« Une longue histoire, pleine de bruit et de fureur, avec des épisodes cocasses et ridicules, du sang, des larmes, de la ferveur, de l'amour, du tragique et la mort... ». L'histoire d'un socialiste qui croyait en son peuple, l'histoire d'un nationaliste qui croyait en son pays, l'histoire de Benito Mussolini, homme politique italien (1883-1945), instaurateur du fascisme, ce mot devenu terrible et à peu près totalement vidé de son sens originel à force d'être usité, en invective, pour discréditer toute manifestation d'autorité. Cette histoire, François Brigneau l'a écrite à la manière d'un dialogue avec ses quatre petits-enfants. Pour leur apprendre ce qui ne figure pas dans leurs manuels d'histoire. C'est-à-dire à peu près tout.
« Raconte-nous, grand-père... », dit le sous-titre. Grand-papa Brigneau raconte à sa manière inégalable, celle du récit concis, clair et humain. Il ne se prétend pas exhaustif mais respecte une scrupuleuse honnêteté. Son éclairage lui est propre : c'est sa vérité qu'il livre, avec ses marottes, tel le poids de la maçonnerie dans l'Europe de l'entre-deux-guerres, et ses idéaux de jeunesse : quand le Duce a été assassiné, le 28 avril 1945, à l'âge de 62 ans, le milicien François Brigneau allait en avoir vingt-six ; il dormait en prison. On sent pourtant qu'on n'est pas loin de la vérité.
La principale surprise de cet ouvrage est que le Mussolini qui ressort de ce portrait est un homme de paix. En 1933, alors qu'Adolf Hitler vient d'accéder au pouvoir, le chef de l'Italie fasciste s'oppose au réarmement allemand dont il pressent bien combien il est porteur de menaces pour l'Europe. D'où son idée de Pacte à Quatre (Italie, Grande-Bretagne, France et Allemagne) pour le stopper. Echec. Que faire ? S'y résigner ou l'empêcher par la force. L'année suivante il se prononce dans Le Popola d'ltalia en faveur d'une « guerre préventive » contre l'Allemagne national-socialiste. L'expression est rigoureusement de lui. Comme quoi les concepts apparemment les plus contemporains ont parfois d'insolites géniteurs.
« Si on écarte l'idée d'une guerre préventive, écrit-il le 13 mai 1934, et qu'on laisse s'installer une course aux armements, alors éclatera infailliblement à un moment donné de l'Histoire une nouvelle guerre qui déchirera les nations d'Europe en deux camps, dressés l'un contre l'autre, dans une lutte à mort. » C'est encore Mussolini, par l'ascendant qu'il exerce pour peu de temps sur le chancelier du IIIe Reich, qui amènera celui-ci à accepter les « Accords de Munich » non pas pour endormir ses futurs proies, selon une réécriture courante de l'Histoire qui fait des « Munichois » français et britanniques des lâches et des capitulards, mais afin de préserver l'Europe d'une nouvelle barbarie. C'est toujours Mussolini qui, en mars 1943, explique par écrit au Führer qu'il ne pourra jamais venir à bout de l'Armée Rouge, que s'il y réussissait il ne parviendrait jamais à s'assurer le contrôle de l'Union soviétique, et que la raison impose à l'Allemagne de conclure une paix séparée avec l'Urss.
« Ne jugez pas 1936 avec les yeux de 2006 » exige François Brigneau de ses lecteurs - tout en se livrant, veine du polémiste oblige, à quelques rapprochements entre les méthodes fascistes et celles de la Ve République, acrobatiques pour certains, percutants pour d'autres, comme celui qui porte sur la manipulation du mode de scrutin législatif afin d'interdire toute représentation à ses adversaires. Le Mussolini tel qu'on ne l'enseignait pas dans les livres, c'était certes un dictateur et un conquérant (assez médiocre au demeurant) mais aussi cet homme dont Churchill louait le « monumental travail » en ce sens qu'il avait donné à l'Europe « l'antidote nécessaire contre le poison rouge » : « Si j'étais italien, je porterais la chemise noire ».
L'histoire de Mussolini, tragique, est aussi pathétique. Ses épopées guerrières n'ont rien ajouté, loin s'en faut, à la gloire de l'Italie. Sa volonté de théoriser le fascisme n'a pas abouti. Il n'a pu abattre les « démocraties ploutocratiques et réactionnaires de l'Occident ». Sa plus belle page, ce n'est même pas lui qui l'a écrite, mais Otto Skorzeny (que François Brigneau avait interviewé en 1957 pour Paris-Presse avant d'en tirer un livre pour Gallimard), lorsqu'il vint le délivrer en septembre 1943 de sa geôle située sur le Grand Sasso, à 2 100 mètres d'altitude. Et si, tout simplement, Mussolini, au sens où l'on use et abuse de ce terme, n'avait pas été « fasciste » ?
