« Ils
méprisaient les partis et ne voulaient plus s’en souvenir. Ils avaient
fondé entre eux l’union des classes, des religions, des origines dans
une volonté commune de sauver le pays ».
Service Public, 1934.
Né
en 1885, le lieutenant-colonel François de La Rocque combat lors de la
Première Guerre mondiale. Grièvement blessé en 1916 et rapatrié en
France à cette occasion, il repart néanmoins volontairement au front
dans les tranchées de la Somme où il y commande un bataillon. Par la
suite démissionnaire de l’armée, il rejoint dès 1929 le Mouvement
Croix-de-Feu – sorte d’amicale d’anciens décorés de la croix de guerre –
dont il devient le Président en 1931, qu’il politise avec une
orientation patriotique et nationaliste. Critiquant tant « les
capitalistes prolétaires » que « les rouges exportateurs de capitaux »,
il y développe une vision de la France se situant résolument par-delà
droite et gauche. S’y joindront les Briscards, combattants non décorés,
ainsi que les Volontaires Nationaux, génération plus jeune n’ayant pas
fait la guerre mais profondément patriote et désireuse d’œuvrer pour le
redressement de la France.
Dans
un contexte de dérives au sommet de l’Etat, de crise économique et de
concussion – notamment l’affaire Stavisky, La Rocque opte pour un
délaissement des luttes partisanes propres aux partis politiques.
Adoptant avec ses Croix-de-Feu une démarche de « non-parti », loin de
l’opinion publique et de la flatterie clientéliste, des promesses
démagogiques et des programmes miraculeux, il fait acte de présence
quotidienne sur le terrain, dans chaque secteur constitutif de la
société française, démarche pragmatique pour lui indissociable d’une
compréhension efficiente des problèmes sociaux. Cohérent dans sa
démarche, républicain et légaliste loyal, il refuse d’entrer de force au
Palais-Bourbon lors de la manifestation du 6 février 1934 à laquelle
participe notamment l’Action française.
La
même année, l’association des Croix-de-Feu prenant de l’ampleur, La
Rocque publie Service Public, ouvrage dans lequel il expose sa vision de
la concorde nationale et où, se refusant à céder à la démagogie
électoraliste qu’il dénonce, n’expose pas de programme mais jette les
bases d’un plan d’action. Ce dernier comprend quelques principes :
« relèvement et continuation de la France, unité politique,
géographique, spirituelle, traditionnelle », s’appuyant sur ce qu’il
nomme une « Mystique française », faite de volontarisme et d’abnégation,
où tous les Français feraient corps en oeuvrant au bien national, le
Service Public, par « une sorte de réflexe éminent venu du fond de l’âme
française ». S’inscrivant en faux face à la théorie marxiste de la
lutte des classes, La Rocque prône l’union de celles-ci, leur
complémentarité nécessaire dans le bon fonctionnement de la France.
L’exemple en est donné au sein des Croix-de-Feu, où âges, classes et
sexes s’y confondent pour concourir à l’effort national.
« Rien ne passionne un cœur de Croix-de-Feu plus que le progrès social »
Précurseur
sur certains sujets (droit de vote des femmes), soucieux d’adoucir le
quotidien (extension des loisirs populaires), c’est toutefois dans sa
volonté de transformer le monde du travail que le Colonel se distingue
le plus. Partisan d’un rapprochement patronat / salariés, La Rocque
dispose l’impératif de création d’une profession organisée, divisée en
corporations – par régions selon les catégories de production et
réunissant les travailleurs par branches. Par sa vision sociale de
l’entreprise (« Les chefs sans cœur et sans générosité sont les agents
de la subversion »), il reste favorable à la tradition française des
syndicats, toutefois dépolitisés pour réellement servir le travailleur;
professionnels et régionaux, leur base serait l’entreprise. Le salaire –
avec un minimum obligatoire – serait calculé sur des indices locaux
(nature des métiers, régularité du travail), et l’intéressement salarial
une condition impérieuse du fonctionnement de l’entreprise, outre le
droit de regard de l’ouvrier sur la gestion de celle-ci : « Il serait
stupide et inhumain que le travailleur, resté fidèle à son entreprise,
ne soit intéressé à sa prospérité autant qu’il est menacé de chômage par
ses revers ». Toujours dans un souci de progrès social, le travailleur
doit avoir des congés payés, une hygiène correcte doit lui être assurée
sur son lieu de travail – à une époque encore majoritairement
industrielle –, et une assurance financière mise en place pour veuve et
orphelin en cas de décès du chef de famille.
Lucide
sur les manœuvres patronales, il appelle à la revalorisation des
métiers manuels, et constate que l’appel à la main d’œuvre étrangère,
présenté comme nécessaire, fait en réalité pression sur les bas-salaires
aux dépens de l’ouvrier Français. Enraciné mais universaliste, La
Rocque critique les conséquences de cette immigration sur le plan
économique et social pour les Français, mais aussi pour les étrangers,
« déracinés sur le sol métropolitain ». Ni xénophobe ni raciste, La
Rocque expose que « la qualité, la dévotion françaises seules importent,
à condition qu’elles soient sincères, éprouvées, confirmées ». Seuls
sont ici critiqués les afflux massifs et incontrôlés d’immigrés – en
préconisant l’expulsion de ceux sans contrat de travail – et
« l’excessive facilité des naturalisations sans période suffisante
d’épreuve », qui fabriquerait des Français de papier et non de cœur,
risquant de porter atteinte à la concorde nationale.
Après
la dissolution des Croix-de-Feu par le Front Populaire en 1936, La
Rocque fonde le Parti Social Français (PSF), plus grand parti de masse
Français avec plus d’un million d’adhérents; mais la guerre interrompt
son action politique. Prônant un loyalisme passif à Pétain par
légalisme, il refuse cependant la collaboration. Fondateur du Réseau
Klan, réseau de résistance intérieure spécialisé dans le renseignement,
le Colonel est arrêté par la Gestapo et déporté en 1943. De retour en
mai 1945, il est placé en internement administratif par le gouvernement
jusqu’en décembre de la même année. Il ne pourra donc pas prendre part
aux affaires politiques, ni participer à l’œuvre du CNR. Par la suite
assigné à résidence, il décède le 28 avril 1946. Il est décoré à titre
posthume en 1961 de la médaille des déportés et reçoit la carte de la
résistance qui lui avait été refusée de son vivant.
Après
avoir été pour beaucoup une incarnation de l’héroïsme, La Rocque
devient celle de la victoire politique lorsqu’un général résistant, de
racines maurassiennes mais de cœur Croix-de-Feu, entreprend en 1958 de
copier avec réussite sa doctrine pour redresser le pays. Fait fort peu
commenté, et pour cause, le Général de Gaulle a en effet mené une
politique digne du PSF, sans son fondateur évidemment mais s’inspirant
de lui pour la Constitution de la Vème République, allant jusqu’à
appliquer en parti les préceptes du Colonel - préceptes grâce auxquels,
sans doute, la France connaît pendant les « Trente Glorieuses » une
prospérité remarquable, même pour l’époque, et le peuple expérimente une
amélioration substantielle de son quotidien. Une évolution positive qui
s’interrompt, comme par hasard, peu après l’irruption du libéralisme
libertaire appelé gauchisme, en 68…
Plus
qu’un héros de tous les combats et qu’un incorruptible légaliste, La
Rocque transmet au travers de De Gaulle le vrai visage du nationalisme
au pouvoir : l’incarnation du peuple, le souci de son bien, l’intégrité
morale – et la démocratie plébiscitaire, le Général ayant par deux fois
rendu le pouvoir après s’y être engagé, les deux fois laissant la
France debout. La Rocque reste ainsi aujourd’hui plus que jamais le
symbole vivant de la démocratie réelle, de la démocratie directe que
nous, nationalistes, défendons, face à la démocratie détournée des
puissants et de la finance – une « démocratie » détournée qui concoure à
l’exploitation des Français et à la destruction de notre Nation.
Enfin,
d’un point de vue métapolitique, La Rocque correspond à la figure du
héros européen, celui dont l’œuvre survit à la mort et qui connaît sa
victoire, sa véritable vie, dans la postérité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire