Le royaume wisigoth,
en Espagne, était l'un des plus puissants royaumes germaniques établis,
au début du Moyen Âge, sur les ruines de l'empire romain d'Occident. Le
roi Athanagild (554-567) fît de Tolède sa capitale. Ne subsistent de la
Tolède wisigothique que quelques éléments de fortifications, alors que
la ville fut un phare de la vie politique et religieuse, en particulier
grâce aux nombreux conciles qui s'y tinrent. Ces onze conciles
nationaux, entre 589 et 711, convoqués le plus souvent par le roi et
présidés par le métropolitain de Tolède, traitaient aussi bien de
questions politiques que de questions religieuses. Ce qui illustrait la
place prépondérante, dans la vie du royaume, prise par l'Église depuis
la conversion (en 586) au catholicisme du roi Reccared (ses
prédécesseurs étaient ariens). Le roi, censé être élu par l'assemblée
générale des guerriers, l'est en fait par les aristocrates laïcs et
ecclésiastiques, ces derniers apportant au pouvoir royal une caution
déterminante puisque le métier de roi est défini par eux comme un office
sacré.
Les conciles de
Tolède se préoccupent souvent de la communauté juive, soupçonnée de
faire un prosélytisme nuisible à l'unité spirituelle du royaume. D'où
des mesures de coercition dont donnent l'exemple certains des Actes du
quatrième concile de Tolède, tenu en 633 et animé par le célèbre Isidore
de Séville. Ces mesures sont comparables à celles que prend, au même
moment, l'empereur byzantin Héraclius. Sont visés spécialement les «
juifs chrétiens depuis un certain temps et revenus ensuite à leur
premier rite » : en effet malgré le baptême forcé des Juifs ordonné par
le roi Sisebut (612-620), beaucoup de “convertis” sont accusés de
clandestinement « pratiquer les rites du judaïsme, blasphémant le
Christ, mais encore ont l'audace de pratiquer d'abominables
circoncisions ». Le concile ordonne donc « que les transgresseurs de
cette sorte, guéris par l'autorité pontificale soient ramenés au culte
du dogme chrétien », au besoin par la contrainte. De plus les Juifs ne
doivent ni exercer de fonctions publiques ni posséder d'esclaves
chrétiens.
On comprend mieux,
ainsi, l'appui apporté par les Juifs aux envahisseurs lors de l'invasion
de l'Espagne par les musulmans en 711. Ils avaient un compte à régler.
En 711, après la
défaite infligée au roi Rodrigue par le chef des envahisseurs musulmans,
Tariq ibn Ziyad, Tolède tombe entre les mains de ceux-ci, qui prennent
le contrôle de l'Espagne, hormis les bastions de résistance wisigothique
établis dans les montagnes du nord de la péninsule ibérique.
Si le long effort
(huit siècles !) de la Reconquista commence dès 722 par la symbolique
victoire de Covadonga, la longue marche est rythmée par une alternance
de succès et de revers. Cependant s'impose l'idée qu'il faut
reconstituer le royaume wisigothique, sous la houlette des rois appuyés
sur
leur bastion des Asturies et avec l'aide de saint Jacques (Santiago Matamoros, c'est-à-dire « le tueur de Maures »).
La victoire de
Polvoraria remportée par le roi Alphonse III (877), la fondation de
Burgos par le comte de Castille (884), l'édification des forteresses de
Zamora, Toro, Simancas (893) sont autant de jalons dans la progression
des forces chrétiennes et permettent le repeuplement européen des terres
reconquises. Des épisodes comme la prise de Clunia (1007) par Abd
al-Malik, qui fait massacrer la garnison qui s'est rendue, ne font que
renforcer la détermination des Espagnols.
À la fin du XIe siècle, tandis
que se renforcent le comté de Barcelone et le jeune royaume d'Aragon,
l'initiative de l'offensive appartient à la Castille dont le roi
Alphonse VI vient mettre le siège devant Tolède à l'été 1081. La ville
tombe le 6 mai 1085. Les habitants musulmans peuvent partir en emportant
leurs biens. Tolède sera la capitale du royaume de Castille, puis
d'Espagne, jusqu'en 1561.
Alphonse VI y a fait
élever une forteresse, l'AIcazar, dont le premier gouverneur fut le Cid
Campeador et qui est devenue au XXe siècle un puissant symbole grâce à
l'héroïque résistance des Cadets face aux Rouges en 1936 (voir Henri
Massis et Robert Brasillach, Les Cadets de l'AIcazar, Plon, 1936).
Pierre VIAL. Rivarol du 20 mai 2011
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