Un moine italien, Jacques de Voragine, entreprit au XIIIe siècle d’instruire ses contemporains en leur racontant la vie de la Sainte Famille et des saints.
J’ai rencontré la Dame de Voragine de notre temps.
Elle s’appelle
Jacqueline Dauxois et sa légende dorée est celle de la Sainte Russie et
d’Anne de Kiev devenue reine de France en épousant le petit-fils
d’Hugues Capet à Reims en 1051. Jacqueline Dauxois nous a déjà donné de
merveilleux portraits, celui de la première d’entre nous, Eve,
chez le même éditeur, les Presses de la Renaissance, où l’on voit Adam
et Eve aux prises avec les petites et les grandes tentations de Satan
dans un paradis qu’ils devront quitter pour cette vallée de larmes.
Puis le portrait de Marie Magdeleine,
la pécheresse de l’Évangile que Jacqueline Dauxois rend lumineuse,
celui d’autres reines plus ou moins bien traitées par la renommée, la Reine de Saba, Nefertiti, Cléopâtre, Messaline.
Deux choses
intéressent principalement Jacqueline Dauxois dans ses biographies : la
vérité psychologique de ses personnages et leurs rapports avec le
Créateur quand ils Le connaissent.
Anne de Kiev est la
descendante de Rurik le Viking, de sainte Olga, du grand Vladimir et de
Yaroslav le Sage, les pères fondateurs de la Russie. Elle est
infiniment belle et blonde, intelligente et vigoureuse, elle étudie,
chasse et danse. Très croyante, enfin, elle veut devenir sainte. Son
père a marié ses soeurs à des rois. Pour sa dernière fille, la plus
aimée, il choisira le roi de France.
Henri Ier
est aussi sombre qu’Anne est lumineuse. Détesté par sa mère, il se
désespère de voir la France de l’an Mille souffrant mille morts de
famine et d’épidémies dues à un dérèglement climatique : la France est
inondée. Plus aucune récolte ne peut germer.
C’est le roi de
Pologne, Casimir le Restaurateur, qui fut moine en l’abbaye de Cluny
avant d’être rappelé sur le trône, qui a l’idée de proposer au roi de
France sa nièce Anne en mariage.
Henri est veuf, âgé,
sans descendant. Les vassaux du royaume rôdent comme des loups autour
du trône. Le plus dangereux est Guillaume le Bâtard, duc de Normandie.
La renommée d’Anne va séduire Henri qui envoie une première ambassade
bien misérable à la cour de Kiev si riche et si heureuse. Une seconde
ambassade sera nécessaire et Anne quittera Kiev, la ville aux quatre
cents églises, pour toujours.
Elle apprendra le
français et sera de France sans cesser d’être de Russie car, nous
rappelle l’auteur, l’amour ne soustrait pas, il additionne et
multiplie. Nous revivrons le mariage et le couronnement d’Anne à Reims
le 19 mai 1051 :
« La ville est
si parée et les cantiques de l’église romaine si beaux qu’Anne ne songe
pas à comparer avec le rituel byzantin. Ce qui l’émeut, ici, comme à
Kiev, c’est que tout a été mis en oeuvre pour donner aux hommes un
avant-goût du Paradis. Portée par l’élan de foi qui semble jaillir des
pierres elles-mêmes, Anne lève les yeux vers l’église flanquée d’une
tour dont la toiture de plomb dorée étincelle au soleil comme une
coulée d’or. Ce toit, qui, cependant, ne leur ressemble pas, évoque les
coupoles dorées et les bulbes de Russie. Comme eux, ce clocher de
France témoigne de la ferveur de bâtisseurs fous de Dieu, qui, partout
dans la chrétienté, cherchent l’expression idéale d’une splendeur tout
entière vouée à la gloire de Dieu. »
Nous suivrons une
reine qui dépense sa peine et ses richesses pour les pauvres et les
malades et qui régnera très vite dans le coeur des Français. Nous la
verrons convertir les hommes les plus durs comme ce Raoul de Valois qui
l’attendra huit ans, brûlant d’amour mais respectueux de la reine
devenue veuve.
Jacqueline Dauxois
est une prodigieuse conteuse. Pour écrire cette histoire il fallait
aimer également la Russie et la France, les orthodoxes et les
catholiques. C’est l’époque du grand schisme entre chrétiens d’Orient
et d’Occident. Il fallait comprendre et aimer ce Moyen Age si violent
et si mystique en France comme en Russie. Il fallait aimer cette Russie
qui était bien sanguinaire avant de s’immerger dans le sacré et
devenir l’un des peuples les plus mystiques de la terre. Il fallait
enfin connaître l’étoffe dont sont faits les hommes et les femmes, si
fragile ou si belle que les peintres ne peuvent que peindre la réalité.
Jacqueline Dauxois sait tout cela. Elle nous entraîne dans sa légende
dorée et nous rappelle avec infiniment de poésie combien nos deux
peuples, les catholiques français et les Russes orthodoxes, ont été
proches, et nous en resterons profondément marqués.
Anne Brassié http://www.france-courtoise.info/
Anne de Kiev, par Jacqueline Dauxois. Presses de la Renaissance. 20 teuros. ISBN 2856168876
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire