L'homme qui meurt, le 3 février 1924, a reçu le prix Nobel de la paix en 1919. C'est une de ces tragiques ironies dont l'histoire a le secret. Car peu d'hommes auront provoqué autant de sanglantes catastrophes que lui. Thomas Woodrow Wilson, président des Etats-Unis, est en effet le premier responsable de la Seconde Guerre mondiale.
Commençons par le commencement : Wilson est élu président en 1912. Il doit cette élection à un curieux personnage, le «colonel» House. Grade d'opérette, House n'ayant jamais servi dans l'armée. Fils d'un juif de Hollande ayant d'abord émigré au Mexique, puis aux Etats-Unis, House a un métier typiquement américain : organisateur de campagnes électorales. Intelligent, intrigant, prêt à tout, il manipule avec maestria un électorat et fait élire un gouverneur du Texas, puis un sénateur. Quand Wilson est candidat à la présidence, House prend l'affaire en main et hisse au pouvoir son client. Celui-ci a désormais une éminence grise, omniprésente, qui lui écrit, entre autres, ses discours. Quand Wilson envoie, en 1913, House en mission diplomatique auprès du Kaiser Guillaume Il, il lui écrit cet étonnant mot d'introduction : « Aux Etats-unis, il est la Puissance derrière le Trône » !
Puissance d'autant plus déterminante que Wilson est malléable. Fils, petit-fils et beau-fils de pasteurs presbytériens, victime de fréquentes phases de dépression, il affiche un rigorisme puritain sans faille. « II fit, écrit Bullitt, ses prières à genoux matin et soir pendant toute sa vie. Il lut tous les jours la Bible. Il usa deux ou trois bibles au cours de son existence ». Ces lectures l'ont convaincu qu'il est l'instrument de la Providence. Analysant son profil psychique, Freud insiste sur « son identification en sauveur de l'humanité, qui devint un trait si important et si évident de son caractère dans les dernières années de sa vie ». Quand le même homme est à la tête de la puissance matérielle américaine et se veut la voix de Dieu, les résultats peuvent être dévastateurs. Effectivement, ils vont l'être.
House eut un jour cet aveu : « M. Wilson ne possédait aucune expérience de la politique ». Il fallait donc guider ses pas... A un moment où, la guerre faisant rage en Europe depuis 1914, l'éventuelle intervention des Etats-Unis devrait logiquement s'avérer décisive. Or, dans leur immense majorité, les Américains n'accordaient qu'un faible intérêt aux affaires européennes. Il aurait été d'ailleurs difficile, à la plupart d'entre eux, de situer sur une carte du monde les principaux pays d'Europe. L'opinion américaine était clairement neutraliste et isolationniste. En 1916, la réélection de Wilson à la présidence, obtenue de justesse, se fit sur le slogan électoral « Voter Wilson, c'est voter pour la paix ». A peine réélu, Wilson déclara solennellement devant la Chambre et le Sénat : « Je promets à mon pays de le tenir en dehors de la guerre ». Trois mois plus tard, il lançait les Etats-Unis dans la tourmente. Le «colonel» House avait fait le nécessaire.
Les énormes quantités de matériels américains firent pencher la balance. Mais la victoire alliée était lourde de menaces : en humiliant les vaincus, les traités de paix ne firent que disposer des mines destinées à éclater vingt ans plus tard, provoquant le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale. Wilson y fut pour beaucoup. Lui qui, selon Galtier-Boissière, déclarait en 1918, au sujet de la France et de l'Angleterre :
« Lorsque la guerre sera terminée, nous pourrons leur imposer notre manière de voir ».
P.V National Hebdo du 30 janvier au 5 février 1997
Commençons par le commencement : Wilson est élu président en 1912. Il doit cette élection à un curieux personnage, le «colonel» House. Grade d'opérette, House n'ayant jamais servi dans l'armée. Fils d'un juif de Hollande ayant d'abord émigré au Mexique, puis aux Etats-Unis, House a un métier typiquement américain : organisateur de campagnes électorales. Intelligent, intrigant, prêt à tout, il manipule avec maestria un électorat et fait élire un gouverneur du Texas, puis un sénateur. Quand Wilson est candidat à la présidence, House prend l'affaire en main et hisse au pouvoir son client. Celui-ci a désormais une éminence grise, omniprésente, qui lui écrit, entre autres, ses discours. Quand Wilson envoie, en 1913, House en mission diplomatique auprès du Kaiser Guillaume Il, il lui écrit cet étonnant mot d'introduction : « Aux Etats-unis, il est la Puissance derrière le Trône » !
Puissance d'autant plus déterminante que Wilson est malléable. Fils, petit-fils et beau-fils de pasteurs presbytériens, victime de fréquentes phases de dépression, il affiche un rigorisme puritain sans faille. « II fit, écrit Bullitt, ses prières à genoux matin et soir pendant toute sa vie. Il lut tous les jours la Bible. Il usa deux ou trois bibles au cours de son existence ». Ces lectures l'ont convaincu qu'il est l'instrument de la Providence. Analysant son profil psychique, Freud insiste sur « son identification en sauveur de l'humanité, qui devint un trait si important et si évident de son caractère dans les dernières années de sa vie ». Quand le même homme est à la tête de la puissance matérielle américaine et se veut la voix de Dieu, les résultats peuvent être dévastateurs. Effectivement, ils vont l'être.
House eut un jour cet aveu : « M. Wilson ne possédait aucune expérience de la politique ». Il fallait donc guider ses pas... A un moment où, la guerre faisant rage en Europe depuis 1914, l'éventuelle intervention des Etats-Unis devrait logiquement s'avérer décisive. Or, dans leur immense majorité, les Américains n'accordaient qu'un faible intérêt aux affaires européennes. Il aurait été d'ailleurs difficile, à la plupart d'entre eux, de situer sur une carte du monde les principaux pays d'Europe. L'opinion américaine était clairement neutraliste et isolationniste. En 1916, la réélection de Wilson à la présidence, obtenue de justesse, se fit sur le slogan électoral « Voter Wilson, c'est voter pour la paix ». A peine réélu, Wilson déclara solennellement devant la Chambre et le Sénat : « Je promets à mon pays de le tenir en dehors de la guerre ». Trois mois plus tard, il lançait les Etats-Unis dans la tourmente. Le «colonel» House avait fait le nécessaire.
Les énormes quantités de matériels américains firent pencher la balance. Mais la victoire alliée était lourde de menaces : en humiliant les vaincus, les traités de paix ne firent que disposer des mines destinées à éclater vingt ans plus tard, provoquant le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale. Wilson y fut pour beaucoup. Lui qui, selon Galtier-Boissière, déclarait en 1918, au sujet de la France et de l'Angleterre :
« Lorsque la guerre sera terminée, nous pourrons leur imposer notre manière de voir ».
P.V National Hebdo du 30 janvier au 5 février 1997
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