Reynald
Sécher est un universitaire spécialiste de la Vendée, région martyre à
l'histoire de laquelle il consacre depuis des années son grand talent.
Vous
avez publié de nombreux ouvrages sur l'histoire de la Vendée, comment
vous situez-vous par rapport à cette tragédie historique ?
Reynald Sécher : Je
n'ai pas seulement écrit sur la Vendée : l'essentiel de mon œuvre est
consacré à d'autres objets, comme l'histoire de la Bretagne, de la
France, ou celle d'entreprises. Cependant, je reviens souvent sur la
Vendée, par sollicitation ou en raison de découvertes. Je lui ai ainsi
consacré un certain nombre de livres, notamment sous l'angle historique.
Ces ouvrages sont issus de mes deux thèses sur l'histoire de La
Chapelle Basse Mer et sur le Génocide franco-français : La
Vendée-Vengée. C'était la première fois qu'un scientifique issu de
l'université française réfléchissait sur la nature de la répression en
Vendée.
Pourquoi ce livre a-t-il suscité un tel remous ?
Parce que j'y
démontrais que la Convention avait conçu, organisé, planifié
l'anéantissement et l'extermination de la Vendée militaire. Non
seulement je remettais en question la nature de la Révolution, mais je
bouleversais toute la recherche historique, et bien entendu son
enseignement.
Parlons
de votre prochain livre, intitulé : Vendée : Du génocide au mémoricide,
et qui sera publié en octobre aux éditions Le Cerf. Vous y rendez
compte de vos dernières découvertes…
Par le plus grand des
hasards, j'ai effectivement découvert le dossier original du plan
d'extermination et d'anéantissement de la Vendée signé par les membres
du Comité de Salut Public, notamment Robespierre et Carnot. Non
seulement je ne m'étais pas trompé, dans mes précédents ouvrages, mais
j'ai sous-estimé ce crime. En fait, la guerre de Vendée n'existe pas, ou
plus exactement elle ne dure que 5 mois. Tout le reste n'est que
génocide. Non seulement les Conventionnels ont voté ce crime, mais ils
l'ont mis personnellement en œuvre.
Est-ce à dire qu'ils étaient sur le terrain ?
Pas seulement. Es ont
d'abord épuré l'armée. Cela a été épouvantable. Soit on était avec eux,
soit contre eux… Et dans ce cas, c'était automatiquement la mort. Si
vous voulez un exemple de la participation active des Conventionnels
dans le système, retenons celui - le plus connu, d'ailleurs - de
Carrier, le promoteur des noyades de Nantes, qui était député à la
Convention. Mais si vous le permettez, nous en parlerons lorsque le
livre sera paru.
Vous avez multiplié les supports de vos ouvrages historiques. Pourquoi ?
Pour deux raisons
essentielles. J'étais enseignant dans les années 1980 et j'avais
constaté que les élèves se détachaient du support livre pour l'image
mobile ou immobile : en clair, pour la télé et les BD. J'avais fait des
tests en recommandant à mes élèves de regarder tel ou tel documentaire,
ou de lire telle BD historique. J'avais été stupéfait de la richesse de
leurs commentaires. J'ai alors proposé à de grands éditeurs de monter
une collection. Tous ont été unanimes : cela ne pouvait pas marcher.
Vous connaissez la suite. J'ai monté ma propre maison d'édition et je
publie une ou deux BD chaque année. Je pourrais augmenter le nombre des
titres, mais la distribution me fait malheureusement défaut. Quant au
documentaire historique, il trouve son origine dans le même constat. À
ce jour, j'en suis au troisième. En octobre, j'en publierai un nouveau
sur la chouannerie.
Pour revenir à la Vendée, en quoi cette région est-elle si particulière ?
C'est le théâtre du
premier génocide de l'histoire contemporaine. Non seulement ce génocide a
été gommé dans le cadre d'une opération « mémoricidaïre », mais,
paradoxalement, il a servi de référence pour tous les génocides du XXe
siècle. La Vendée, en ce sens, est un double laboratoire : celui des
génocides et celui des mémoricides. Lorsque j'ai énoncé ce mot pour la
première fois, en 1986, il a attiré l'attention des chercheurs et
certains, notamment aux États-Unis, l'ont abondamment utilisé. Il
restait à le définir : c'est ce que je fais dans mon prochain ouvrage.
Lemkin, dans le cadre de son concept de génocide, avait cette conscience
d'une définition incomplète, car il ne tenait pas compte de la mémoire.
Maintenant ce vide est comblé.
Propos recueillis par Paul Nielson : monde & vie . 17 septembre 2011
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