samedi 9 juin 2012

IL Y A 90 ANS, ON PROMETTAIT (DEJA) DES LENDEMAINS RADIEUX LISA ROZENSWEIG, dite ELIZABETH ZUBILIN (ou ZARUBINA)

Nous avons fait sa connaissance hier et il serait dommage de laisser passer sans s’y intéresser de plus près cette espionne bolchevique à la carrière bien fournie. Ce qui ne l’a pas empêchée de mourir il n’y a pas si longtemps que ça, en 1987.
Elle commence le siècle en fanfare puisqu’elle naît le 1er janvier 1900 dans une famille juive de la province de Bucovine, entre la Roumanie et l’Ukraine. Une famille apparemment assez aisée pour lui permettre de poursuivre des études d’histoire et de philologie en Russie, France et Autriche. Très douée pour les langues, elle parle roumain, russe, allemand, français, anglais et hébreu. Tout cela va lui être bien utile par la suite. Sa famille est aisée, ce qui n’empêche pas la fibre révolutionnaire. Dans sa parenté se trouve Ana Pauker, qui fondera le parti communiste roumain. Une autre personne bien intéressante…
Zarubina – on va l’appeler comme ça, c’est plus mignon, ça fait un peu comédie italienne – participe activement aux mouvements révolutionnaires qui agitent la Bessarabie (grande région adjacente à la Bucovine) après la 1ère guerre. Et en 1919, elle devient membre du komsomol de Bessarabie. Le komsomol était le nom donnée à l’organisation des jeunesses …bolcheviques, car il fallait bien encadrer ces jeunes gens, futurs piliers du régime.
Ses qualités vont vite trouver à s’employer ailleurs qu’en Bessarabie. En 1923, elle rejoint le parti communiste d’Autriche. En 1924, elle intègre les services secrets bolcheviques et travaillera jusqu’en 1925 à l’ambassade soviétique à Vienne, puis, jusqu’en 1928, toujours à Vienne mais en dehors de l’ambassade.
On la retrouve ensuite à Moscou où, comme on l’a vu hier, Meïer Abramovitch Trilisser, à l’époque chef des services secrets et vice-président de la Guépéou, lui ordonne en 1929 de abandon bourgeois prejudice, autrement dit de laisser tomber les préjugés bourgeois, et de séduire Yakov Blumkin. Elle exécutera sa mission en Turquie où il se trouve alors, sous le nom de Lisa Gorskaya, apparemment inconnue de Blumkin qui était pourtant son collègue. Mais il est vrai qu’elle avait exercé à Vienne …En tout cas, elle rapportera fidèlement toutes leurs conversations à Trilisser. On connaît la suite, pour Blumkin.
Zarubina, elle, se mariera au cours de la même année 1929 avec un collègue des services secrets, Vassili Zarubin. Dès lors ils feront équipe pendant de longues années, opérant sous la couverture d’un couple tchèque travaillant en Allemagne, France, Etats-Unis.
Zarubina démontrera des qualités hors pair d’agent recruteur, créant un réseau clandestin de juifs émigrés de Pologne. Elle sera particulièrement active aux Etats-Unis, introduisant des agents dans l’entourage d’Einstein, d’Oppenheimer et d’autres, afin de percer au bénéfice des soviétiques les secrets de la bombe américaine.
En 1941, elle a le grade de capitaine du KGB. Son mari opère à Washington - il sera chef du KGB de 1941 à 1944 - et elle-même se rend fréquemment en Californie où, par l’intermédiaire de Gregory Kheifetz, vice-consul à San Francisco et lui aussi agent du KGB, elle se lie d’amitié avec l’épouse d’Oppenheimer, Kitty Puening Harrison, d’origine allemande, aux amitiés communistes bien affirmées. Elle aura dès lors de fréquents rapports avec Oppenheimer, lui-même très à gauche. C’est un vrai nid d’espions pro-soviétiques qui pullule autour du Projet Manhattan. Il y aura en particulier le physicien allemand Klaus Fuchs, introduit par Zarubina, qui travaillera pour le NKVD  et qui jouira de l’entière confiance d’Oppenheimer. Elle introduira également l’espionne Maria Konnenkova auprès d’Einstein.
La suite des événements est difficile à décrypter. Ce qui est sûr, c’est que Zarubina n’est morte qu’en mai 1987 et son agent secret de mari en 1972. Une lettre de dénonciation était parvenue aux services secrets américains en 1943, qui amènera le rappel du couple à Moscou. Après enquête, lui sera déchargé de ses fonctions en 1948 « pour raison de santé », ce qui était plutôt inquiétant là-bas. Quant à elle… mystère. Mais peut-être ont-ils terminé leur existence comme des bourgeois bien tranquilles de la nomenklatura, qui sait ?

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