jeudi 21 juin 2012

1682 : Le soleil de Versailles

Le 6 mai 1682, Louis XIV s'installe définitivement à Versailles, suivi de la cour. Il va vivre pendant quelque temps dans un château rempli de maçons, où l'on devait parfois changer de chambre pour fuir le bruit...
Cette année-là, la trente-neuvième de son règne, Louis XIV, quarante-quatre ans, s'installa avec toute la cour à Versailles. Il résiderait enfin dans un palais à sa mesure. Il aurait pu agrandir le Louvre, ou Fontainebleau, ou Saint-Germain-en-Laye..., ou trouver un espace plus près de Paris. Mais Versailles, c'était « son lyrisme personnel » comme l'explique Georges Bordonove : « Ce fut aussi la preuve qu'il n'était pas seulement un grand politique et un César triomphant, mais un roi artiste, le premier artiste de son époque puisqu'il créait un style dégagé de l'influence italienne, typiquement français, c'est-à-dire conservant équilibre et mesure dans la grandeur, élégance et grâce dans l'énormité. »
Héritage paternel
Pourquoi avoir choisi Versailles ? Il était à la recherche d'un endroit vaste, pas trop près de Paris, parce qu'il avait été dans sa jeunesse toute récente très marqué par les émeutes de la capitale qui durant la Fronde l'avaient obligé à fuir précipitamment. Il vint sur le site de Versailles pour la première fois vers 1653 ; il fut tout de suite conquis par le paysage grandiose et la vaste forêt trouée d'étangs au milieu de laquelle son père Louis XIII avait fait construire un modeste pavillon de chasse pour y méditer tranquillement. C'est là, rappelons-nous, que s'était dénoué le drame de la "Journée des dupes" qui vit le triomphe de Richelieu sur l'intrigante reine mère Marie de Médicis. Le jeune Louis XIV imagina très vite ce que l'on pourrait bâtir à partir du petit manoir paternel, celui-ci étant pieusement sauvegardé avec sa façade de pierre blanche, mais que l'on chargerait de dorures. Pas question de faire table rase du passé. Les travaux d'agrandissement commencèrent en 1661. Louis Le Vau et Noël Coypel reconstruisirent les communs et entreprirent la décoration des appartements, tandis que Le Nôtre dessinait les magnifiques jardins avec leurs combinaisons d'allées. Dès mai 1664, devant six cents invités, le roi offrit les premières festivités, les Plaisirs de l'île enchantée, fête en l'honneur de Louise de La Vallière, au cours de laquelle Molière présenta sa première version du Tartuffe.
Puis la superficie du château fut triplée et les immenses jardins furent ornées de sculptures. Le Nôtre commença le creusement du grand canal. Le 18 juillet 1668, eut lieu une nouvelle fête, le grand divertissement royal, avec pièces de Molière et musique de Jean-Baptiste Lully. Cette fois le marquise de Montespan était à l'honneur.
36 000 ouvriers, sculpteurs, jardiniers...
Entre 1668 et 1678, on enveloppa le premier château. Le Château-Neuf s'éleva tout en pierres avec ses longues façades ponctuées par des avant-corps et divisées dans la hauteur. À partir de 1678, le roi laissa paraître son intention de fixer se résidence à Versailles : alors on accéléra les travaux. Trente-six mille ouvriers, sculpteurs, tailleurs de pierre, jardiniers, étaient en permanence à l'oeuvre, les artistes, François d'Orbay, Le Nôtre, Jules Hardouin-Mansart... évoluaient au milieu des échafaudages et des gravats. On aplanissait les sols, on comblait les marécages, on construisait la grille dorée côté ville de Versailles. Le roi qui dirigeait les travaux, chaque fois que la politique lui en donnait le temps, chapeau sur la tête, canne à la main, ne craignait pas de parler avec les hommes de métiers.
Un cadre à la mesure du roi
Le 6 mai 1682, il n'y tint plus. Il quitta Saint-Cloud et s'installa, suivi de la cour, définitivement à Versailles, dans un château empli de maçons, et où l'on devait parfois changer de chambre pour fuir le bruit. Les travaux de décoration allaient bon train. La somptueuse galerie des Glaces était encombrée d'échafaudages et on la traversait en empruntant un passage entre les poutrelles ; elle ne devait être terminée qu'en 1684, après la mort de la reine Marie-Thérèse et de Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances, lequel était très inquiet de toutes ces dépenses... Il faudrait encore des années de travail pour perfectionner les jardins, sculpter les statues, installer les merveilleuses fontaines avec leur jets d'eaux ...
Néanmoins le roi ne tarda pas à établir ses règles d'étiquette rigoureuses et complexes, qui transformaient tous les actes, même les plus quotidiens, en un cérémonial quasi sacré. Plus que partout ailleurs Louis XIV à Versailles fut le Roi Soleil, éclairant tout, communiquant sa lumière à toute chose et imprimant leur harmonie, leur solidité, leur équilibre aux mouvements et aux pensées de toute la société.
Bien sûr ce siècle eut des ombres, et Versailles coûta cher, mais comme dit encore Bordonove, quand on voit aujourd'hui les foules photographier les impressionnantes façades, arpenter les allées de Le Nôtre ou naviguer sur le Grand Canal « on se sent porté à l'indulgence envers Louis .... Que dis-je ? On se sent complice... »
Michel Fromentoux  L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 1er au 14 juillet 2010

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