jeudi 15 août 2013

Front Populaire : un bilan très médiocre

On sait sur quels mythes repose la légende du Front populaire : les congés payés, la loi des 40 heures, l’’amélioration de la vie de la classe ouvrière et la baisse du chômage. Tout cela fut magnifié par la suite. Pour en juger aussi impartialement que possible, nous nous appuierons sur l’’ouvrage fondamental en la matière, celui d’Alfred Sauvy : Histoire économique de la France entre les deux guerres (1), ouvrage d’’autant plus précieux que son auteur était de tendance socialiste.
Les premières mesures
L’’expérience sociale et économique menée par le Front populaire est d’autant plus importante que c’’est la première fois qu’’un gouvernement à majorité socialiste était amené à diriger la France et que son programme, assez flou au départ mais bousculé par les grèves, fut appliqué intégralement, et cela dès son arrivée au pouvoir.
Il ne faut pas oublier, en effet, qu’’avant même que le nouveau gouvernement ne soit formé, éclatèrent, le 24 mai, les premières grèves dans la métallurgie parisienne. Elles s’’étendirent rapidement dans toute la France avec occupations d’’usines. Le 6 juin, Blum se présenta devant la Chambre en prenant l’’engagement solennel de ne pas dévaluer, ce qui était bien imprudent. Il annonça surtout toute une série de mesures concernant les conventions collectives, l’’établissement de deux semaines de congés payés et la loi des 40 heures. En outre, syndicats et patronat furent invités à se rencontrer à Matignon où ils se mirent d’’accord pour une augmentation dégressive des salaires allant de 15 % pour les salaires les moins élevés à 7 % pour les salaires les plus élevés.
Incidences économiques
Si l’’on ne retient que la revalorisation des salaires décidée à la suite des accords de Matignon afin de faire cesser les grèves, celle-ci semble très raisonnable. Mais pour avoir une vue exacte des choses, il faut y ajouter le coût des congés payés et surtout celui des 40 heures. Hausse des accords Matignon : 15 % ; hausse due aux congés payés : 4 % ; hausse attendue de la semaine des 40 heures : 20 %. Total (par multiplication) : 43,5 %.
Le coût total que devait supporter l’’économie française était énorme même si la réduction à la semaine des 40 heures n’’entrait en application qu’’au premier trimestre 1937. Les prix de gros augmentèrent de plus de 10 % et ceux de détail de 7 à 9 % mais, curieusement la balance commerciale s’’améliora en passant de -797 millions de francs en mai à 669 en septembre. Cette amélioration résultait de la baisse des achats de matières premières (-140 millions), signe de récession industrielle ce qui se traduisit par une augmentation du chômage, 34 000 chômeurs de plus qu’’un an auparavant. Bref, les belles promesses commencèrent à s’’envoler avec les feuilles de l’’automne, l’’échec pointait à l’’horizon.
Le 26 septembre 1936, sous l’’euphémisme d’’”alignement général des monnaies”, le franc fut dévalué de 25 à 34 % puisque la définition de la monnaie était comprise à l’’intérieur d’une fourchette allant de 43 à 49 milligrammes d’’or.
Dévaluation
En fait, pour rester compétitive, la France aurait dû dévaluer deux ans plus tôt. La mesure fut malgré tout bénéfique puisque la production industrielle remonta de 81 (2) en septembre à 91 en décembre. Les autres indices d’’activité allèrent dans le même sens, l’’indice des wagons chargés passa de 67 en septembre à 74,7 en décembre et le trafic dans les ports évolué de 130 à 139 pendant la même période.
De son côté le chômage baissa de 174 en septembre à 158 en décembre. Le nombre des chômeurs conjoncturels passait de 756 000 à 598 000 pendant cette période. Comme l’’écrit Alfred Sauvy : « Jamais une pareille baisse n’’a été encore enregistrée. »
En dépit de la hausse des prix de détail à la consommation (mai 1936 : 100 ; septembre : 104,6 ; décembre : 117,8), la dévaluation permit de faire passer les prix français en-dessous des prix anglais pour la première fois depuis 1931 (septembre 1936 : 1,15 ; octobre : 0,86 ; novembre : 0,90 ; décembre : 0,92).
La dévaluation française produisit donc les mêmes effets qu’’à l’’étranger, c’’est-à-dire une reprise de la production : en 1931, en Angleterre, en 1933 aux États-Unis, en 1935 en Belgique. De brillantes perspectives s’ouvraient à l’’économie française. La production rattrapait le niveau 100, c’’est-à-dire le niveau de 1929 à toute allure.
La reprise cassée
Cependant, du 1er novembre 1936 au 30 avril 1937, en fonction de la parution des décrets par profession, s’’appliqua brutalement la loi des 40 heures.