B. L. - Choc du Mois Décembre 2006
Si Mussolini était conté... , par François Brigneau, 84 pages, 15 euros (à commander à : Auto-éditions FB, 41, rue des Tennerolles, 92210 Saint-Cloud, franco de port).
« Raconte-nous, grand-père... », dit le sous-titre. Grand-papa Brigneau raconte à sa manière inégalable, celle du récit concis, clair et humain. Il ne se prétend pas exhaustif mais respecte une scrupuleuse honnêteté. Son éclairage lui est propre : c'est sa vérité qu'il livre, avec ses marottes, tel le poids de la maçonnerie dans l'Europe de l'entre-deux-guerres, et ses idéaux de jeunesse : quand le Duce a été assassiné, le 28 avril 1945, à l'âge de 62 ans, le milicien François Brigneau allait en avoir vingt-six ; il dormait en prison. On sent pourtant qu'on n'est pas loin de la vérité.
La principale surprise de cet ouvrage est que le Mussolini qui ressort de ce portrait est un homme de paix. En 1933, alors qu'Adolf Hitler vient d'accéder au pouvoir, le chef de l'Italie fasciste s'oppose au réarmement allemand dont il pressent bien combien il est porteur de menaces pour l'Europe. D'où son idée de Pacte à Quatre (Italie, Grande-Bretagne, France et Allemagne) pour le stopper. Echec. Que faire ? S'y résigner ou l'empêcher par la force. L'année suivante il se prononce dans Le Popola d'ltalia en faveur d'une « guerre préventive » contre l'Allemagne national-socialiste. L'expression est rigoureusement de lui. Comme quoi les concepts apparemment les plus contemporains ont parfois d'insolites géniteurs.
« Si on écarte l'idée d'une guerre préventive, écrit-il le 13 mai 1934, et qu'on laisse s'installer une course aux armements, alors éclatera infailliblement à un moment donné de l'Histoire une nouvelle guerre qui déchirera les nations d'Europe en deux camps, dressés l'un contre l'autre, dans une lutte à mort. » C'est encore Mussolini, par l'ascendant qu'il exerce pour peu de temps sur le chancelier du IIIe Reich, qui amènera celui-ci à accepter les « Accords de Munich » non pas pour endormir ses futurs proies, selon une réécriture courante de l'Histoire qui fait des « Munichois » français et britanniques des lâches et des capitulards, mais afin de préserver l'Europe d'une nouvelle barbarie. C'est toujours Mussolini qui, en mars 1943, explique par écrit au Führer qu'il ne pourra jamais venir à bout de l'Armée Rouge, que s'il y réussissait il ne parviendrait jamais à s'assurer le contrôle de l'Union soviétique, et que la raison impose à l'Allemagne de conclure une paix séparée avec l'Urss.
« Ne jugez pas 1936 avec les yeux de 2006 » exige François Brigneau de ses lecteurs - tout en se livrant, veine du polémiste oblige, à quelques rapprochements entre les méthodes fascistes et celles de la Ve République, acrobatiques pour certains, percutants pour d'autres, comme celui qui porte sur la manipulation du mode de scrutin législatif afin d'interdire toute représentation à ses adversaires. Le Mussolini tel qu'on ne l'enseignait pas dans les livres, c'était certes un dictateur et un conquérant (assez médiocre au demeurant) mais aussi cet homme dont Churchill louait le « monumental travail » en ce sens qu'il avait donné à l'Europe « l'antidote nécessaire contre le poison rouge » : « Si j'étais italien, je porterais la chemise noire ».
L'histoire de Mussolini, tragique, est aussi pathétique. Ses épopées guerrières n'ont rien ajouté, loin s'en faut, à la gloire de l'Italie. Sa volonté de théoriser le fascisme n'a pas abouti. Il n'a pu abattre les « démocraties ploutocratiques et réactionnaires de l'Occident ». Sa plus belle page, ce n'est même pas lui qui l'a écrite, mais Otto Skorzeny (que François Brigneau avait interviewé en 1957 pour Paris-Presse avant d'en tirer un livre pour Gallimard), lorsqu'il vint le délivrer en septembre 1943 de sa geôle située sur le Grand Sasso, à 2 100 mètres d'altitude. Et si, tout simplement, Mussolini, au sens où l'on use et abuse de ce terme, n'avait pas été « fasciste » ?
B. L. - Choc du Mois Décembre 2006
Si Mussolini était conté... , par François Brigneau, 84 pages, 15 euros (à commander à : Auto-éditions FB, 41, rue des Tennerolles, 92210 Saint-Cloud, franco de port).
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