel Benoît, « spécialiste des origines du christianisme qui nous entraîne dans une relecture passionnante des fondements de notre civilisation ». Pauvres de nous……
Chasse au trésor
Restons-en aux documents explosifs prétendument cachés par l’’Église dans les “archives secrètes” du Vatican. Sœœur Ottavia, brillante paléographe, y travaille, ce qui lui a fait perdre la foi. On lui demande d’étudier des scarifications cruciformes découvertes sur un cadavre. En fait, le pape veut récupérer les reliques de la vraie croix, toutes volées au cours des derniers mois. La mission de la religieuse, flanquée d’’un garde suisse à la réputation inquiétante et d’’un universitaire copte doté de trop beaux yeux, est de découvrir qui se cache derrière ces disparitions. Voilà le trio, muni de la Divine Comédie de Dante, texte crypté à l’intention de rares initiés, jeté, autour du bassin méditerranéen, sur les traces des gardiens de la croix, obligé de passer par d’’épouvantables épreuves dans l’’espoir d’’atteindre enfin le Paradis perdu.
Matilde Asensi a réussi, avec Le Dernier Caton, un remarquable roman d’’aventures. Cette chasse aux trésors érudite riche en rebondissements amuse, retient, donne envie d’’en connaître la fin. L’’ennui étant que le livre véhicule, plus habilement que les précédents, les mêmes poncifs : l’’Église dénaturée a démérité, sa morale est périmée, ses dogmes aussi. Il est révélateur que le paradis, souterrain et privé de lumière naturelle, auquel les héros finissent par accéder soit on ne peut plus matériel, axé sur les satisfactions sensuelles et intellectuelles de ceux qui ont survécu aux rites d’’entrée. La croix dont ils sont les gardiens a perdu toute valeur religieuse pour devenir le symbole de leur identité. C’’est en manquant à ses vœœuf et épousant l’’homme dont elle s’’est éprise qu’’Ottavia trouvera le bonheur, jusque-là interdit par une hiérarchie corrompue, cynique et capable de mille turpitudes.
Là encore, l’’on serait tenté de hausser les épaule et de s’’en tenir à l’’agrément du livre. Là encore, l’’on aurait tort.
Contre-attaque
Le plus attristant, pour un croyant, dans cette efflorescence haineuse et stupide de mensonges destinés à nuire, est certainement le sentiment d’’impuissance éprouvé. Que faire face à cette déferlante quand aucun moyen de répondre ne vous est offert, du moins pas dans des proportions permettant de réparer le mal commis ? Ni l’’apologiste ni l’’historien n’’atteignent les chiffres de vente d’’un romancier grand public, surtout si leur propos n’’est pas de ceux que l’’époque a envie de relayer. Faut-il tenter de se battre sur le même terrain, celui de la fiction ? Frédéric Bovis, Jean-François Lopez et Léopold Jorge s’’y sont courageusement essayés dans La Trace, ou le dernier secret de Jean-Paul II.
Puisque les chasses au trésor intriguent, ils en offrent une, catholique. Emmanuel de Saint-André, archéologue agnostique est contacté par un avocat qui lui remet la clef d’’un coffre suisse. À l’’intérieur, une liasse de documents appartenant à son arrière-grand-père qui conduisent à la cachette du Saint Graal, preuve de la divinité du Christ et de sa résurrection. Une preuve que, depuis deux mille ans, une confrérie démoniaque cherche à détruire afin de conserver son emprise sur le monde, n’’hésitant pas à tuer les détenteurs du secret. Menace réelle, ainsi qu’’Emmanuel ne tarde pas à le découvrir… Traqué par la secte, ne pouvant se fier à personne, le jeune homme décide de récupérer la coupe et de l’’apporter au pape. Mission qui lui coûtera la vie, certes, mais pour mieux la lui rendre.
Construit sur le schéma qui plaît tant aujourd’’hui, se servant des Templiers et de Rennes-le-château à contre-emploi, La Trace mène une quête chrétienne, fervente, et mérite, serait-ce par le bouche à oreille, l’’audience qui ne lui sera pas accordée autrement.
Roman catholique
ŒŒuvre catholique, aussi, même si les apparences lui sont défavorables, La Sixième Lamentation, de l’’Anglais William Broderick, qu’’il faut compter parmi les meilleurs et les plus beaux romans de ces dernières années. 1995 : un homme frappe à la porte d’’un monastère britannique et réclame asile. L’’abbé le lui accorde, à la demande de Rome, non sans hésitation, car il s’’agit d’’un ancien SS, accusé d’’avoir démantelé un réseau de résistance français spécialisé dans l’’aide aux enfants juifs. Un crime que le personnage nie, ce que pourrait corroborer son compagnon de fuite, policier collaborateur, évanoui dans la nature et soupçonné d’’avoir vendu le réseau pour se venger d’’une trahison amoureuse.
Ancien avocat, le père Anselme est jeune, pénétré des apriori de notre époque. Il soupçonne le Vatican de dissimuler les compromissions de l’’Église avec l’’Allemagne nazie. D’’ailleurs, est-ce que les faux papiers qui permirent aux criminels de s’’enfuir ne leur avaient pas été donnés par un prieur sympathisant d’’AF ?
Ancré dans ses convictions, soutenu dans ses recherches par la petite-fille d’’une survivante, ignorée, du réseau, Anselme est décidé à faire la vérité. Mais la vérité n’'est pas ce qu'’il croyait ni ce que croit le monde… Les saints et les héros ne sont pas toujours ceux à qui vont les honneurs publics et la reconnaissance de l’’histoire. Dieu seul sonde les cœœufs et les âmes.
Un écrivain français n’’aurait pu publier ce roman qui remet en cause, avec une lucidité et un courage rares, une certaine vision d’’un passé infiniment plus complexe qu’’on le décrit. Méditation sur la possibilité du pardon chrétien, sur l’’économie du Salut, sur le rôle du mal dans le monde, doublée d’’une intrigue dense multipliant les surprises, La Sixième Lamentation est un livre que vous devez lire, jusqu’’à la dernière ligne. Il ne nous est pas contraire, tant s’’en faut……
Anne Bernet L’’Action Française 2000 n° 2721 – du 15 mars au 4 avril 2007
* Jean-Yves Leloup : Un Homme trahi. Albin Michel, 250 p., 17 euros.
* Michel Benoît : Le Secret du treizième apôtre. Albin Michel, 370 p.,19,50 euros.
* Matilde Asensi : Le Dernier Caton. Plon, 420 p., 21 euros.
* Frédéric Bovis, Jean-François Lopez, Léopold Jorge : La Trace. Tolege éditions, 375 p., 22 euros.
* William Broderick : La Sixième Lamentation. Albin Michel, 400 p., 20,90 euros.

1 commentaire:

Tchetnik a dit…

Sur la question des délires Christianophobes du "Da Vinci Code" et autres ouvrages du même genre, sur leurs prétendus "révélations historiques" qui ne sont jamais que du réchauffé d'anciennes hérésies, spirituellement mai surtout historiquement mille fois démontées, on peut lire à profit le "Réponse au Da Vinci Code " d'AMY WELBORN, téléchargeable gratuitement sur http://jesusmarie.free.fr/