Alors qu’’en 1919, la journée de 8 heures avait été l’objet d’’un consensus international et qu’’elle avait été appliquée progressivement, ici comme pour les 35 heures, la gauche fit comme si la France n’’avait pas à tenir compte de l’’environnement international menaçant. Or, la semaine de 40 heures, en termes de production, revenait à donner deux mois de congés supplémentaires, en plus des deux semaines légales. La production industrielle, qui culminait à l’’indice 94 en mars 1937, recula à 89 en juin. L’’essor économique était brisé. Le déficit de la balance commerciale en mai-juin 1937 était le double de celui qui existait un an plus tôt. Ainsi, comme dans le cas des 35 heures, les mesures socialo-communistes eurent pour effet de transférer le travail à l’’étranger et le chômage qui avait diminué de 158 000 en trois mois, de septembre à décembre 1936, ne diminua que de 156 000 en six mois, de janvier à juin 1937.
Chute de Blum
Le 13 février 1937, prévoyant l’’échec, Blum réclame une “pause” mais il était trop tard. Le recul de l’’économie se traduisait par des baisses de rentrées fiscales. L’’or fuyait. Le 15 juin 1937, le gouvernement demanda les pleins pouvoirs financiers. Ceux-ci accordés à la Chambre, lui furent refusés au Sénat. Le 22 juin le gouvernement démissionnait. Se succédèrent alors deux gouvernements Chautemps et un deuxième gouvernement Blum. On assista à une légère reprise de l’’activité au deuxième semestre de 1937 due à une nouvelle dévaluation du franc, mais cette amélioration fut très provisoire. Au début de 1938 se produisit une rechute de l’’économie. La production industrielle baissa de 92 à 83, le trafic ferroviaire de 75,5 à 65,6 tandis que l’’indice du chômage montait de 145 à 151.
Ces mauvais résultats étaient dus à l’’effet second de la loi des 40 heures. Les industries les plus performantes dont la production était limitée par cette loi achetaient moins aux autres qu’’elles ne l’’auraient fait sans cette limitation. La loi des 40 heures obligeait donc les industries les plus dynamiques à s’’aligner sur les moins dynamiques.
Le 10 mars 1938 Chautemps se retirait et Blum formait un deuxième gouvernement qui avalisa sans coup férir l’’Anchluss par lequel Hitler annexait l’Autriche. En avril Blum abandonna la partie. Cela marquait la fin du Front populaire dont il faut examiner les résultats.
Deux ans de démagogie
L’’indice de la production industrielle était de 82 en mai 1938 contre 87 en mai 1936. Les deux ans de Front populaire furent donc plus défavorables dans ce domaine que la précédente politique de déflation de Laval. Les investissements, qui sont les gages de l’’avenir, reculèrent de 11 % et la consommation de 1,5 %.
Dans certains domaines, mines de charbon, chemins de fer, la productivité s’’effondra. La diminution du chômage total a été de 150 000. Elle résulta presque entièrement des effets des deux dévaluations et pratiquement pas de l’’application de la loi des 40 heures qui eut des conséquences maléfiques sur le chômage partiel, lequel, après avoir diminué, est remonté à partir de 1937 : mai 1936, 35,4 % ; septembre 1936, 26,8 % ; décembre 1936, 12,1 % ; mai 1938, 20,1 %.
Le pouvoir d’’achat des travailleurs, qui est une donnée essentielle puisque c’’est avec des promesses fallacieuses d’’augmentation des revenus que la gauche a fait voter pour elle en 1936, n’a pratiquement pas bougé. Il était à 118,5 en mai 1936, il est à 119,2 en mai 1938. Normalement les progrès de la productivité auraient dû assurer une augmentation de 4 %. Le Front populaire a donc escroqué les ouvriers ainsi que les autres couches sociales à l’’exception des chômeurs qui ont retrouvé du travail.
Le pouvoir d’’achat des retraités s’’est effondré. De 1936 à 1938, il a baissé de 20 %. Il en alla de même pour les fonctionnaires dont la baisse du pouvoir d’achat fut de 18 % pour les traitements les plus bas, 20 % pour les traitements moyens et 14 % pour les traitements supérieurs.
On peut dire que la politique du Front populaire s’est faite au détriment des plus faibles : les traitements féminins ont été moins augmentés que les traitements masculins, les salaires provinciaux moins que ceux des Parisiens, les allocations familiales et les retraites ont été négligées.
En conclusion, le Front populaire a fait baisser la production industrielle française de 4 à 5 % tandis que celle de l’’Allemagne augmentait pendant la même période de 17 %. À cet égard, Léon Blum et les socialo-communistes ont été des alliés objectifs d’’Hitler.
Yves Lenormand L’’Action Française 2000 du 1er au 14 juin 2006
(1) Alfred Sauvy : Histoire économique de la France entre les deux guerres, tome II, Éd. Fayard, Paris, 1972.
(2) La base 100 est fournie, généralement, par les chiffres de 1929, dernière année d’’activité « normale » avant la crise.

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