Auteur : Aetius
Au
cours de l’été 451 apr. J.-C. s’opposent aux champs Catalauniques deux
coalitions hétéroclites, l’une emmenée par le patrice Aetius, l’autre
par Attila roi des Huns. La date de la bataille est incertaine
(peut-être septembre), le lieu l’est également.
Les Huns sont un
peuple originaire d’Asie, apparenté aux Mongols, qui fait son
apparition en Europe orientale au IIIe siècle. En 375, les Huns
traversent le Don, détruisent l’empire alain des rives de la Caspienne
et repoussent vers l’Ouest tous leurs ennemis par la terreur qu’ils
inspirent. Attila naît en 395 et est élevé à la cour de Constantinople.
Adulte, il retourne dans la vallée du Danube où il gouverne son
royaume avec son frère Bléda de 434 (mort de son oncle Ruga) à 445
(assassinat de Bléda). En 446, toutes les tribus des Huns sont
rassemblées sous son commandement.
I. Les raids sur l’Empire romain (441-451)
Attiré par les
richesses de l’Empire romain d’Orient qu’il connaît bien, Attila
l’attaque à deux reprises (441-443 et 447-449) jusqu’à mettre le siège
devant Constantinople. L’empereur d’Orient Théodose II achète la paix
en lui versant d’énormes tributs. Le roi des Huns se tourne alors vers
l’Occident et demande la main d’Honoria, sœur de l’empereur d’Occident
Valentinien III, prétexte pour attaquer l’Empire (réclamation d’une
dot). Il espère s’y approprier de larges territoires dont l’Aquitaine
wisigothique. Il peut compter sur quelques alliés, dont les Vandales.
Attila passe le Rhin
début avril 451 avec une armée d’environ 200.000 hommes (de toutes
origines). Il parvient sans difficulté jusqu’à Metz qu’il assiège et
détruit la veille de Pâques (7 avril), massacrant tous ses habitants.
Parcourant la Champagne, il s’en prend à Reims, Saint-Quentin et Laon.
Les Gallo-Romains pensent que le chef des Huns va se diriger vers
Lutèce, riche ville de 2000 habitants, mais, apprenant qu’elle est bien
défendue (les Lutéciens sont galvanisés par Geneviève qui les exhorte à
ne pas quitter la ville mais au contraire à s’armer et la fortifier),
il s’en détourne pour Orléans, point de passage obligé pour traverser
la Loire.
L’évêque d’Orléans,
Aignan, ancien militaire, quitte la ville avant le siège pour implorer
l’aide du généralissime romain Aetius à Arles. Consul en 432 et patrice
(titre honorifique) en 433, Aetius dispose d’un pouvoir important à
Ravenne auprès de l’empereur d’Occident et il connaît bien les Huns
pour avoir été dans sa jeunesse otage à la cour du roi hun. Devenu
officier romain, il en a recruté à plusieurs reprises dans son armée
pour leur courage. Celui-ci demande à Aignan de pratiquer une
résistance à outrance jusqu’à son arrivée fixée au 14 juin 451. De
retour dans sa cité, l’évêque galvanise ses habitants, leur fait chanter
des psaumes et organise la défense. Les Huns, qui possèdent des
machines de siège (capturées aux Romains ou construites à l’aide de
transfuges romains), lancent plusieurs assauts et finissent par crever
la muraille.
Alors que la ville
s’apprête à tomber, les habitants voient au loin arriver l’armée de
secours commandée par Aetius englobant entres autres les Wisigoths de
Théodoric Ier, les Alains de Sangiban, les Burgondes de Gondioc et les
Francs saliens de Mérovée (incertain), des Armoricains et des Bretons.
En apprenant l’arrivée de l’armée de secours, l’évêque dit « C’est le secours du Seigneur »
(Grégoire de Tours, II, 7). Les Huns sont contraints de lever le siège
et de se replier. Cette délivrance qui paraît miraculeuse en rappelle
une autre, celle de Jeanne d’Arc en 1429. À la mi-juin, les Huns
installés au Campus Mauriacus, près de Troyes, sont rattrapés par les troupes d’Aetius.
II. La bataille des champs Catalauniques
Le déroulement de la
bataille nous est connu par l’historien goth Jordanès (de langue
latine), qui écrit un siècle après les faits mais qui semble avoir eu à
sa disposition des documents fiables. La plaine où s’est déroulée le
combat fut appelée « champs Catalauniques », nom qui vient probablement
de catalauni (« chefs de guerre ») du gaulois catu, « combat », et de uellaunos, « chef ».
Attila, tout comme Aetius, commande une vaste coalition de Germaniques (il est entouré d’une « tourbe de rois »
selon l’expression de Jordanès), où les Ostrogoths de Valamir sont les
plus nombreux. Sont présents les Gépides d’Ardaric, les Hérules, les
Alamans, les Suèves, les Skires, les Ruges, les Bructères, les Francs
ripuaires et les Thuringiens. Les Romains et les Huns sont minoritaires
au sein des deux coalitions.
Le nombre de
combattants n’est pas connu. Jordanès en attribue 500.000 à Attila, ce
qui est invraisemblable compte tenu des moyens logistiques. Les
historiens militaires s’accordent autour de 25.000 à 50.000 hommes pour
chacune des deux armées, ce qui reste énorme pour l’époque. Selon
Jordanès, Attila inquiet consulte ses chamans avant la bataille,
lesquels lui annoncent sa propre défaite mais aussi la mort du chef
ennemi. Néanmoins, « Attila estima que la mort d’Aetius était souhaitable même au prix de sa défaite. » (Getica, XXXVII, 134-196).
