L’historienne et journaliste Anne Bernet
s’est attelée à la lourde tâche de reconstituer fidèlement l’histoire
et les aventures de ce grand médecin qui choisit de sacrifier sa
carrière pour défendre la vie, dans une biographie intitulée Jérôme Lejeune (Anne Bernet, Editions Presses de la Renaissance, 2004).
Généticien
et chercheur insatiable, il est surtout connu pour avoir découvert que
les petits enfants frappés de ce que l’on nommait sans aucun fondement
« mongolisme », présentaient dans leur A.D.N. un chromosome surnuméraire
responsable de leur maladie, dorénavant appelée « trisomie ». Cette
découverte exceptionnelle ouvrit le champ à d’immenses espoirs de
guérisons… mais aussi souleva le couvercle de la boîte de Pandore des
partisans de l’eugénisme et des droits de la femme, dussent-ils
s’opposer au serment d’Hippocrate. Ces derniers l’utilisèrent en effet –
et continuent, hélas, aujourd’hui- pour justifier l’avortement
improprement appelé « thérapeutique » lors de la découverte de la
maladie chez l’enfant à naître, puis celui dit de « convenance ».
L’historienne
souligne aussi combien ce professeur et chercheur, voué aux honneurs
les plus grands et maintes fois sollicité afin de poursuivre sa carrière
à l’étranger, préféra embrasser la cause des plus petits et des plus
faibles, en soutenant contre vents et marées la dignité de tout être
humain. Et cela en dépit de dures conséquences, dont la non moins
éprouvante privation des aides de l’État dès l’arrivée au pouvoir du
Parti socialiste en 1981.
Est
également soulignée son expérience inoubliable lors d’un pèlerinage en
Terre Sainte, dans une petite chapelle située près du lac de Tibériade.
Expérience sonnant l’heure des véritables choix de vie, au sens large du
terme.
On apprend en outre que le médecin trouva le temps de se
pencher sur l’origine du monde, vaste sujet s’il en est, en remettant
scientifiquement en cause la théorie du darwinisme. L’intérêt qu’il
porta au Linceul de Turin fut aussi tel qu’il n’hésita pas à s’envoler
pour Prague sans prévenir personne afin de vérifier que la datation au
carbone 14 était plus que sujette à caution !
Enfin, la force
médiatique est mise en relief dans cet ouvrage qui dévoile combien elle
modèle l’opinion publique et devient un outil politique des plus
dangereux. C’est ainsi que les talents d’orateur de Lejeune furent
éloignés des plateaux de télévision : la vérité resta sous le boisseau…
Mais
cette vérité, il est encore possible de la lire. Cédons la parole à
Jérôme Lejeune lui-même, que cite abondamment notre historienne :
« […] Ecoutez
bien le discours moderne : chaque fois qu’un homme ose parler de
morale, il se réfère à des valeurs supérieures auxquelles il voudrait
que les mœurs se conformassent. Chaque fois qu’un autre parle d’éthique,
il prétend que les lois devraient se conformer aux mœurs ! […] ».
« […] Les
promoteurs de l’avortement eugénique ou de l’exploitation des embryons
humains ont cru pouvoir enfermer les médecins catholiques dans un cruel
dilemme : ou bien vous prenez part avec nous à cette mission de
recherche et de destruction, et vous participez au massacre des
innocents ; ou bien vous refusez de soulager l’angoisse des familles
redoutant la naissance d’un enfant incurable et vous vous en lavez les
mains. Non, la médecine n’est pas forcée de choisir entre deux rôles
affreux, celui d’Hérode ou celui de Pilate. La victoire sur la maladie
est possible et bien que je ne possède nullement le don de prophétie, il
est une chose dont je suis totalement assuré : les médecins respectueux
de la vie n’abandonneront jamais, et Deo juvante, l’emporteront un
jour. […] Eliminer les mal-portants, requérir contre l’innocent, ou
exploiter le plus faible, tout cela pour s’arroger le pouvoir de
manipuler l’être humain, est peut-être un danger moins bruyant et moins
aveuglant que celui des engins atomiques, mais c’est peut-être une bombe
encore plus puissante pour détruire les dernières défenses morales de
notre société ; Faust, qui fut le premier, même en rêve, à fabriquer un
homoncule dans une bouteille, et qui, par la magie de Méphistophélès
construisit un monde sans amour et sans Dieu, et Prométhée, qui fut le
premier à voler la foudre pour livrer à ses successeurs l’énergie qui
fait étinceler les soleils, ces deux figures ne sont pas entièrement des
fictions poétiques. Elles sont aujourd’hui les deux faces du pouvoir
redoutable que peut nous conférer la science sans conscience, ultime
tentation de l’orgueil absolu. […] Dans toutes les questions morales
soulevées par les applications possibles de la science, la rhétorique
passionnelle et la dialectique habile parviendront presque toujours à
farder la vérité. Les comités d’éthique éructeront solennellement leurs
oracles contradictoires sans écarter la vraie menace : la technique est
cumulative, la sagesse ne l’est pas. Mais une phrase, une seule, dictera
notre conduite. L’argument qui ne trompe pas et qui d’ailleurs juge
tout, le mot même de Jésus : « Ce que vous avez fait au plus petit
d’entre les Miens, c’est à Moi que vous l’avez fait ». Si les
théoriciens de la physique et les praticiens de la biologie n’oublient
jamais cette phrase, les techniques les plus puissantes resteront au
service de la famille des hommes. Mais s’ils l’oublient, tout pourrait
être redouté d’une science dénaturée… » (Rome : extrait du discours de Jérôme Lejeune devant les Pères synodaux réunis de l’édition française de L’Osservatore romano, 20 octobre 1987).
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