samedi 3 mars 2012

Moyen-Age : Les chevaliers violents étaient sujets au stress post-traumatique

Les chevaliers du Moyen-Age ; les machines à tuer brutales et sans pitié dépeintes au cinéma ? Une nouvelle recherche dévoile une autre image de l’élite militaire médiévale.

Les chevaliers médiévaux sont souvent décrits comme des hommes assoiffés de sang qui aimaient à donner la mort. Une étude récente démontre que c’est une image complètement erronée. 
Les chevaliers ne tuaient pas parce qu’ils le voulaient mais parce que c’était leur travail, précisément comme les soldats de nos jours. De même, le moyen-âge n’était pas aussi violent que nous le pensons, malgré leur perception de la violence en comparaison de la nôtre.


"La psychologie militaire moderne nous permet de lire les textes médiévaux d’une manière nouvelle, nous offrant une vision de la perception de la violence au moyen-âge dans la population et de l’usage par les chevaliers de violence délétère", explique Thomas Heebøll-Holm de l’Institut SAXO de l’Université de Copenhague, qui poursuit des recherches sur la violence au moyen-âge tardif.
"Auparavant, les textes médiévaux étaient lus comme des cultes rendus aux héros et une glorification de la violence. Mais, à la lumière de la psychologie militaire moderne, nous pouvons observer le coût mental pour les chevaliers dans le cadre de leur participation aux guerres cruelles et extrêmement violentes au moyen-âge."

Violence innée ou culturelle ?
Les chevaliers étaient-ils violents par nature, jouissant du meutre ? Ou le meurtre était-il quelque chose qu’ils apprenaient dans le contexte d’une culture et d’une société violente ? 
Certains psychologues croient que la violence est latente dans nos gènes, alors que d’autres croient que cela s’apprend empiriquement. L’investigation de monsieur Heebøll-Holm place la perception médiévale de la violence entre ces catégories.
Il indique qu’à l’époque les gens avaient généralement les mêmes préoccupations quant à la violence que nous aujourd’hui ; ils étaient opposés à l’usage de la violence. Dans certaines situations culturelles, ils étaient forcés d’en faire usage, même si cela impliquait le meurtre, et ils le faisaient.
"Si quelqu’un avait agi de sorte qu’il avait bafoué l’honneur de l’un des membres de votre famille, il était attendu de vous une réponse à ces actes, et que vous le tuiez si nécessaire."
Tuer et obtenir le pardon
Les chercheurs relatent une histoire qui se déroule à Paris au 14e siècle. Une femme fut battue à mort par son mari. Ses deux frères exigèrent que l’époux réparât ses torts mais il refusa.
Bien que les frères ne ressentissent aucun plaisir à tuer le mari, et tentassent même d’éviter d’agir ainsi, ils se sentirent obligés de l’occire pour rétablir l’honneur.
Cependant, au lieu d’être punis, les frères furent acquittés, comme il était bien connu que le mari avant bafoué l’honneur en tuant leur sœur. 
"Au moyen-âge, les autorités étaient trop faibles pour maintenir la loi et l’ordre," dit monsieur Heebøll-Holm.
"Pour porter cela à sa conclusion logique, il appartenait aux individus de s’assurer que leur honneur ne fût pas bafoué ou abusé par les autres. Cela signifiait que les gens ordinaires devaient tuer pour montrer au monde qui les entoure qu’ils tuent pour garantir leurs droits en usant des moyens les plus drastiques si nécessaire."
Des chevaliers souffrant de troubles de stress post-traumatique (TPST)
Bien qu’ils exerçaient la violence dans sa forme la plus extrême, en prenant part aux guerres où leurs camarades étaient taillés en pièces par les troupes ennemies et où eux-mêmes usaient de violence brutale et cruelle contre l’ennemi, les chevaliers médiévaux n’étaient pas violents de manière innée ou culturelle.
Mais, selon le chercheur, leurs expériences guerrières pouvaient leur assurer un cas sérieux de TSPT.
Dans le cadre de ses études sur la violence au moyen-âge, il a parcouru un livre écrit par un chevalier qui vivait dans la première moitié du XIVe siècle.
"Il se nommait Geoffroi de Charny et il était un des chevaliers les plus respectés de son temps. L’ouvrage, traitant de la vie d’un chevalier, évoquait les conséquences psychologiques de l’état de chevalier, et elles ressemblent fortement aux symptômes des TSPT."
Dans son livre, de Charny conseille les chevaliers sur la manière dont ils doivent appréhender le fait de tuer des gens lorsqu’ils guerroient. Il mentionne également quelques unes des épreuves auxquelles les chevaliers font face : sommeil de mauvaise qualité, faim et un sentiment que même la Nature est contre eux.
"De Charny décrit les facteurs de stress que nous identifions aussi dans la psychologie militaire moderne, y compris dans les rapports de la guerre du Vietnam," explique-t-il. "Son image des chevaliers montre qu’ils sont loin d’être les psychopathes violents que nous imaginons."
Se battre pour une bonne cause
De Charny évoquait aussi ce que les chevaliers devraient faire pour résister aux facteurs de stress. Il déclarait qu’ils devraient se battre pour une bonne cause afin d’éviter de succomber sous les pressions de la guerre. La cause divine serait une cause bonne, une guerre pour une cause supérieure et juste, pour restaurer la loi et l’ordre, et non motivée par l’appât du gain.
"D’une part, nous observons que de Charny était un homme de conscience, et dans la conscience du moyen-âge était vu comme le porte-parole de Dieu qui instruit du Bien et du Mal.
"D’autre part, il était un guerrier qui prit part à plusieurs conflits sur une période de 30 ans, y compris une croisade qui le mena dans la ville appelée de nos jours Izmir. La guerre et les croisades sont violentes par définition," énonce monsieur Heebøll-Holm.
Auteur : Kristian SJØGREN  http://www.theatrum-belli.com
Source : Science Nordic (Danemark)
Traduction pour Theatrum Belli : Robert ENGELMANN  

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