Le matin du 20 juin,
Attila décide de se mettre au centre du dispositif. A sa droite sont
placés les Ostrogoths et à sa gauche les Gépides et les autres peuples
germaniques. De l’autre côté, Aetius met au centre les Alains de
Sangiban dont il se méfie, à droite les Wisigoths et les Francs
saliens. Le général romain se place à gauche. Son plan consiste à
tourner l’ennemi par son aile droite (les Wisigoths).
La nuit même avant la
bataille, les Francs rencontrent une armée gépide fidèle à Attila ;
l’affrontement qui s’en suit (dans l’obscurité) met hors de combat
plusieurs milliers d’hommes de chaque côté.
Le 20 juin en début
d’après-midi débute la véritable bataille. Les Wisigoths affrontent et
taillent en pièces les Ostrogoths, mais leur roi Théodoric est tué au
cours du combat, soit en 14tombant de cheval, soit en recevant un javelot
lancé par Andag, chef ostrogoth. Les Romains et les Francs saliens
d’Aetius attaquent les Francs ripuaires, les Thuringiens, les Suèves et
quelques Burgondes ralliés à Attila. Les Huns, au centre de la
bataille, lancent une violente charge de cavalerie mais se heurtent aux
cavaliers alains qui leur tiennent tête. Habitués aux attaques
fulgurantes, les cavaliers huns sont peu habitués à soutenir une
pression continue de la part de l’ennemi. Les Wisigoths se portant vers
les Huns (conformément au plan d’Aetius) forcent Attila à reculer
jusque dans son camp circulaire de chariots, alors que la nuit tombe.
La prédiction des chamans d’Attila se révèle juste, mais c’est
Théodoric qui a perdu la vie, et non Aetius comme le pensait le chef
hun.
Le lendemain, les
Huns dans leur camp se tiennent prêts à se battre, se préparant à subir
un siège. Attila aurait fait élever un bûcher composé de selles de
chevaux dans lequel il se tenait prêt à se jeter en cas de défaite. Les
Wisigoths cherchent le corps de leur roi. « Ils le trouvent au
milieu de très nombreux cadavres, et, l’ayant honoré par des chants,
ils l’enlèvent sous les yeux de l’ennemi. Vous eussiez vu des troupes
de Goths dans le fracas de leurs voix discordantes qui, alors que la
guerre faisait toujours rage, étaient venus rendre les honneurs
funèbres » (XLI, 214). Après avoir entrechoqué leurs armes, ils proclament Thorismond, frère de Théodoric, roi.
Aetius et Thorismond
décident de ne pas pousser plus loin leur avantage pour des raisons
stratégiques. Aetius pense que si les Huns sont éliminés, l’Empire
romain d’Occident va passer sous la coupe des Wisigoths (il voit dans
les Huns un contrepoids aux Wisigoths). Au contraire, Thorismond se dit
que si les Huns sont écrasés, l’Empire va se retrouver fortifié par
l’afflux d’un grand nombre de mercenaires Huns. Aucun des deux hommes
ne voyant son intérêt dans l’anéantissement des Huns, et le mythe de
l’invincibilité d’Attila ayant volé en éclats, l’alliance de
circonstance entre Romains, Wisigoths et Alains se brise et Thorismond
part pour Toulouse (l’année suivante, les Wisigoths de Thorismond
écrasent leurs anciens frères d’armes, les Alains de Sangiban !).
Attila peut battre en retraite tranquillement ; il passe le Rhin avec
le prestigieux évêque Loup comme otage, pour ne pas être attaqué.
III. Les derniers feux d’Attila (452-453)
Attila ne revient
plus en Gaule, mais ses forces restent suffisamment importantes pour
attaquer l’Italie. Après avoir réorganisé ses forces, il descend la
péninsule italienne en 452, rase Aquilée (une partie de ses habitants
iront se réfugier sur des îlots au Sud, formant l’embryon de la future
Venise), pille Milan, Padoue, Vérone et Pavie. Aetius laisse à leur
sort les villes du Nord et se réfugie à Rome avec l’empereur ; son
projet était de quitter l’Italie avec Valentinien III mais le Sénat s’y
est opposé. L’empereur d’Orient Marcien, successeur de Théodose II,
apporte son aide en attaquant les Huns du Danube, ouvrant en cela un
deuxième front, et en envoyant des auxiliaires en Italie.
L’armée des Huns est
affaiblie par la chaleur, les exhalaisons et moustiques des marais
d’Aquilée, le manque de vivres (famine de 451), la dysenterie. Alors
qu’il marche sur Rome, ville très bien fortifiée, le pape Léon le
Grand, ami d’Aetius, se porte à sa rencontre. Au cours d’une entrevue
dont le contenu est resté secret, le pape parvient à convaincre le chef
hun de se détourner de l’Italie pour retourner en Pannonie.
Le « fléau de Dieu »
décède en 453, le soir de ses noces avec une princesse burgonde, des
suites d’une hémorragie selon Jordanès. La coalition disparaît avec son
chef, ses composantes ne parvenant pas à s’entendre et
s’entre-déchirant. Une partie des Huns se dirige vers l’Est, dans la
région de la Volga. Ils ne représenteront plus de menace sérieuse.
Quant à Aetius, il ne survit qu’un an à son ancien ennemi, l’empereur
Valentinien III, ayant peur pour son trône et jaloux de sa gloire, le
faisant assassiner en 454.
Sources :
CHAUTARD, Sophie. Les grandes batailles de l’Histoire. Studyrama, 2010.
ROUCHE, Michel. Attila, la violence nomade. Fayard, 2009.
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