mardi 29 juin 2010
La trahison des clercs ou l’Europe trahie par ses « élites ».
« Aristote au mont Saint-Michel : Les racines grecques de l'Europe chrétienne » de Sylvain Gouguenheim
L’ouvrage de Sylvain Gouguenheim, divisé en cinq chapitres, aborde dans l’introduction la question de la situation respective de l’Orient et de l’Occident. Il fait le point sur la survivance de la Grèce dans le vaste empire romain, devenu chrétien byzantin, où les Chrétiens s’étaient divisés en plusieurs Eglises, Nestoriens en Perse de langue syriaque, Jacobites en Syrie de langue syriaque, Melkites en Egypte et Syrie de langue grecque, Coptes en Egypte de langue issue de l’ancien parler pharaonique. Quant au monde oriental, l’hellénisme prit sa source dans l’Antiquité tardive, les auteurs néoplatoniciens plutôt que par la redécouverte du classicisme athénien. Ensuite sont passées en revue les deux opinions courantes, admises de nos jours bien que contradictoires :
- 1° procédant d’une confusion entre les notions d’« arabe » et de « musulman », la dette grecque de l’Europe envers le monde arabo-musulman aurait repris le savoir grec et, le transmettant à l’Occident, aurait provoqué le réveil culturel de l’Europe ;
- 2° procédant toujours de la même confusion, les Musulmans de l’époque abbasside (l’«Islam des lumières »), dans leur fébrilité pour la recherche, auraient découvert l’ensemble de la pensée grecque qu’ils auraient traduite en arabe, avant de la transmettre à l’Europe par le truchement de l’Espagne par eux occupée puis libérée. Parallèlement, la Chrétienté médiévale serait demeurée en retard, plongée dans un âge d’obscurantisme.
Byzance, réservoir du savoir grec
Or Byzance, la grande oubliée des historiens de l’héritage européen, fut le réservoir du savoir grec, qu’elle diffusa dans toutes ses possessions italiennes comme à Rome où la connaissance de la langue grecque n’avait jamais disparu.
Dans un premier chapitre, l’auteur étudie la permanence de la culture grecque, relayée à ses débuts par le Christianisme d’expression grecque (Evangiles et premiers textes). En outre, dès le Ve siècle, Byzance connut une grande vague de traductions du grec en syriaque, opérées par les Chrétiens orientaux, faisant coexister la foi au Christ et la paideia antique, véhiculée ensuite par des auteurs tels que Martianus Capella et Macrobe, comme l’a fort bien démontré A. Vernet, par les traductions et commentaires de Platon, composés par Calcidius (cosmologie) dès les années 400, et d’Aristote, composés par Boèce (logique et musique). La pensée grecque est aussi présente chez les Pères, chez les prélats d’Italie du sud, grands intellectuels, importée aussi par les Grecs syriaques chassés d’Orient par l’iconoclasme byzantin et par la conquête arabe, pour ne parler que des manuscrits apportés d’Orient en Sicile (Strabon, Don Cassius…), comme le démontrent les travaux de J. Irigoin : autant de régions de peuplement et de culture grecque, noyaux de diffusion à travers toute l’Europe.
• La conquête musulmane de la Sicile (827) porta un coup dur à ce mouvement : monastères et bibliothèques incendiés ou détruits, habitants déportés en esclavage, dont les rescapés vont en Campanie ou dans le Latium pour y fonder des abbayes (Grotta Ferrata). Les reconquêtes byzantines puis normandes restaureront la tradition hellénique.
• A Rome, qui avait connu une forte immigration de Grecs et de Levantins fuyant les persécutions perses et arabes, tous les papes, entre 685 et 752, seront grecs ou syriaques, et fonderont des monastères grecs. Pendant des siècles des artistes byzantins (fondeurs de bronze, mosaïstes) viennent en Italie, appelés par de grands prélats, pour orner cathédrales et abbatiales. En Germanie, la cour de l’empereur Otton II, époux de Théophano, ouvre une période de renaissance de la langue et de la culture grecques. Puis son fils Otton III attirera beaucoup de Grecs venus d’Italie du sud, qui occuperont des sièges importants dans l’Empire et l’Eglise (dont l’un des plus célèbres est Rathier de Vérone), y apportant souvent des textes de mathématique et d’astronomie : parmi eux Siméon l’Achéen, militaire byzantin, qui combattit aux côtés de Guillaume le Libérateur à La Garde-Freinet, libérant ainsi définitivement la Provence de l’invasion musulmane. Les élites du Maghreb, juifs et chrétiens, s’enfuient et se réfugient en Espagne.
• En France , les contacts entre Francs et Byzantins s’intensifient avec Pépin le Bref. Les Carolingiens reçoivent des manuscrits d’Aristote et de Denys l’Aréopagite. Leur entourage compte nombre d’hellénistes. Charlemagne lui-même comprenait le grec. Sous Louis le Pieux deux ambassades byzantines (824 et 827) apportent le corpus du Pseudo-Denys, que traduisit l’abbé de Saint-Denis, Hilduin, même si cette traduction passe pour avoir été fort médiocre ; traduction que l’empereur Charles le Chauve devra charger le savant helléniste Jean Scot Erigène, auteur lui-même de poèmes en grec, de réélaborer
Les centres de diffusion de la culture grecque en Europe
L’exposé sur les centres de diffusion de la culture grecque en Europe dans les siècles postérieurs est trop long et répétitif : les princes normands de Sicile encouragèrent le monachisme grec, et l’on pourrait ajouter que leur chancellerie expédiait leurs actes en quatre langues, grec, latin, arabe, normand. A Rome, le haut clergé parle grec. Le Latran, riche d’une immense bibliothèque, diffuse partout des œuvres grecques. Anastase le bibliothécaire, helléniste réputé, fut ambassadeur à Byzance. De Rome, la langue et la culture grecques se diffusèrent dans les pays anglo-saxons : Bède le Vénérable (+ 735) lisait le grec ; Aldhelm de Canterbury (+709), d’une très haute culture classique, enseigna la langue grecque à saint Boniface. Quant à l’Irlande, grand foyer d’hellénisme, outre Jean Scot, ses savants diffusèrent leur savoir dans toute l’Europe du nord, jusqu’à Milan. Pour l’Espagne, la Catalogne surtout offre des textes d’Aristote et des néoplatoniciens, dans les manuscrits desquels on peut remarquer des alphabets et des essais de plume en grec : ajoutons que le même phénomème s’observe aussi dans nombre de manuscrits conservés en France.
L’auteur accorde un grand chapitre à la médecine, domaine dans lequel le rôle joué par les savants musulmans a été particulièrement exalté. Raymond Le Coz, dans son ouvrage Les chrétiens dans la médecine arabe (Paris, L’Harmattan, 2006) a fait justice de cette opinion. Il souligne lui aussi le rôle primordial des chrétiens du Proche-Orient : Nestoriens, Jacobites, Melkites, Coptes, qui traduisirent les textes grecs bien avant l’arrivée de l’Islam. R. Le Coz insiste sur l’héritage byzantin qui imposa les ouvrages de Galien, la place éminente de l’Ecole d’Alexandrie dont l’une des plus grandes figures est Oribase, auteur d’une encyclopédie en soixante-dix livres, rapportant en outre de nombreux textes de ses prédécesseurs. Cette école, brillant encore avec Ammonius (VI° s.) puis Jean Philipon, fut remplacée au VIIIe siècle par celle de Bagdad où Nestoriens et Jacobites transmettront, par leurs traductions en langue arabe, aux musulmans leurs connaissance du savoir grec. Les Nestoriens seront d’ailleurs les médecins des califes de Bagdad et donneront naissance à la figure du « philosophe médecin, souvent astronome, astrologue ou alchimiste, si caractéristique de tout le moyen-âge, arabe et occidental ». Chez les Latins, dès le VIe siècle et grâce à Cassiodore, on connait les travaux de Soranos, médecin grec d’Ephèse (II° s.), Hippocrate, Galien, Dioscoride et Oribase. Puis ces textes circulent dans les abbayes d’Italie du nord et du sud, où la pratique du grec ne cessa jamais : Salerne, le Mont-Cassin, de si brillante réputation que de hauts personnages du nord de l’Europe viennent s’y faire soigner, avec les œuvres de Garipontus et Petrocellus. Quant au célèbre Constantin l’Africain (+1087), sa biographie nous informe qu’il apprit la médecine à Kairouan ou au Caire : on ne peut donc savoir quelles ont été ses sources, bien que, selon Pierre Diacre, il aurait été aussi formé aux disciplines grecques d’Ethiopie : il traduisait directement du grec ou de l’arabe en latin.
Le XIIe siècle, renouveau des études à partir de sources antiques
S’attardant sur la Renaissance carolingienne, l’Académie du Palais de Charlemagne, sur Richer de Reims qui aurait enseigné la médecine grecque, Gouguenheim, suivant un plan chronologique un peu confus, dresse un tableau de la Renaissance du XII° siècle, où le renouveau des études puise à la source de la culture antique : traductions d’œuvres scientifiques d’optique, de mécanique dans toute l’Europe, impulsées par l’Ordre de Cluny et son abbé Pierre le Vénérable. Mais pour tous ces savants, peut-on affirmer qu’ils ont tous travaillé sur des traductions directes et que leurs connaissances sont en totalité indépendantes des travaux arabo-musulmans ?
La circulation directe des textes de Byzance en Italie, vers la France et l’Empire mériterait, pour ces époques, d’être mieux connue, mieux étudiée. Quoiqu’il en soit, grâce à la réforme grégorienne, au renouveau du droit, de la philosophie politique, de la pratique rénovée de la dialectique, partout en Europe et en toutes matières, on constate un regain de l’influence et de l’imitation de l’Antique, la pratique et la découverte de textes grecs et latins. L’abbé Suger de Saint-Denis ne faisait-il pas l’admiration de ses moines grecs parcequ’il récitait de mémoire plus de trente vers d’Horace ? On découvre le livre II de la Logique d’Aristote, l’harmonie du monde de Platon à travers l’étude de la nature (Guillaume de Conches, Hugues de Saint-Victor), des œuvres de Cicéron. La mythologie païenne sert de support à la méthode allégorique d’exégèse de l’Ecriture. L’activité de traduction s’intensifie à Tolède, Palerme, Rome, Pise, Venise, en Rhénanie, à Reims, Cluny, au Bec-Hellouin, au Mont-Saint-Michel. Les Antiques sont les géants de Bernard de Chartres. Tous ces faits sont bien connus et ils témoignent d’une ouverture extraordinaire au savoir antique grec et latin, mais ils ne constituent pas une preuve exclusive d’un transfert directe de cette culture d’orient en occident.
Dans un deuxième chapitre, l’auteur revient, de façon quelque peu redondante, sur la diffusion du savoir grec par Byzance et la chrétienté d’orient, du VIe au XIIe siècle, rappelant les voies et les hommes qui ont permis la continuité avec le monde occidental depuis l’époque classite que. Le chapitre III est la justification du titre de l’ouvrage : l’Europe a recherché elle-même, et non reçu passivement l’héritage antique, grâce aux moines de ses grandes abbayes qui en firent des traductions directes. L’auteur donne une place centrale à l’abbaye du Mont-Saint-Michel où Jacques de Venise, arrivé au début du XIIe siècle, traduisit du grec en latin de nombreux textes d’Aristote, bien avant les traductions faites à Tolède à partir de textes en arabe. Une antériorité sur laquelle on aurait aimé que l’auteur insistât davantage. Le séjour de Jacques de Venise au Mont-Saint-Michel est contesté par certains historiens. Robert de Torigny, abbé en 1154, témoignera seulement de lui comme traducteur et commentateur vers 1125, mais la présence de ses traductions dans des manuscrits de la bibliothèque d’Avranches n’est sans doute pas due au hasard. La question, au reste, est de peu d’importance : son œuvre demeure et fut largement diffusée, à Chartres, Paris, en Angleterre, à Bologne et à Rome. Jean de Salisbury, dans le Metalogicon, utilise pour la première fois tous les écrits de l’Organon, peut-être dans la traduction de Jean de Venise.
Arabité et islamisme
Le chapitre IV est consacré à la nature de la réception des textes grecs par les arabes musulmans. L’opinion commune leur attribue une appropriation totale du savoir grec. Or l’auteur met de nouveau en garde, comme le fait R. Le Coz pour la médecine, contre la confusion entre arabité et islamisme. Le « monde musulman », alors dominant, comportait beaucoup de savants chrétiens, juifs, sabéens, parmi lesquels nombreux étaient des Arabes, arabisés, Persans convertis. Or auparavant les Arabes furent mis en contact dès l’époque ummayyade avec le monde grec et lui furent hostiles. Une grande partie de l’élite byzantine prit la fuite. S’il n’est pas démontré que le calife Umar II a lui-même ordonné l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, du moins est-ce bien lui qui mit un terme à l’enseignement des sciences dans cette ville, « décision tout à fait conforme à ce que l’on connait du personnage » (R. Le Coz). La destruction de centres de culture aussi célèbres que le Mont Athos, Vatopédi, les raids incessants lancés par les califes en Sicile, au Mont-Cassin, à Rome et jusqu’au nord de la Gaule, aux VIII et IXe siècles, suffisent, dit l’auteur, à « démontrer le peu de goût des peuples musulmans pour la civilisation greco-latine ». Quant à la tradition de la « Maison de Sagesse », qui aurait regroupé des savants de toutes confessions et toutes disciplines, elle repose sur un texte beaucoup plus tardif rapportant la vision d’Aristote qu’aurait eue en songe le calife Al-Mamun, dont la bibliothèque ne fut ouverte, selon le témoignage d’un Musulman, qu’aux spécialistes du coran et de l’astronomie. L’auteur insiste sur les difficultés d’une traduction du grec en arabe : pour la langue, la pensée, dont les musulmans font passer les mots au filtre du coran, le raisonnement, au service exclusif de la foi. Quant à la médecine, R. Le Coz a démontré (dans Les médecins nestoriens. Les maîtres des Arabes, Paris, L’Harmattan, 2003) que l’Islam n’a rien apporté. En philosophie, la logique aristotélicienne, passée au tamis du néoplatonisme, ne fut appliquée, par le mouvement de la Falsafa, que pour une exégèse rationnelle du Coran.
Averroès, islamiste pur et dur
Le parti le plus orthodoxe de l’Islam prit, à partir du IXe siècle, un aspect guerrier, contre la Trinité des chrétiens et le Dieu vengeur des Juifs. Son meilleur représentant est Averroès, médecin et juriste, qui prêcha à Cordoue le djihad contre les chrétiens : pour lui, l’étude de la Falsafa doit obéir aux principes de la chari’a (loi religieuse). De plus, la philosophie doit être interdite aux hommes du commun. Averroès, élitiste, ne fut ni athée ni tolérant. Pour ce qui est de la science politique, jamais l’Islam n’eut recours au système juridique greco-romain. La « Politique » d’Aristote ne fut jamais traduite en arabe : elle leur fut totalement étrangère. L’Islam n’a retenu des Grecs que ce qui leur était utile et ne contrevenait aux lois du Coran : sciences naturelles et médecine, tandis que la théologie chrétienne fut peu à peu pénétrée par la philosophie qui l’amena à évoluer.
Deux civilisations, deux cultures
Au dernier chapitre, l’auteur soulève la question de l’ouverture de l’Islam aux autres civilisations. Sauf quelques rares exceptions, ce ne fut, pendant tout le moyen-âge, qu’un long face à face de deux mondes radicalement différents, le plus souvent opposés. Comme nous le rappelle R. Le Coz, les Arabes conquérants ont toujours dédaigné apprendre la langue des pays conquis, puisque leur propre langue était celle de Dieu lui-même, celle de la Révélation. Evoquant la scission en Méditerranée, opérée par l’Islam, entre l’Occident et Byzance, et l’orientation consécutive de l’Europe vers le nord, l’auteur aurait pu invoquer aussi l’origine ethnique des Francs, qui marqua fortement les changements culturels. Pour une étude comparative dans le domaine de la transmission de l’une et l’autre culture, il est évident que l’Islam n’est pas un espace défini, que ces peuples auraient occupé pour s’y fondre, mais une culture fondamentalement religieuse, constituée par conquêtes successives, dans laquelle la politique et le droit (fiqh) dépendent strictement de la religion. En outre, les longs siècles de conflits violents étaient peu compatibles avec des échanges scientifiques. Il est tout aussi indéniable que le Christianisme est né et plonge ses racines dans un univers grec. L’usage de la liturgie grecque à Saint-Jean du Latran comme dans les grandes abbayes de Germanie et de France, de toute antiquité et pas seulement à partir du XIIe siècle, en est une preuve irréfutable. Deux civilisations fondées sur des religions contradictoires à vocation universelle ne pouvaient s’interpénétrer, à moins que l’une s’impose à l’autre, comme ce fut le cas pour l’Egypte et le Maghreb. C’est pourquoi, conclue l’auteur, une culture, stricto sensu, peut à la rigueur se transmettre, non une civilisation.
En conclusion
Sylvain Gougenheim rappelle que la quasi-totalité du savoir grec avait été traduite tout d’abord en syriaque, puis du syriaque en arabe par les Chrétiens orientaux, ce que confirme R. Le Coz dans le domaine médical : « comment les Arabes ont-ils pu connaître et assimiler cette science qui leur était étrangère…il a fallu des intermédiaires pour traduire les textes de l’Antiquité et initier les nouveaux venus à des techniques dont ils ignoraient tout. Les intermédiaires nécessaires ont été les chrétiens, héritiers de Byzance, qui vivaient dans le monde soumis à l’Islam et qui avaient été arabisés ». Quant aux occidentaux, outre leur propre tradition de savoir grec, ils bénéficièrent aussi de l’apport de ces chrétiens grecs et syriaques chassés d’orient, de l’Ecole d’Alexandrie, comme le confirment les études de J. Irigoin. Toutes ces données, solidement étayées, autorisent l’auteur à inscrire les racines culturelles de l’Europe dans le savoir grec, le droit romain et la Bible.
L’annexe 1, qui fait, semble-t-il, couler beaucoup d’encre, est consacré au livre de l’orientaliste Sigrid Hunke, « Le Soleil d’Allah », polémique s’il en est, qui occupe, comme celui de M. Detienne, peu de place dans le débat dans la mesure où cet écrit, faisant écho à une idéologie aujourd’hui en vogue, n’est mû que par des arguments passionnels, voire racistes : il est donc sans intérêt.
L’héritage grec a été transmis à l’Europe par voie directe
L’ouvrage de Sylvain Gouguenheim, comme son titre l’indique, s’attache à démontrer que l’héritage grec a été transmis à l’Europe par voie directe, indépendante de la filière arabo-musulmane, tout en reconnaissant à la science musulmane la place qui lui est historiquement et chronologiquement due. Le livre est, avouons-le redondant, prolixe, parfois touffu. Partant de l’opinion commune, la démonstration se perd dans des excursus et des retours en arrière trop longs, des synthèses aussitôt reprises dans le détail, dans lesquels le lecteur a parfois du mal à retrouver le fil conducteur. L’auteur a voulu, de toute évidence, étant donnée la sensibilité du sujet, apporter le maximum de preuves à des faits qui, pour la plupart, sont irréfutables. L’ouvrage présente, il est vrai, un foisonnement cotoyant parfois la confusion. Certaines argumentations en revanche auraient mérité un plus grand développement, par exemple sur la science biblique, les Pères grecs et latins, l’Ecole d’Alexandrie. Cette étude a donc suscité de violentes polémiques, largement relayées par l’historien philosophe allemand Kurt Flasch, signataire d’une pétition la condamnant, mais reconnaissant aussitôt que « depuis 1950 la recherche a établi de façon irréfutable la continuité des traditions platonicienne et aristotélicienne. Augustin était un fin connaisseur du néoplatonisme qu’il ne distinguait pas du platonisme. Donc, le socle grec de la culture européenne et occidentale est incontestable ». Alors, où est le problème, et pourquoi cette polémique ? Elle repose, nous l’avons dit, sur plusieurs malentendus : la confusion entre « arabe » et « musulman », la notion de « racines », qui renvoie essentiellement aux hautes époques, l’absence de distinction nette entre la connaissance d’Aristote et celle de l’ensemble du savoir grec. Les musulmans abbassides promurent en leur temps et à leur tour la tradition grecque dans certaines disciplines, essentiellement scientifiques. Nulle part l’auteur ne nie que l’Islam ait conservé et fait progresser ces disciplines, cependant toujours passées au filtre du Coran, dont l’Occident a ensuite bénéficié. Cet ouvrage est un travail de grande synthèse, on ne peut lui demander d’être, dans tous les domaines, à la fine pointe de la bibliographie, laquelle est d’ailleurs sélective. Il présente, quant à la forme, quelques irrespects concernant les règles éditoriales, fautes vénielles dont nul ne peut prétendre être exempt. Quant au fond, les preuves apportées sont nécessaires et suffisantes. Celle que l’on pourrait y ajouter est fournie par la longue fréquentation des manuscrits médiévaux, et mieux encore, le fichier du contenu des bibliothèques médiévales d’occident, élaboré par A. Vernet tout au long de sa carrière et aujourd’hui déposé à l’Institut de Recherche et d’Histoire des textes : on peut y constater qu’en effet la culture européenne ne doit pas grand’chose à l’Islam.
Il faut reconnaître à Sylvain Gouguenheim le mérite d’être allé à contre-courant de la position officielle contemporaine, d’avoir fourni aux chercheurs un gros dossier qui décape les idées reçues : une étude vaste, précise et argumentée, qui fait preuve en outre d’un remarquable courage.
Françoise Houël Gasparri
Chartiste, médieviste
Auteur de nombreux ouvrages, dont notamment :
Crimes et Chatiments en Provence au temps du Roi René , Procédure criminelle au XVe siècle, Paris, éditions Le Léopard d’or, 1989 ; Un crime en Provence au XVe siècle, Paris, Albin Michel, 1991
Correspondance Polémia – 28/06/2010
Les intertitres sont de la rédaction.
Voir : « Le retour à l’identité »
Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne. Paris, Le Seuil (l’Univers historique), 2008, 285 pages.
dimanche 27 juin 2010
De Gaulle : mythe et Imposture
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2 preuves de l’existence d’une civilisation il y a 40.000 ans
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Reconquista
La Révolution : le mythe fondateur de la France
En cette période de vacances, où l’activité politique est plutôt ralentie, et où l’actualité parle en boucle de la grippe A et de l’accident cardiaque de Sarkozy, il nous a semblé intéressant de faire une petite incursion du côté de l’Histoire. Cette science permet en effet de comprendre le fonctionnement du monde contemporain et, en nous immergeant dans le passé, de mieux connaître nos racines.
Il nous restait le plus difficile : trouver au travers de plusieurs siècles d’Histoire de notre pays et de notre civilisation, le thème qui allait susciter l’intérêt du vacancier.
Parce que nous sommes un mouvement politique, et que nous souhaitons rétablir certaines vérités, le thème de la Révolution Française semblait tout indiqué.
Pensez donc ! Le mythe par excellence de l’Histoire de France, la matrice de tous les mouvements révolutionnaires à travers la planète depuis deux siècles et, ce que l’on dit moins, le modèle de tous les totalitarismes. Un tel sujet, qui a bouleversé l’Histoire de France et de l’Europe toute entière ne peut que fasciner les lecteurs avides de vérité historique. Reconnaissons en effet que dans ce domaine, comme dans tant d’autres, la propagande est à l’œuvre. Bien sûr, prendre la défense de Robespierre de nos jours semble un peu passé : la tragédie qui a frappé la Famille de France émeut nos concitoyens et, la mort de Louis XVI ne serait probablement plus votée aujourd’hui. Reste que le souvenir des Grands Ancêtres est partout présent, qu’il imprègne nos vies, nos références, et qu’en interrogeant le bon Bitru, vous vous apercevez vite qu’il déplore les excès commis par la Révolution, mais que ces excès étaient inévitables et que « sans Elle nous serions encore au Moyen-Âge », peuple de serfs sans droit et aux mains d’une caste arrogante et imbue d’elle-même (cette image ne vous évoque-t-elle pas notre Sarkozysme plus que la noblesse d’Ancien Régime ?).
La Révolution est donc l’alpha et l’oméga de l’Histoire de France, car comme chacun le sait la France est née en 1789, où comme le rappelait Jack Lang lors des cérémonies du bicentenaire « un peuple est sorti des ténèbres pour entrer dans la lumière. ». Nous acceptons d’autant mieux ce dogme qu’il nous est ressassé depuis les classes du Primaire jusqu’à l’Université. La Révolution est bien la page la plus glorieuse de l’Histoire de France. En doutez -vous que vous êtes pris pour un fou, si vous êtes un Français ordinaire, ou pour un dangereux réactionnaire crypto-fasciste si vous êtes un historien (voir à ce sujet le sort réservé à Reynald Seycher). Pourtant, si l’on se penche un peu sur cette « glorieuse période », il y aurait de quoi frémir, jugez plutôt.
L’instauration d’un régime terroriste :
« La Révolution est un bloc » disait Clémenceau, assertion battue en brèche par la plupart des historiens, pourtant l’ancien Président du Conseil avait raison sur un point, la Révolution est dès l’origine une entreprise terroriste. Pour simplifier, 1793 et la Terreur sont en germe dès 1789.
Politiquement, la Révolution est en effet un vaste mouvement d’élimination des mouvements modérés par les extrémistes, jusqu’à aboutir à la dictature Robespierriste. Ce mouvement s’appuie sur une minorité agissante, composée des déclassés de toutes sortes, qui constitue le bras armé de la Révolution.
En effet, l’un des mensonges principaux sur cette période est de faire croire que le peuple de France s’est soulevé en masse contre son souverain et contre l’autorité légitime. Pierre Gaxotte, lauréat de l’Agrégation d’Histoire en 1920 et auteur d’un livre bombe La Révolution Française, paru en 1928 estime qu’il n’y avait pas plus de 30 000 révolutionnaires dans toute la France, dont 10 000 à Paris. Ces chiffres sont repris par toute l’historiographie sur le sujet, notamment par François Furet et Mona Ozouf dans leur Dictionnaire Critique de la Révolution, paru en 1988. Nous sommes donc en présence d’une minorité extrêmement politisée et recourant à la terreur pour faire avancer ses idées. Ainsi en est-il le 14 juillet 1789, quand une foule surexcitée et avinée prend d’assaut la Bastille et massacre son gouverneur et une dizaine de ses officiers. Et que dire des autres journées révolutionnaires ? Octobre 1789 la populace parisienne, menée par les mêmes, ramène le Roi et la Famille Royale à Paris, la tête de quelques gardes plantées sur leur baïonnette, trophées de leur sauvagerie. Le 10 août 1792, qui n’est rien d’autre qu’un coup d’Etat mené par la minorité républicaine contre la Monarchie Constitutionnelle légalement établie, et scellé du sang des 900 Suisses et de centaines de domestiques des Tuileries.
Dès le départ, le processus révolutionnaire, élimine ceux qui entravent sa marche.
Les premières victimes sont les tenants de la Monarchie Absolue, contraints à l’exil dès l’été 1789, puis les Monarchiens, monarchistes réformistes remplacés par les Constitutionnels. Ceux-ci sont éliminés à leur tour par les Girondins, qui le sont eux-mêmes par les Montagnards qui finiront par se guillotiner entre eux. Cette épuration progressive se fait toujours au bénéfice de la fraction la plus violente, elle est soutenue par sa « main d’œuvre » ceux que l’on appelle le peuple des Sans Culottes.
Contrairement à ce que tente de faire croire l’Histoire officielle, qui présente 1793 et la Terreur comme une déviance de 1789, il y a au contraire une grande continuité. Nous pouvons cependant noter que si les événements ont parfois échappé à leurs auteurs, demeure une volonté commune de « faire table rase du passé. »
Cette formule éclaire tout ce qui nous sépare de la Révolution Anglaise, qui se veut un changement dans la continuité, et qui, sauf l’expérience de Cromwell, a maintenu la tradition monarchique. La volonté de détruire complètement l’ordre ancien est la caractéristique de la Révolution Française d’où son acharnement à vouloir éradiquer le Christianisme de notre pays. Cette volonté de créer un monde nouveau, cette sorte de mythe prométhéen, est directement le produit de l’idéologie des Lumières qui souhaite s’affranchir de toutes les traditions. Nous retrouvons ce trait essentiel dans tous les régimes totalitaires, cherchant à créer un homme nouveau, preuve s’il en est que la Révolution est la mère des totalitarismes comme le rappelait Alexandre Soldjenytsine lors de son discours aux Herbiers en 1993 pour commémorer le bicentenaire du martyr Vendéen. Il est d’ailleurs frappant de constater la grande proximité qui existe entre Révolution Française et Russe et l’admiration que Lénine et ses acolytes vouaient aux révolutionnaires Français.
Un régime guerrier et impérialiste :
La Révolution est assurément une période guerrière. Il est de bon ton de critiquer les guerres menées par nos Rois en oubliant que la Révolution a déclaré la guerre à l’Europe entière, et que le programme d’action des révolutionnaires était ouvertement belliciste. Quoi de plus naturel puisque la Révolution devait s’exporter aux quatre coins de l’Europe et qu’elle devait libérer les peuples asservis, qui n’avaient d’ailleurs pas conscience de l’être ? La France révolutionnaire a déclaré une guerre qui allait durer 23 ans, du 20 avril 1792 à la chute de Napoléon en juin 1815. Cette guerre perpétuelle est une guerre d’agression, destinée à « détruire les races de rois » et à « éliminer les tyrans ». Pour cela, la France déclare la guerre à la Prusse et à L’Empire en 1792, puis en assassinant légalement Louis XVI, elle « jette une tête de roi à la face de l’Europe » comme le dit Saint-Just. Le 21 janvier 1793 est vu par tous les souverains d’Europe comme une déclaration de guerre. Tous entrent alors en guerre contre la France, de la Grande Bretagne à la Russie et de la Suède au Portugal ; l’Europe fait corps contre la France. Cette guerre,qui se poursuit sous le régime Napoléonien, bouleverse les équilibres nés des Traités de Westphalie de 1648. Elle inaugure la guerre idéologique, et surtout elle donne naissance à une idée dévoyée de la patrie (voir sur le sujet l’ouvrage de Jean de Viguerie, Les Deux Patries). La France, qui jusque là était considérée comme le phare de la civilisation européenne, devient le pays dont il faut se méfier, le peuple fauteur de guerres, le peuple qui cherche à annexer ses voisins. Cette vision dégradée de la France est encore accentuée par les crimes sans nom commis durant la période révolutionnaire, et qui pendant longtemps, vont associer le nom de Français à celui de barbares.
Un régime de Terreur instaurant le crime de masse :
La grande spécificité de la Révolution est d’avoir légitimé le crime de masse pour asseoir son pouvoir.
Concernant le bilan de la Révolution Française, l’ouvrage de René Sédillot, Le Bilan de la Révolution Française, paru en 1988 est indispensable car il aborde le bilan sous tous ses aspects : humain, politique, religieux, économique, artistique. Cette tentative a été reprise et actualisée l’an dernier par la parution de l’ouvrage collectif, Le Livre Noir de la Révolution Française.
Si l’on se penche sur le bilan de cette décennie glorieuse, 1789-1799, on en ressort effrayé. Dans tous les domaines la France a régressé. Elle qui était la première Nation européenne se retrouve largement distancée par le Royaume-Uni. Un retard très important a été pris dans tous les domaines, de l’économie, des sciences « la République n’a pas besoin de savants », du commerce…, qui vont handicaper la France au moment de l’essor de la Révolution Industrielle. A cela il faut ajouter la destruction du patrimoine National, plus du tiers des œuvres d’art ont été détruites, des milliers d’autres vendues. La France, modèle de civilisation, de raffinement et d’art de vivre est morte en 1789. Désormais nous sommes un peuple de barbares et d’assassins aux yeux de nos voisins. Des milliers de châteaux, d’églises, de monastères et d’abbayes ont été pillés ou vandalisés, comme l’abbaye royale de Saint Denis, nécropole des Rois de France, pillée, vandalisée et profanée.
De tous les bilans, le bilan humain demeure le plus parlant.
On peut estimer que la Révolution a causé la mort de 700 000 Français, auxquels s’ajoute les 400 000 morts liés aux guerres entreprises entre 1792 et 1799. 1 100 000 personnes sont mortes en dix ans, presque autant que le cataclysme de la Grande Guerre et son 1.4 millions de morts, mais avec des moyens techniques infiniment moins meurtriers. En proportion, le bilan est plus lourd qu’en 14/18 car il porte sur une France de 28 millions d’habitants et non pas de 40 millions comme en 1914.
Ce bilan sinistre comprend 40 000 personnes guillotinées, les milliers de personnes mitraillées au canon à Lyon, fusillées à Marseille ou Toulon, les 5 000 noyés de Nantes les milliers d’autres noyés à Ancenis ou Angers, les 1 400 massacrés des Massacres de Septembre qui périrent dans des conditions effroyables.
La Révolution est aussi, bien que le régime s’obstine à le nier depuis 200 ans, responsable du premier génocide, celui des peuples de l’Ouest, Vendéens, Poitevins, Mainiaux et Bretons, soulevés pour défendre leurs traditions et leur religion et exterminés sans merci. Un article entier serait nécessaire pour traiter cet épisode, rappelons seulement que les Guerres de Vendée et de la Chouannerie ont entraîné la mort de 500 000 personnes dont 350 000 civils. Que des ordres de destruction systématique de la région ont été donnés par la Convention (lire sur le sujet l’ouvrage de Reynald Seycher, Le Génocide Franco-Français- La Vendée Vengée).
Cette industrialisation de la mort, sa planification, qui rappelle les régimes totalitaires, a été mise en place par toute une série de lois liberticides : Loi du Maximum, Loi des Suspects, Loi sur les prêtres réfractaires ou les personnes émigrées.
Ces quelques lignes suffisent pour prouver que le régime dans lequel nous vivons est assis sur un amas de cadavres et sur la ruine de la civilisation Française. La Révolution, présentée comme le phare du progrès du genre humain a commencé par bafouer tous les principes qu’elle prétendait défendre.
Nous n’avons rien de commun avec cette France là, qui n’est d’ailleurs pas la France réelle, et nous devons sans cesse répéter la vérité sur cette sombre période pour que les mensonges tombent, car « la Vérité nous rendra libre »
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