Les éditions du Dragon vert viennent d’éditer en français le célèbre autant qu’introuvable ouvrage révisionniste d’Arthur Ponsonby Mensonges et rumeurs en temps de guerre(1) traduit, préfacé et annoté par Jean Plantin.
Un document indispensable à qui s’intéresse à la genèse des mensonges historiques et qui échappe aux foudres de la police de la pensée dans la mesure où il limite son propos à la première guerre mondiale et aux bobards qui circulaient alors, comme le gazage de sept cent mille Serbes par les Bulgares sous prétexte d’épouillage, la transformation de la graisse humaine en savon, les viols en série, l’arrachage des coeurs à mains nues et toutes autres atrocités nées dans les cerveaux détraqués des fabricants de propagande. Il est vrai que cela se passe entre 1914 et 1918, époque de jobardise, inconcevable de nos jours, où des inventions aussi invraisemblables ne feraient que soulever l’incrédulité des citoyens surinformés que nous sommes.
Mais, en ces années d’obscurantisme, ni télé ni radio n’étant là pour lutter contre la désinformation et la propagande, les esprits les plus forts y sont sensibles.
Ces bobards, Ponsonby les a répertoriés, inventoriés et vérifiés. Ainsi “l’affaire de Ramsgate”.
Un certain Gordon Atto témoigna dans une lettre que sa femme, infirmière à l’hôpital de Ramsgate, avait soigné des femmes et des enfants belges victimes d’atrocités (seins coupés, mains tranchées). Une enquêtrice décida de vérifier ces faits et s’informa auprès de l’hôpital où elle apprit tout simplement que jamais aucune victime d’atrocité n’avait été soignée à Ramsgate.
Ainsi encore “l’affaire du bébé de Korbeek-Lo”. Le capitaine Wilson était correspondant de guerre pour le Daily Mail qui, confessa-t-il des années plus tard, “voulait des atrocités à ce moment là“.
Wilson, ayant appris le passage des troupes allemandes dans la localité de Korbeek-Lo, se dit qu’il devait bien y avoir dans cette commune un bébé. Il imagina donc l’histoire d’un bambin arraché de justesse aux Huns à la lueur des fermes en flamme. Le succès dépassa ses plus folles espérances : cinq mille lettres arrivèrent au Daily Mail de lecteurs qui posaient leur candidature pour adopter l’orphelin miraculé. La reine Alexandra elle-même s’enquit du bébé et, de partout, parvinrent des vêtements pour bébé. Le Daily Mail était enchanté.
Wilson, moins.
Dix ans plus tard, il avoua à un quotidien américain : “Je ne pouvais pas leur télégraphier en retour qu’il n’existait pas de bébé. C’est pourquoi je m’arrangeai avec le médecin qui prenait soin des réfugiés pour dire que le fichu bébé était mort de quelque maladie si contagieuse qu’il n’avait même pas pu avoir d’enterrement public“.
Les vêtements expédiés par les lecteurs ne furent pas perdus. On équipa une pouponnière.
Plus amusante, cette série de titres relevée dans les quotidiens de novembre 1914 avec retour à l’envoyeur :
- la Kölnischer Zeitung ayant annoncé qu’à l’occasion de la chute d’Anvers les autorités avaient fait sonner les cloches en Allemagne, Le Matin écrivit : “Selon la Kölnischer Zeitung, le clergé d’Anvers a été contraint de sonner les cloches lorsque la forteresse a été prise“ ;
- à Londres, le Times reprit l’information : “Selon des informations que Le Matin tient de Cologne, les prêtres belges qui ont refusé de sonner les cloches à la prise d’Anvers ont été écartés de leurs fonctions“ ;
- le Corriere della Sera italien enjoliva la chose : “Selon le Times citant des informations de Cologne, via Paris, les malheureux prêtres belges qui ont refusé de sonner les cloches à la prise d’Anvers ont été condamnés aux travaux forcés“ ;
- et Le Matin, enchanté de voir son information confirmée, y revint : “Selon une information du Corriere della Sera, via Cologne et Londres, il se confirme que les barbares conquérants d’Anvers ont puni les malheureux prêtres belges de leur refus héroïque de sonner les cloches en les pendant à celles-ci la tête en bas comme des battants vivants“.
Gag ultime rapporté par Plantin : Ponsonby avait relevé cette série de bobards dans la Norddeustche Allgemeine Zeitung du 4 juillet 1915. Un an plus tard, la Norddeustche Allgemeine Zeitung republia la même histoire en invoquant l’autorité de Ponsonby…
notes :
(1) CHC, 45/3 route de Vourles, 69230 St-Genis-Laval.
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