Le
paléolithique, de même que les débuts de l’âge du bronze en Europe
centrale, n’ont pas été des époques étudiées de manière optimale
jusqu’ici. Les esprits se sont longtemps focalisés sur l’Asie Mineure et
sur l’Égypte donc bon nombre d’archéologues ont négligé leur propre
patrie européenne. Le dogme “ex oriente lux” n’a cessé de
troubler les esprits et les a empêchés de chercher à comprendre le
développement de la culture autochtone européenne. On entend encore trop
souvent parler des “sauvages en peau de bête” quand on évoque les
habitants d’Europe centrale avant et pendant les migrations des peuples,
consécutives à la chute de l’Empire romain.
Mais l’étonnement est
venu quand on a constaté qu’Ötzi, l’homme des glaces alpines, portait
des chaussures fermées qui n’étaient pas, comme on l’avait cru
jusqu’ici, en peau de cerf ou de chevreuil mais avaient été
confectionnées avec de la peau de bovidé. Les réalisations culturelles
en Europe centrale à cette époque étaient donc beaucoup plus avancées et
complexes que les archéologues conventionnels ne l’avaient cru
jusqu’alors. En effet, pour pouvoir fabriquer de telles chaussures, avec
un tel matériau de base, cela implique qu’il y avait élevage d’animaux,
fonctionnant bien, c’est-à-dire un élevage suffisamment sophistiqué où
l’on prévoit du fourrage que l’on fauche puis que l’on stocke. C’est là
une technique de vie qui n’est pas aisément applicable dans une région
qui connaît des hivers durs.
Mais ce qui est
particulièrement important, c’est la découverte de tatouages sur
l’épiderme de l’homme des glaces. Sur la peau de la momie du glacier
alpin, on a trouvé quarante-sept marques tatouées (sous la forme d’un
trait), qui sont classables en quinze groupes différents. Neuf des
quinze tatouages se trouvent exactement sur les points (ou à proximité
de ceux-ci) que retient l’acupuncture classique. La position et surtout
les combinaisons possibles de chacun de ces points sont encore utilisées
aujourd’hui en acupuncture pour soigner les maladies dérivées de
l’arthrose. Le corps d’Ötzi est étudié sous toutes les coutures depuis
vingt ans maintenant et les scientifiques ont découvert que notre homme
de la proto-histoire souffrait de modifications arthriques des vertèbres
lombaires de la colonne vertébrale et de dégénérescences des
articulations des jambes. Outre les modifications observées de la
colonne vertébrale et des articulations des jambes, les médecins
proto-historiques d’Europe centrale, qui se sont penchés sur le cas
d’Ötzi, ont apparemment soigné aussi des complications de l’appareil
digestif, dues très probablement à des parasites. Les tatouages aux
niveaux de la vésicule biliaire, de la rate et du “méridien du foie”
plaident en faveur d’un traitement pareil à celui de l’acupuncture.
L’acupuncture repose sur le phénomène suivant : des excitations par
piqûres en des endroits spécifiques de l’épiderme entraînent des
modifications dans la fonction des organes internes. Plusieurs effets de
l’acupuncture sont scientifiquement attestés aujourd’hui, comme par
exemple la diminution du tonus musculaire ou des effets ralentissant
l’inflammation ou encore des influences sur le système nerveux central,
dans la mesure où l’endorphine se produit alors en quantité supérieure.
Le fait est désormais
patent : l’acupuncture était connue dès 3200 avant l’ère chrétienne en
Europe centrale et non pas seulement pour jouer sur les seuls symptômes.
Elle était bel et bien pratiquée, ce qui laisse supposer qu’elle
émanait d’une tradition plusieurs fois centenaire. Cela signifie aussi
que la pratique de l’acupuncture est beaucoup plus ancienne que Ötzi
lui-même, car le fait qu’il en ait bénéficié implique une longue
expérience antérieure de cette pratique médicale. Ensuite, on sait
désormais que la pratique de l’acupuncture ne trouve pas seulement ses
origines en Chine.
Au début des
recherches sur le cadavre d’Ötzi, les archéologues avaient nié que les
tatouages avaient pour but de guider un acupuncteur. Il a fallu que des
journaux médicaux réputés, comme “The Lancet” et “Science”,
publient des articles sur la question pour que les avis des
archéologues s’alignent sur ceux des médecins. Comme jadis, les dogmes
ont la vie dure, surtout celui de l’ “ex oriente lux”. Tenir à
ces dogmes semblent pour beaucoup de nos contemporains plus important
qu’accepter les observations dérivées de l’intelligence et de la logique
humaines et les faits objectifs que celles-ci mettent à jour. Cette
vérité ne vaut pas que pour les études préhistoriques et
protohistoriques.
Harald WINTER.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°38/2011 – http://www.zurzeit.at ).par R. Steuckers
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire