Le maréchal Henri II de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, fut l'un des plus grands capitaines de son temps.
Malgré quelques erreurs de jeunesse et un coeur moins rude que sa
carcasse, malgré surtout la mise à sac systématique du Palatinat, il
figure parmi les gloires militaires de la France.
Sa bravoure, son aptitude au commandement et son sens de la stratégie
lui valent de recevoir en 1643, à 32 ans, la dignité de Maréchal de
France puis en 1660, celle, très rare, de maréchal général.
Petit-fils par sa mère de Guillaume le Taciturne,
Henri de Turenne a, il est vrai, de qui tenir. Né à Sedan et élevé dans
le protestantisme, il s'initie à la guerre à l'âge de 14 ans.
Il entre au service du roi de France Louis XIII pendant la guerre de Trente Ans et s'empare de Turin le 17 septembre 1640.
En 1644, il reçoit le commandement de l'armée d'Allemagne et par ses
victoires en Allemagne, aux côtés du jeune duc d'Enghien, héros de Rocroi, oblige les ennemis de la France à conclure les traités de Westphalie.
Un soldat vulnérable côté coeur
Mais le soldat gâte ses atouts quand éclate la Fronde contre Mazarin, le Premier ministre du jeune roi Louis XIV.
Dans un premier temps, son frère le duc de Bouillon le convainc de
rejoindre les frondeurs mais ses troupes, soudoyées par Mazarin,
refusent de le suivre. Abandonné, il se réfugie en Hollande en mars
1649.
Le roi lui fait la faveur de l'amnistier mais le jeune Turenne n'en
retourne pas moins du côté des frondeurs et du prince de Condé, ex-duc
d'Enghien. Il va auprès de celui-ci à Stenay, dans les Ardennes. Et
voilà qu'il est rejoint par la soeur du Grand Condé, la duchesse de Longueville. Redoutable séductrice, celle-ci n'a pas de mal à lever les hésitations du naïf soldat.
Du coup, Turenne met son talent au service des Habsbourg, Espagnols
et Impériaux, et retourne ses armes contre le roi de France. Les armées
du roi de France lui infligent toutefois une sévère défaite à Rethel,
dans les Ardennes, le 15 décembre 1650.
Au service du Roi-Soleil
Turenne goûte modérément de devoir céder le pas au jeune prince de
Condé, l'autre grand militaire de l'époque. Pour cette raison et
peut-être aussi par lassitude pour les charmes de Mme de Longueville, il
sollicite et obtient en mai 1651 le pardon du roi Louis XIV.
Dès lors, il combat avec la dernière énergie les frondeurs et Condé
lui-même. En juin 1658, par la bataille des Dunes, il contraint
Dunkerque à la reddition et ouvre la voie à la conquête d'une partie de
la Flandre espagnole. Ayant ainsi pris le dessus sur son cousin
d'Espagne, Louis XIV conclut avec celui-ci la paix des Pyrénées.
Pour Turenne viennent la gloire et les honneurs. En 1668, deux ans
après son veuvage d'avec Charlotte de Caumont, il se convertit au
catholicisme sur les instances de Bossuet. Dans le même temps, il entreprend pour le compte de Louis XIV la guerre de Dévolution.
En 1674, pendant la guerre de Hollande (1672-1678), il occupe
l'Alsace ainsi que le Palatinat, n'hésitant pas à dévaster ce pays
allemand sur ordre de Louvois, en vue d'affamer l'armée des Impériaux et
de la couper de ses bases de ravitaillement. De façon systémarique,
entre le Rhin et le Neckar, des dizaines de villages sont brûlés et
leurs habitants massacrés. Le sac du Palatinat soulève une vague de
réprobation en Europe. Il eut été considéré de nos jours comme crime de
guerre. La réputation du maréchal général ne va toutefois pas en
souffrir.
Pris à revers par les Impériaux de l'archiduc d'Autriche, Turenne
évacue l'Alsace puis, en plein hiver, repart à l'offensive. Les
Impériaux sont écrasés à Turckheim le 5 janvier 1675. L'Alsace est
désormais et pour toujours (ou presque) aux mains des
Français. À Paris, Turenne reçoit un accueil triomphal. Mais il n'aura
pas le loisir de savourer son triomphe...
Mort en héros
Turenne
n'a pas pour habitude de se défiler devant le danger. Il n'est pas pour
autant un surhomme. On lui prête cette injonction adressée à lui-même, à
l'instant de monter au combat : «Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener».
Lors d'un nouvel engagement à Sasbach (ou Salzbach) le 27 juillet
1675, il n'a pas le temps de trembler. À près de 64 ans, il est tué par
un boulet de canon. Le comte Montecuccoli, qui commande les troupes
autrichiennes, se serait alors écrié : «Il est mort aujourd'hui un homme qui faisait honneur à l'homme !».
Ses hommes du régiment «Turenne-Infanterie» auraient tout autant manifesté leur deuil. Madame de Sévigné s’en est fait notamment l’écho : «On
dit que les soldats faisaient des cris qui s’entendaient de deux
lieues, nulle considération ne les pouvait retenir ; ils criaient qu’on
les menât au combat ; qu’ils voulaient venger la mort de leur père, de
leur général, de leur protecteur, et de leur défenseur ; qu’avec lui,
ils ne craignaient rien».
L'émotion est grande aussi dans le pays et Louis XIV accorde à la dépouille du maréchal l'honneur d'être ensevelie à Saint-Denis, avec les rois de France. Elle sera épargnée par les déprédations de la Révolution et Napoléon 1er la transfèrera à l'église Saint-Louis des Invalides, nécropole des gloires militaires de la France.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire