Encore et toujours la longue durée historique mais à propos de la Reconquista, cette fois-ci. Il existe, en effet, deux manières d’aborder le sujet. L’une est uniquement ibérique et l’autre envisage l’opposition islam-chrétienté dans son ensemble et considère qu’il y eut deux Reconquista.
La première, hispano-lusitanienne, s’acheva en 1492 avec la reconquête de Grenade ; l’autre, balkanique, fut stoppée par la maçonnerie et l’Angleterre à la fin du XIXe siècle.
Quand, en 711, profitant des querelles dynastiques opposant les fils du roi Wisigoth d’Espagne, Tarik et ses Berbères riffains, récemment islamisés, franchissent le détroit qui, depuis, porte son nom, débute alors la première attaque frontale islamique contre l’Europe. Au même moment, à l’est, l’Empire byzantin doit faire face à une menace identique devant laquelle il recule avant de se ressaisir, fermement soutenu par les Arméniens chrétiens.
Durant plusieurs siècles, l’Empire va réussir à maintenir sa présence en Asie mineure où il ne cédera véritablement que face aux Turcs à partir de la terrible défaite de Mantzikiert en 1071. Or, au moment où les Byzantins s’effondrent, l’Aragon, la Castille et le Portugal ont largement entamé leur reconquête.
Mouvement de recul d’un coté et contre-offensive de l’autre. Le phénomène ne peut évidemment être compris que s’il est étudié dans son ensemble. Or, dans nos esprits occidentaux, la rupture de 1054 avec Constantinople a fait sortir la chrétienté orientale de notre univers. Désormais, pour certains catholiques, la guerre entre l’islam et l’orthodoxie, entre les Turcs, les Grecs et les Russes sera un événement périphérique. Certains y verront même un châtiment céleste pour ceux qui ont choisi de se séparer de Rome.
C’est dans une indifférence teintée de pitié que l’Occident apprit la chute de Constantinople en 1453. Rares furent les souverains ou les princes qui y virent une catastrophe majeure pour la chrétienté dans son ensemble. Le prince Henry le Navigateur, l’initiateur de l’épopée ultra-marine portugaise, fut un de ceux-là et il consacra les dernières années de sa vie (il mourut en 1460) à tenter de créer le souffle qui permettrait de lancer une croisade à la reconquête de la ville. Cette idée disparut avec lui ; pour au moins quatre siècles, les Balkans allaient alors subir le joug turc.
L’Europe fut même gravement menacée, puisque Budapest fut en partie occupée et que la marée ottomane ne fut contenue que sous les murs de Vienne. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que la reconquête chrétienne commença véritablement dans les Balkans. Elle ne fut effective qu’au XIXe siècle. Mais, à cette époque, elle eut à lutter contre les Turcs, certes, mais également contre toute la politique britannique de soutien à la Turquie.
Londres, ne voulant à aucun prix d’un affaiblissement turc qui aurait pu ouvrir à la marine russe en mer Noire la route de la Méditerranée, fit tout son possible pour interdire aux chrétiens de reprendre le contrôle de la rive européenne du Bosphore. C’est pour cela, et uniquement pour cela, qu’il existe encore une présence d’occupation turque en Europe, et que Constantinople est une ville turque. Paradoxalement, cette politique britannique impériale et maçonnique fut soutenue par une partie de la droite catholique la plus ultramontaine, celle qui n’avait pas oublié la séparation de 1054.
Louis Veuillot incarna parfaitement cette idée, lui qui écrivait, dans le contexte des guerres balkaniques : « Ah ! Pour le coup, comme catholiques, nous ne craignons pas de dire, ni de répéter hautement : plutôt cent fois le Turc ou le Tartare, que le Grec ou le Russe ».
Ce disant, Louis Veuillot appliquait avec discipline la politique vaticane de l’époque, si bien définie par Thouvenel le 18 septembre 1853 : « A Rome, on est plutôt pour les musulmans que pour les schismatiques. L’établissement d’un pouvoir chrétien à Constantinople est une menace pour le Saint-Siège ». La bosniaquomanie et le philotchétchénisme reposent donc sur des constantes bien ancrées sur une certaine tradition politico-religieuse. Elles l’expliquent.
par Bernard Lugan
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