Elle commence le siècle en fanfare puisqu’elle naît le 1er
janvier 1900 dans une famille juive de la province de Bucovine, entre
la Roumanie et l’Ukraine. Une famille apparemment assez aisée pour lui
permettre de poursuivre des études d’histoire et de philologie en
Russie, France et Autriche. Très douée pour les langues, elle parle
roumain, russe, allemand, français, anglais et hébreu. Tout cela va lui
être bien utile par la suite. Sa famille est aisée, ce qui n’empêche pas
la fibre révolutionnaire. Dans sa parenté se trouve Ana Pauker, qui fondera le parti communiste roumain. Une autre personne bien intéressante…
Zarubina
– on va l’appeler comme ça, c’est plus mignon, ça fait un peu comédie
italienne – participe activement aux mouvements révolutionnaires qui
agitent la Bessarabie (grande région adjacente à la Bucovine) après la 1ère guerre. Et en 1919, elle devient membre du komsomol de Bessarabie.
Le komsomol était le nom donnée à l’organisation des jeunesses
…bolcheviques, car il fallait bien encadrer ces jeunes gens, futurs
piliers du régime.
Ses
qualités vont vite trouver à s’employer ailleurs qu’en Bessarabie. En
1923, elle rejoint le parti communiste d’Autriche. En 1924, elle intègre
les services secrets bolcheviques et travaillera jusqu’en 1925 à
l’ambassade soviétique à Vienne, puis, jusqu’en 1928, toujours à Vienne
mais en dehors de l’ambassade.
On
la retrouve ensuite à Moscou où, comme on l’a vu hier, Meïer
Abramovitch Trilisser, à l’époque chef des services secrets et
vice-président de la Guépéou, lui ordonne en 1929 de abandon bourgeois prejudice,
autrement dit de laisser tomber les préjugés bourgeois, et de séduire
Yakov Blumkin. Elle exécutera sa mission en Turquie où il se trouve
alors, sous le nom de Lisa Gorskaya, apparemment inconnue de Blumkin qui
était pourtant son collègue. Mais il est vrai qu’elle avait exercé à
Vienne …En tout cas, elle rapportera fidèlement toutes leurs
conversations à Trilisser. On connaît la suite, pour Blumkin.
Zarubina,
elle, se mariera au cours de la même année 1929 avec un collègue des
services secrets, Vassili Zarubin. Dès lors ils feront équipe pendant de
longues années, opérant sous la couverture d’un couple tchèque
travaillant en Allemagne, France, Etats-Unis.
Zarubina
démontrera des qualités hors pair d’agent recruteur, créant un réseau
clandestin de juifs émigrés de Pologne. Elle sera particulièrement
active aux Etats-Unis, introduisant des agents dans l’entourage
d’Einstein, d’Oppenheimer et d’autres, afin de percer au bénéfice des
soviétiques les secrets de la bombe américaine.
En
1941, elle a le grade de capitaine du KGB. Son mari opère à Washington -
il sera chef du KGB de 1941 à 1944 - et elle-même se rend fréquemment
en Californie où, par l’intermédiaire de Gregory Kheifetz, vice-consul à
San Francisco et lui aussi agent du KGB, elle se lie d’amitié avec
l’épouse d’Oppenheimer, Kitty Puening Harrison,
d’origine allemande, aux amitiés communistes bien affirmées. Elle aura
dès lors de fréquents rapports avec Oppenheimer, lui-même très à gauche.
C’est un vrai nid d’espions pro-soviétiques qui pullule autour du Projet Manhattan. Il y aura en particulier le physicien allemand Klaus Fuchs,
introduit par Zarubina, qui travaillera pour le NKVD et qui jouira de
l’entière confiance d’Oppenheimer. Elle introduira également l’espionne Maria Konnenkova auprès d’Einstein.
La
suite des événements est difficile à décrypter. Ce qui est sûr, c’est
que Zarubina n’est morte qu’en mai 1987 et son agent secret de mari en
1972. Une lettre de dénonciation était parvenue aux services secrets
américains en 1943, qui amènera le rappel du couple à Moscou. Après
enquête, lui sera déchargé de ses fonctions en 1948 « pour raison de
santé », ce qui était plutôt inquiétant là-bas. Quant à elle… mystère.
Mais peut-être ont-ils terminé leur existence comme des bourgeois bien
tranquilles de la nomenklatura, qui sait ?
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