Le
11 mai, entraînées par le maréchal de Saxe, les armées de Louis XV
affrontent les troupes anglaises. Retour sur la bataille de Fontenoy.
Cette année-là, la
trentième de son règne, Louis XV, trente-cinq ans, se trouvait engagé,
malgré lui, dans la guerre de Succession d'Autriche. Il n'avait pas pu
s'opposer à un vaste courant d'opinion, mené notamment par Voltaire et
le comte de Belle-Isle, tout fraîchement nommé maréchal (un petit-fils
du surintendant Fouquet…) en faveur du tout nouveau roi de Prusse,
Frédéric II.
Le roi de France,
tout comme son sage ministre le cardinal de Fleury, se méfiait de cette
“Lumière” dont les ambitions démesurées pouvaient détruire l'équilibre
européen. Or l'opinion publique, routinière, continuait de haïr la
Maison d'Autriche, incarnée par Marie-Thérèse de Habsbourg, laquelle à
la mort de son père l'empereur Charles VI (1740), devait recueillir la
couronne impériale non pour elle-même, mais pour son mari François de
Lorraine (petit-neveu par sa mère de Louis XIV).
L'erreur de la
diplomatie française avait donc été de soutenir Frédéric II arrachant à
la hussarde la Silésie à Marie-Thérèse, et de contribuer à porter sur le
trône impérial Charles-Albert, électeur de Bavière. Cette guerre nous
détournait en fait de la lutte contre notre principal ennemi,
l'Angleterre, en train de peaufiner son hégémonie maritime.
Belle-Isle avait
remporté d'abord des succès, entrant même dans Vienne, mais
Marie-Thérèse s'était défendue bec et ongles et bientôt notre “ami”
Frédéric nous avait trahi pour négocier avec elle… Puis l'Angleterre
s'en était mêlée, si bien qu'en 1743, alors que Fleury mourait de
chagrin, nos armées avaient repassé le Rhin et nos frontières mêmes
étaient menacées.
Alors, la raison
avait repris ses droits. Le jeune maréchal de camp Louis de Noailles
avait fait admettre par tous que le plus urgent était de briser la
coalition anglo-autrichienne qui nous menaçait, en attaquant les Anglais
là où ils n'étaient pas chez eux : dans les Flandres. Dès 1744, Louis
XV s'était porté sur le terrain à la tête d'une forte armée. Tombé
malade à Metz, sa guérison soudaine après une belle confession avait
impressionné la France entière dont le loyalisme avait été renforcé.
Or, en ce début
d'année 1745, mourut Charles-Albert, l'empereur intrus. Le moment était
venu de s'arranger avec Marie-Thérèse, mais il fallait d'abord chasser
l'Angleterre du continent. Alors le maréchal Maurice de Saxe, prince
allemand adultérin mettant son honneur à servir la France, marcha sur
Tournay qu'il investit aisément.
Rejoint bientôt par
Louis XV et le dauphin Louis, seize ans, tout récemment marié à
Marie-Thérèse, infante d'Espagne, Saxe, bien que souffrant d'une
affreuse crise d'hydropisie, sut habilement attirer les Anglais dans la
plaine de Fontenoy, près de l'Escaut. La rencontre eut lieu le mardi 11
mai de bon matin.
On connaît le célèbre dialogue : « Messieurs des gardes françaises, tirez les premiers. » « Non, messieurs, à vous l'honneur. » C'était encore la guerre des gentilshommes… La guerre aussi, semble-t-il, en chansons (« Je n'avons qu'à chanter Louis »…) où s'illustra, dit-on, le sergent La Tulipe, resté notre célèbre Fanfan…
La bataille fut
pourtant sérieuse. Pour réussir à disloquer la colonne anglo-hanovrienne
du duc de Cumberland s'avançant vers l'Escaut, il fallut d'héroïques
efforts au maréchal de Saxe traîné sur son cheval alors qu'il ne pouvait
même plus porter sa cuirasse. Le sang-froid de Louis XV et de son fils
refusant de se retirer derrière le fleuve renforça sans cesse le courage
des soldats. À deux heures de l'après-midi, la victoire était acquise.
Le soir le roi vint se recueillir devant les milliers de morts, et dit au dauphin ces paroles profondément royales : « Mon
fils, voyez ce que coûte un triomphe. Le sang de nos ennemis est
toujours le sang des hommes. La vraie gloire c'est de l'épargner. »
(Un demi-siècle plus tard, la Révolution ignorerait ces scrupules…) Les
Anglais déguerpirent, et bientôt toute la Belgique fut à nous. Cependant
nous avions encore à nous battre en Italie contre les Autrichiens, et
au Canada contre les Anglais, tandis que le perfide Frédéric négociait
déjà avec Marie-Thérèse, enfin impératrice, pour garder la Silésie. Tout
le monde était à bout de souffle et il fallut signer à Aix-la-Chapelle
le 18 octobre 1748 une paix aussi stupide que l'avait été la guerre et
par laquelle nous perdions tout ce que nous avions gagné, le seul à
tirer son épingle de ce jeu vicié étant Frédéric II. C'est de ce jour
qu'est venu l'expression Travailler pour le roi de Prusse...
Heureusement, neuf
ans après Fontenoy, le dauphin, veuf de l'infante d'Espagne, eut de sa
seconde épouse Marie-Josèphe de Saxe, un deuxième fils, Louis-Auguste,
qui allait être un jour Louis XVI, et l'année suivante Marie-Thérèse
accouchait de son quinzième enfant, Marie-Antoinette. Le renversement
des alliances scellerait leurs destins…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 18 au 31 décembre 2008
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