dimanche 6 mai 2012

Louis de Bonald

Louis-Gabriel-Ambroise, vicomte de Bonald, est né le 2 octobre 1754 à Millau dans une famille noble. Il fut maire de Millau quand éclata la Révolution dont il est d'abord partisan mais rejoindra très vite l'armée des émigrés. La mise au pas de l'Eglise choque en effet ses profonds sentiments religieux. Il deviendra la grande voix des légitimistes. Bonald part de l'idée que la Révolution française ne serait combattue qu'en opposant à ses partisans une théorie complète qui embrasserait à la fois le gouvernement et la religion, la société et l'esprit humain. Il s'attache tout d'abord à réfuter la philosophie des Lumières, d'orientation matérialiste et sensualiste. Il dément les idées et les théories de Rousseau. Il estime que les individus n'ont pas de pouvoir sur les règles de la société. La société étant antérieure à l'individu, l'autorité sociale ne peut venir de lui. Dans la Démonstration philosophique du principe constitutif de la société, il met en évidence les analogies entre l'organisation de la famille, qu'il appelle « pouvoir domestique », de la société politique et en matière de religion. Toute société renferme trois composantes : pouvoir, autorité, sujet. Bonald considère que les honneurs sont des charges, des fardeaux et écrit : « En un mot, tout ce qui est grand ne l'est que pour servir tout ce qui est faible et petit. » Il défend le pouvoir absolu qu'il ne confond pas avec le pouvoir arbitraire. Il observe que « le pouvoir arbitraire est le moins indépendant, le moins absolu de tous les pouvoirs, puisque sa volonté est sans règle et son action sans direction, et qu'il est le jouet de ses propres violences, en attendant d'être la victime de ceux qu'il opprime. » Le pouvoir absolu n'agit quant à lui que dans le cadre de lois fondamentales « contre lesquelles tout ce qu'on fait est nul en soi. » Auguste Comte, comme Bonald, remarquera lui aussi que les sociétés modernes qui rejettent un pouvoir fort sont soumises au despotisme administratif, que nos ancêtres auraient jugé intolérable. Les hommes n'ont que la liberté qu'ils méritent. La société, comme la famille, a pour but l'accroissement et la conservation. « L'homme doit vivre en société pour la conservation des êtres que la famille produit. » Bonald critique fortement la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Pour lui, le droit est une idée génératrice d'anarchie. L'idée de liberté individuelle est destructrice de l'ordre social et politique ainsi que des hiérarchies.
La religion vient couronner cet édifice. L'homme doit trouver dans la religion la raison des devoirs que lui impose la vie en société. Une religion sans mystères, sans surnaturel, sans miracles, sans mission divine ne semblerait avoir qu'une origine humaine et ne pourrait être accréditée, pas davantage que les systèmes philosophiques. Bonald cite Montesquieu : « Les peuples qui n'ont pas de prêtres sont ordinairement barbares. » Il ajoute que les peuples qui ne veulent plus de prêtres ne tarderont pas à redevenir. barbares.
S'en prenant au « pouvoir représentatif », c'est-à-dire à la démocratie, il note que c'est le gouvernement qui permet aux bavards, aux incompétents, aux brouillons de s'agiter en tous sens, mais surtout de parler et « d'écrire encore plus ». Cette réflexion fait penser à ce que disait Raymond Aron des intellectuels des années 1970 : ils avaient tort de critiquer la démocratie, car c'est le seul régime qui tolère leurs agissements...
Relisons quelques aphorismes de Bonald : « Il y a des gens qui ne savent pas perdre leur temps tout seuls. Ils sont le fléau des gens occupés » ; « Des sottises faites par des gens habiles, des extravagances dites par des gens d'esprit, des crimes commis par d'honnêtes gens... voilà les révolutions » ; « Ce ne sont pas les gens riches qui oppriment le peuple, mais ceux qui veulent le devenir » ; « On peut être modéré avec des opinions extrêmes » ; « La suffisance n'exclut pas le talent, mais elle le compromet ». Lors de la Restauration, son combat pour la monarchie lui vaudra une reconnaissance officielle et de multiples honneurs : député, pair de France, académicien... Il proposera une loi interdisant le divorce traité de « poison révolutionnaire ».
Il meurt le 23 novembre 1840. Son fils, Louis-Jacques-Maurice de Bonald sera archevêque de Lyon et cardinal.
R.S. Rivarol du 10 février 2012

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