Le
18 juin 1812, le Congrès des États-Unis vote une déclaration de guerre.
L'ennemi n'est autre que l'ancienne métropole, l'Angleterre.
Cette guerre reste dans l'Histoire sous le nom de «Seconde guerre d'Indépendance» ou plus simplement «guerre de 1812».
C'est la première qu'aient livrée les États-Unis. C'est aussi la seule
de l'Histoire moderne qui ait mis aux prises deux démocraties.
La faute à Napoléon
La guerre de 1812 est la conséquence directe du conflit qui oppose en Europe Napoléon 1er à l'Angleterre et à ses alliés.
Les
deux belligérants font fi de la neutralité des États-Unis et
arraisonnent les navires de commerce américains sous prétexte qu'ils
traitent avec le camp adverse. Comme si cela ne suffisait pas, il arrive
que les Anglais se saisissent de marins américains et les enrôlent sur
leurs propres navires.
Le président Thomas Jefferson tente de surmonter le dilemme en faisant voter en décembre 1807 la loi sur l'embargo (Embargo Act)
qui interdit à tout navire de faire voile d'un port des États-Unis vers
un port étranger. Mais la loi ruine les armateurs de
Nouvelle-Angleterre sans pour autant faire plier l'Angleterre, avide de
céréales américaines, et l'on doit la rapporter le 1er mars 1809.
Le
successeur de Jefferson est son ami James Madison, lui aussi du parti
républicain démocrate. Ce Virginien de 61 ans se montre à la Maison
Blanche autrement plus médiocre qu'il ne l'a été dans la rédaction de la
Constitution.
Une guerre entreprise à la légère
Dans
un premier temps, le président Madison interdit le commerce avec la
France et l'Angleterre. Puis il décide que cette interdiction ne jouera
plus à l'encontre de celui des deux pays qui cessera de porter atteinte
au commerce des neutres !
Le
5 août 1810, Napoléon 1er assure Washington qu'il cessera de contrarier
le commerce des neutres. Il s'agit d'un mensonge éhonté car cela
signifierait la fin du Blocus continental destiné à asphyxier
l'Angleterre.
Il
n'empêche que les États-Unis font crédit à Napoléon 1er. Leurs
relations avec l'Angleterre se tendent et les heurts se multiplient à la
frontière avec le Canada. À la Chambre des représentants, Henry Clay,
porte-parole des «War Hawks» («Faucons de guerre») fait miroiter l'annexion du Haut-Canada anglophone, du Bas-Canada francophone et de la Floride espagnole.
Finalement,
le président convainc le Congrès de voter (à une courte majorité) la
déclaration de guerre à l'Angleterre. L'opposition fédéraliste tente de
s'y opposer. Elle dénonce la «guerre de M. Madison» («Mr. Madison's War»)
mais ne réussit pas à l'empêcher et cet échec va amorcer son déclin et
sa disparition. Le parti fédéraliste, si influent dans les décennies
antérieures, ne va plus conserver que quelques représentants en
Nouvelle-Angleterre.
Offensives peu convaincantes
Dans
un premier temps, le 12 juillet 1812, les volontaires américains, au
nombre d'à peine 5.000, attaquent les Anglais sur les Grands Lacs sous
la conduite du général William Hull. Ils vont jusqu'à brûler le
parlement du Haut-Canada, à Toronto. Les Anglais, piqués au vif, lancent
une contre-offensive bien qu'avec des effectifs moindres. Ils
repoussent les Américains jusqu'à Detroit et s'emparent de la ville le
16 août 1812.
Le
général Hull sera déféré devant une cour martiale mais échappera à la
sentence capitale en raison de ses états de service antérieurs, pendant
la véritable guerre d'Indépendance.
Sur
mer, pendant ce temps, les Américains, avec trois frégates, remportent
quelques succès d'estime sur les navires anglais. Après plusieurs mois
de piétinement, un corps expéditionnaire anglais débarque près de
Washington. Il remporte un succès à Bladenburg avant de marcher sur la
capitale.
La
garde nationale qui protège celle-ci se débande et, le 24 août 1814,
les Anglais entrent sans coup férir à la Maison Blanche, que le
président a dû quitter en catastrophe.
Le
général anglais n'a plus qu'à se mettre à table et finir le dîner
présidentiel. En partant, il a soin de faire brûler l'auguste palais
ainsi que le Capitole, qui contient à ce moment-là la librairie du
Congrès. C'est une revanche sur l'incendie du Parlement de Toronto... et
une profonde humiliation du côté américain !
Une
armée éprouvée de 10.000 soldats britanniques quitte Montréal en
direction de New York, sous le commandement de Sir George Prevost. Mais
la flotte chargée de son ravitaillement est défaite le 11 septembre 1814
sur le lac Champlain par le capitaine Thomas Macdonough. Du coup,
Prevost renonce à son offensive.
Lassée
par cette guerre sans enjeu véritable, Londres entame des négociations à
Gand, aux Pays-Bas, où la paix est signée le 24 décembre 1814. Il est
convenu d'un retour à la situation antérieure, sans prise de guerre. La
frontière entre les États-Unis et les possessions britanniques
d'Amérique du Nord est prolongée vers l'Ouest suivant le 49e parallèle.
Naissance du patriotisme américain
La
nouvelle de la signature du traité de Gand n'arrive à Washington que le
14 février 1815. Entre temps, dans le Sud, les Américains jouent les
prolongations. C'est ainsi que le 8 janvier 1815, l'impétueux Andrew
Jackson (47 ans) reprend La Nouvelle-Orléans aux Anglais, ce qui lui
vaut une immense popularité.
En
1828, Andrew Jackson accèdera à la Maison Blanche, comme d'autres
généraux vainqueurs, de George Washington à Dwight Eisenhower en passant
par Ulysses Grant.
Ne
croyons pas que la guerre de 1812 était une guerre pour rien. Outre
qu'elle a donné un héros aux États-Unis en la personne d'Andrew Jackson,
elle a aussi éveillé le patriotisme américain et contribué à forger une
conscience nationale. C'est à cette époque que naît le personnage de
l'Oncle Sam, qui est à la République américaine ce que Marianne est à la
République française.
Ayant renoncé à s'agrandir aux dépens du Canada, les États-Unis tournent désormais leurs ambitions vers les espaces vierges du Far West (le Grand Ouest). De leur côté, les Anglais vont mettre en valeur les territoires qui s'étendent à l'ouest du Haut-Canada, le Rupert's Land, une concession de la Compagnie de la baie d'Hudson.
Fabienne Manière. http://www.herodote.net
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