vendredi 28 novembre 2008

Le mythe du pillage des colonies (encore)

La rhétorique que développe à l’envie M. Bouteflika ne tient pas devant la rigueur de l’historien, surtout s’il a pensé à s’armer d’une calculette… Jacques Marseille, dans une thèse désormais célèbre, a ouvert la voie à une autre histoire de la colonisation, pas l’histoire sentimentale, faite de repentance à sens unique et ponctué du fameux “sanglot de l’homme blanc”. Pas l’histoire officielle développée par le FLN, toujours au pouvoir en Algérie et qui ne sait plus comment masquer son échec…
À en croire Jacques Marseille lui-même, son aventure intellectuelle avait commencé en pleine orthodoxie marxiste léniniste : « Armé de [mes] certitudes [les colonies avaient beaucoup rapporté à la France et les guerres d’Indochine et d’Algérie s’expliquaient bien évidemment par la volonté des “trusts” de ne pas lâcher leur proie], d’un opuscule, l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme [de Lénine], et d’une calculatrice, j’entrepris de donner un contenu scientifique à mes certitudes. »
Mais très vite une question s’impose à l’esprit : comment la France qui semblait « avoir eu besoin de marchés protégés pour assurer sa croissance et le maintien de ses débouchés », a-t-elle pu connaître après la décolonisation une croissance aussi vigoureuse ? Pour preuve, le taux annuel d’accroissement des exportations de bien d’équipement – qui était de 5,2% pour la période 1951-1959 – est passé à 15 % pour la période 1959-1966. « Privée de ses colonies, la France comblait progressivement le retard qui la séparait des puissances les plus industrialisées. »
On ne triche pas avec les chiffres
Un double constat s’établit alors : d’une part, la France n’a aucunement pillé les matières premières de ses colonies, d’autre part, ces mêmes colonies ont coûté extrêmement cher à l’État français. L’exploitation des ressources minières et pétrolières a commencé le plus souvent à l’extrême fin de la période coloniale (1956 pour le pétrole en Algérie, 1957 au Gabon…), et les matières premières « seraient restées le plus souvent virtuelles si les colonisateurs n’avaient pas mis en place un système de plantations commerciales ». Quant au coût des colonies, deux exemples suffisent : En 1961, l’année qui précède l’indépendance, l’Algérie achetait 421 milliards de francs de marchandises à la métropole, qui lui en versait 638 pour rétablir le déséquilibre de son budget et de sa balance des paiements. Et de 1900 à 1970, les crédits offerts par la France à ses colonies ont représenté quatre fois le montant des emprunts russes, soit plus de trois fois le montant total des aides américaines à la France de 1945 à 1955 (!).
Chiffres à l’appui – comptes de 469 sociétés coloniales, chiffres du commerce extérieur de la France de 1880 à 1960, archives ministérielles et papiers privés de Paul Reynaud, Marius Moutet et de l’ancienne Union coloniale – Jacques Marseille arrive au constat suivant : « La balance commerciale entre la France et son empire présente, dans le long terme, un mouvement remarquablement alterné. En période de bonne conjoncture, le solde est positif pour la métropole ; en période de mauvaise conjoncture, il devient négatif. L’empire est un réservoir en période de difficulté, un débouché en période de prospérité […] Le débouché colonial aurait donc ainsi permis de freiner le déclin d’une industrie en perte de vitesse non seulement en France mais aussi dans les autres pays industrialisés. En freinant ce déclin plus particulièrement entre les deux guerres, on peut se demander si l’empire n’a pas, du fait même, contribué à ralentir la reconversion de la structure des exportations françaises par rapport à celles des autres pays européens. » Ainsi de l’industrie cotonnière qui réalisait 90% de ses ventes vers l’empire de la Deuxième Guerre mondiale à la décolonisation. La perte du débouché colonial précipita l’effondrement de cette industrie (1,6% des exportations françaises totales en 1958, 0,6 % en 1970).
« La Corrèze avant le Zambèze »
Pourtant, et c’est la deuxième idée force de sa thèse, un divorce s’installa entre la population française et son empire. En 1931, 34 millions de visiteurs admirèrent l’exposition coloniale. En 1944, le député communiste Mercier affirmait qu’il fallait « souder à la métropole l'ensemble des colonies ». En 1949, 81% des Français étaient attachés à la garde de l’empire colonial. Mais en 1955, Pierre Moussa, directeur des affaires économiques et du Plan, parlait du “complexe hollandais” : la perte de l’Indonésie, loin d'être une catastrophe pour l'économie néerlandaise, fut au contraire favorable à l'expansion économique des Pays-Bas. En 1956, Raymond Cartier, journaliste à Paris-Match, lance son fameux “la Corrèze avant le Zambèze”. En parlant de la Hollande, il écrira : « [elle] ne serait peut-être pas dans la même situation si, au lieu d'assécher son Zuyderzee et de moderniser ses usines, elle avait dû construire des chemins de fer à Java, couvrir Sumatra de barrages, subventionner les clous de girofle des Moluques et payer des allocations familiales aux polygames de Bornéo ». Enfin De Gaulle déclara en 1961 : « c'est un fait : la décolonisation est notre intérêt et, par conséquent, notre politique. »
Il est évident que pour les pays anciennement colonisés, le réveil fut rude : « Pendant longtemps, la France a fait croire aux pays d'outre-mer que l'argent était monnaie courante et que la réduction des déséquilibres ne nécessitait aucun effort particulier. […] Le sévère apprentissage des contraintes est aujourd'hui le prix de ce laxisme que la France a pratiqué pendant de trop longues années. »
Mais – et c’est le principal grief que l’on peut faire à cette thèse brillante – n’oublions pas que nous parlons en termes d’économie, science pour qui l’affect ne signifie rien, où l’homme n’est représenté que par des croix dans des cases. Le coût humain est incalculable, aussi bien dans un sens que dans l’autre. Comment intégrer dans tous ces comptes la mort des quelque 75 000 “coloniaux” lors de la Grande Guerre ? Et celle de tous ceux qui reposent en Afrique, Algérie ou ailleurs et qui avaient la foi dans une mission que l’on qualifiait de “sacrée”.
Louis Kolle Objections - n°3 - février 2006
http://revue.objections.free.fr

jeudi 27 novembre 2008

Oui, on peut neutraliser les pédophiles

Les pédophiles seraient des malades déments au moment des passages à l'acte qui, s'ils vont en prison, devraient être soignés et rééduqués. Les nouvelles dispositions prévoyant même au terme d'une peine de réclusion de trente ans de demander l'avis des psychiatres avant de libérer les criminels.
Or, ce sont ces mêmes humanistes, à la Badinter, qui ont tout fait pour que les violeurs d'enfants n'aillent pas derrière les barreaux.
N'ont-ils pas inspiré et rédigé le nouveau Code pénal si terriblement laxiste dans ce domaine ? Les articles 122-1 et 122-2 disposent : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable, toutefois la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. N'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pas pu résister. »
On frémit à l'idée du parti que pourraient tirer d'un tel texte, les 50 000 individus fichés comme pervers sexuels dans l'ordinateur de la Police judiciaire.
Cette même intelligentsia de gauche, s'appuyant sur la fameuse nouvelle psychiatrie, nous a répété à longueur de temps que la folie n'existe pas, ou que « nous sommes tous des fous » et que les perversions ne sont qu'une invention de la société répressive - l'homme étant par nature un pervers polymorphe, et la seule différence résidant entre ceux qui « passent à l'acte » et ceux qui « refoulent ».
En résumé, le normal est celui qui couche avec les petits garçons ou les petites filles. Le professeur Breton, dans un entretien au Journal international de médecine, en tant que psychiatre des prisons de la Santé, de Melun et de Fresnes, fait litière de ces délires permissifs. « Le fait, affirme-t-il d'avoir des relations préférentielles avec des vieillards ou des enfants constitue une déviation qui n'est pas propre au commun des mortels, il y a là quelque chose qui est de l'ordre du pathologique. »
Cédant à leurs funestes penchants, nos intellos post-soixante-huitards se sont opposés à toutes les solutions destinées à régler le problème des crimes pédophiles, Ils ont aboli la peine de mort. Ils ont, pendant plus de vingt ans, combattu les remèdes médicaux aux déviances sexuelles, parlant d'atteinte inacceptable aux droits de l'homme, se contrefichant des droits des petits enfants.
C'est vers le milieu des années 60 que des scientifiques éminents, comme le professeur H.P. Klotz, mirent en évidence les effets d'une antihormone mâle, l'acétate de cyprotérone, dont le nom commercial est Androcur, habituellement utilisée dans le traitement du cancer de la prostate. En effet, ce médicament provoque la suppression des pulsions sexuelles irrépressibles, et ce, sans effet secondaire notable.
Aussitôt, certains crièrent au scandale, parlant de « castration chimique ». Le terme utilisé n'était pas innocent. Il faisait référence à des castrations expérimentales réalisées notamment en Allemagne. L'amalgame produisait son effet. Or, contrairement à la castration chirurgicale, les effets du traitement par antihormone, l'Androcur, donné par voie orale, ou par implants dont la durée d'action est de 28 jours (le Zolvadex), sont réversibles mais surtout curatifs.
Ceux qui refusèrent d'expérimenter à une large frange de population carcérale impliquée dans des affaires de mœurs sont les complices objectifs des assassins d'enfants. A l'Assemblée nationale, les socialistes ont voté la dépénalisation de la pédophilie.
Ceci explique cela, Il faut soigner les pervers, durant toute leur vie et même contre leur gré.
Les études de criminologie apprennent que, quelle que soit la personnalité de l'auteur de l'infraction sexuelle, il y aura toujours récidive.
Qu'on ait affaire à des débiles, des déments, des maniaques, des névrosés ou des pervers, ils recommenceront toujours.
La société qui a pour devoir de protéger les plus faibles de ses membres, notamment les enfants, a l'obligation de s'attaquer au problème des récidives.
✍ Dr L. PERENNA National Hebdo Semaine du 31 mars au 6 avril 1994

mardi 25 novembre 2008

La haine de l'homme blanc ne sauvera pas le monde de la famine

La culpabilisation bat son plein. A l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la faim le 16 octobre, l'Organisation des Nations-Unies pour l'Alimentation et l'agriculture (FAO) avertissait que la crise mondiale née dans les pays du G7 allait considérablement « aggraver la situation alimentaire » alors que « 923 millions d'humains souffrent déjà de la faim dont 75 millions de personnes supplémentaires en 2008 ». Une semaine plus tôt, sur France 3, le magazine Pièces à Conviction, sous le titre « Les profiteurs de la Crise », entendait, selon sa responsable Elise Lucet, « poser les questions qui dérangent ». Résumé de l'émission : « Céréaliers, pétroliers, géants de l'agro-alimentaire et patrons de la grande distribution tiennent tous le même discours : la hausse des matières premières les a contraints à gonfler leurs prix. »
☞ ZIEGLER, PALADIN DU RACISME ANTI-OCCIDENTAL
Emission très à contre-temps puisque depuis plusieurs semaines, face à la récession mondiale, les prix des matières premières agricoles se sont écroulés sans aucun effet pour les consommateurs. Le blé est passé de 180 € la tonne à moins de 150. Le maïs est retombé en dessous des 100 €/t. D'une manière générale chaque tonne de céréale a perdu au moins 50 € et le soja est en perdition. Mais qu'importe, ce fut l'occasion une fois encore de tirer sur les agriculteurs. Pièces à Conviction se concentra sur un "gros" céréalier du centre de la France, spéculant sur Internet, ravi en effet d'un doublement de ses revenus en 2007. Comparer la part réelle mensuelle lui revenant - une fois 40 % de ses bénéfices subtilisés par la Mutuelle Sociale Agricole (MSA) - avec la feuille de salaire de Mme Lucet eut peut-être réservé quelques surprises. D'autant qu'en 2008, avec des cours mondiaux en chute libre mais les intrants d'origine pétrolière toujours en forte croissance, et une récolte moyenne, notre céréalier informaticien aura sûrement replongé dans le rouge,
Pour clore cette séquence Mme Lucet fit complaisamment appel au sociologue suisse Jean Ziegler, l'infatigable diffamateur de la race blanche et de l'Europe qu'il cloue au pilori dans tous les forums de la terre. La PAC assassine le Tiers-Monde. Les agriculteurs blancs ont fait fortune sur la misère de la planète. L'agriculture européenne se nourrit de la famine des pauvres. La blonde Mme Lucet, enchantée, appuyait sa diatribe du geste, du verbe et du regard.
On connaît le discours des procureurs de la fausse compassion. Les prix de l'alimentation sont-ils en hausse ? Des milliards de pauvres rejetés dans les bidonvilles du monde ont faim, 50 % de leurs "revenus" étant consacrés à la nourriture. Les prix s'effondrent-ils ? Des centaines de millions de paysans de l'hémisphère Sud, dont 75 % vivent en-dessous du seuil de pauvreté, sont menacés.
L'OMS, Organisation Mondiale de la Santé, ne tient pourtant pas la famine pour allant de soi. La terre pourrait même, dit-elle, nourrir 13 milliards d'habitants grâce à la science et à la technologie. C'est l'égoïsme et l'avarice des riches - les Blancs - et la scandaleuse répartition des richesses qui seraient seuls responsables des 850 millions de décès annuels dus à la faim.
Une étude de l'Université de Wageningen, aux Pays-Bas, tombe à pic. L'envolée des prix, au début 2008, responsable des « émeutes de la faim », ne serait qu'un épiphénomène dû à la simultanéité de mauvaises conditions météorologiques en Australie, en Ukraine et en Europe, des prélèvements des agrocarburants (4 à 5 %), de la forte demande des pays émergents asiatiques ainsi qu'à la pression exercée par les transports et les intrants agricoles sur les carburants fossiles. La spéculation boursière étant marginale. De sorte que les prix alimentaires reprendront rapidement la tendance baissière observée depuis des décennies. Il faudra cependant, disent les auteurs, mettre en culture d'immenses territoires en Russie et au Brésil, accélérer une gouvernance agricole mondiale qui imposera une "juste" répartition entre le Nord et le Sud, renforcer l'aide financière et technique du premier au second et développer la recherche sur les biotechnologies et les manipulations génétiques.
☞ 13 TRAITEMENTS POUR LA GOLDEN !
L'Helvète Ziegler, obnubilé par sa haine du Blanc, partage chacune de ces considérations et reste indifférent à l'immense détérioration provoquée sur l'environnement, la biologie des sols, les résistances organiquement acquises par les plantes et animaux au fil de millénaires de sélection, par un siècle d'agriculture chimique, industrielle, intensive, qui a multiplié les parasites dont la propagation a été facilitée par l'accélération de la circulation et du nomadisme. A force de soumettre ces autodéfenses, par hybridation et manipulations génétiques, à une production de masse au détriment de leur capacité à résister aux évolutions des climats et des espèces, on a livré celles-ci à toutes sortes de prédateurs chimiques, viraux ou simplement variétaux.
En revanche il n'est nulle part fait état de l'impact déjà très perceptible des nouvelles réglementations écologiques, celles tendant à réduire dans l'agriculture industrielle les effets toxiques des intrants chimiques ou la brutale augmentation des prix des carburants. En 2007 la seule réduction de 20 millions de tonnes de blé sur le marché mondial a provoqué le doublement du prix. Or les nouvelles législations, la limitation des intrants et leur moindre efficacité, entraîneront au cours des prochaines années une réduction spectaculaire des productions. De sorte que, quelles que soient l'amélioration des conditions climatiques et la baisse de consommation due à la récession économique mondiale, la forte pression démographique suffira à elle seule, répartition ou pas, à maintenir élevés les prix, et intacts les risques de famine planétaire.
D'autant que, et les grands moralisateurs mondiaux se garderont bien de mesurer l'ampleur du phénomène, cette agriculture ne survit depuis des années que par la multiplication de prouesses biochimiques de plus en plus hasardeuses. Il faut treize (13) traitements annuels pour assurer à la pomme Golden son lustre commercial ! Quant aux céréales, les centaines de molécules supposées lutter contre les maladies fongiques ne cessent de susciter de nouvelles résistances. Les organismes chargés de la prophylaxie font de la corde raide et, loin d'éradiquer champignons ou virus banalisés, compliquent les traitements devenus un des postes les plus onéreux de la grande culture céréalière. D'autant plus que les cultivars brevetés par quelques multinationales sont issus des mêmes souches fragilisées.
☞ LA ROUILLE NOIRE POUR AFFAMER LA PLANÈTE
Depuis des décennies la production industrielle du blé subit les méfaits de la rouille, une maladie cryptogamique qui, dans les années 1950, détruisit jusqu'à 40 % des récoltes nord-américaines. Les Etats-Unis sont aujourd'hui le premier producteur mondial avec 32,5 millions de tonnes en 2007.
Le Canada arrive en second avec 145 M de t. En 1980, la rouille jaune dévasta l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l'Asie du Sud-Est : 1 milliard de $ de dégâts. Depuis 1999 est apparue en Ouganda une nouvelle souche de rouille noire, contre laquelle on ne dispose d'aucune riposte, le Ug99. La plupart des résistances sur lesquelles la science a compté depuis un demi-siècle pour renforcer les variétés de blé ont été tournées par cette dernière. Passée aussitôt au Kenya puis en Ethiopie en 2003, au Yémen et en Egypte au début de 2008, elle est signalée en Iran, en Afghanistan, au Pakistan. On estime que 80 % des récoltes de blé d'Afrique et d'Asie pourraient être touchées dans les prochaines années. Dix-sept centres de recherche à travers le monde ont été mobilisés. L'Institut Cornell, financé par la Fondation Bill Gates, et une demi-douzaine d'universités américaines tentent, pour l'heure en vain soit de créer des variétés résistantes, soit d'introduire un gène résistant dans celles dont on dispose. La station de recherche suisse de Changins-Wadenswil travaille également sur des variétés d'orge dans le même but. Ces techniques agissent au détriment d'autres qualités de ces plantes, à leur tour susceptibles de développer de futures résistances.
Pour l'Américain Jim Peterson, président du Comité National pour l'Amélioration du Blé, la rouille, diffusée par les transports aériens, implique des méthodes de lutte trop lourdes et onéreuses pour le petit paysan archaïque. « La crainte est que survienne une année qui offre un environnement parfait à la pandémie et qu'elle ne devienne incontrôlable. Je ne vois pas comment il pourrait s'y opposer même si on lui donne les fongicides ».
En réalité, n'en déplaise aux Ziegler et autres zélateurs du village planétaire solidaire, la grande famine malthusienne est à nos portes. Et elle a deux causes systémiques. La nocivité cumulée de la science et de la technique. Et l'insupportable surpopulation mondiale.
✍ Petrus AGRICOLA. Rivarol du 31 octobre 2008

15 octobre 1943 : Les semeurs de haine

Le 15 octobre 1943 un message part d'Alger, où siège le Comité Français de Libération Nationale dirigé par le seul De Gaulle après que celui-ci eut réussi à évincer le général Giraud, censé codiriger, depuis le 3 juin, le CFLN. Ce message, adressé aux organisations de Résistance présentes sur le sol français, leur enjoint de prévoir, le moment venu, « en quelques heures la répression révolutionnaire de la trahison conforme aux légitimes aspirations de représailles des militants de la Résistance ». Ce pathos, directement inspiré du vocabulaire en vigueur lors de la Terreur de 1793, va légitimer la guerre civile et les pires abominations d'une "Epuration" qui, en 1944-1945, visera à l'élimination physique de tous ceux qui auraient pu se dresser contre la prise de pouvoir des communistes. Ceux-ci, convaincus que l'évolution de la Seconde Guerre Mondiale allait leur apporter sur un plateau le déclenchement du «Grand Soir», avaient entrepris - avec succès - de noyauter la Résistance intérieure, grâce aux nombreux sous-marins infiltrés dans les rouages d'organisations que les gaullistes croyaient naïvement contrôler.
Le message du 15 octobre 1943 s'inscrit dans cette perspective. Il émane en effet d'un des personnages qui illustre au mieux le travail d'infiltration communiste. Il s'agit d'Emmanuel d 'Astier de La Vigerie, commissaire à l'Intérieur dans le gouvernement provisoire d'Alger et futur ministre de l'Intérieur du Gouvernement provisoire de septembre 1944, installé à Paris par De Gaulle dans la foulée du départ des Allemands, pour faire pièce aux projets américains de vassalisation de la "France libérée". Autrement dit, Emmanuel d'Astier de La Vigerie était un élément-clef du dispositif gaulliste. Alors même que De Gaulle ne pouvait ignorer qui était, réellement, le personnage.
En l'occurrence, celui-ci revenait de loin et avait beaucoup à se faire pardonner. D'abord ses origines. Descendant du comte de Montalivet, ministre de l'Intérieur de Louis-Philippe, le «baron rouge» appartenait à une famille marquée à droite. Son frère Henri milita très jeune dans les rangs de l'Action Française, fut un de ces monarchistes très engagés dans la Résistance (il fonda le très actif réseau Orion) par germanophobie maurrassienne et participa au débarquement en Provence, puis aux combats en France et en Allemagne jusqu'à la fin de la guerre. Il prit ensuite la défense des pétainistes envoyés devant les tribunaux de l'épuration en raison de leurs convictions... et son fils Jean-Bernard d'Astier devait être jusqu'à sa mort un très fidèle «Ami de RIVAROL». Un autre frère, François, général d'aviation, fut à Londres l'un des proches collaborateurs de De Gaulle, ce qui ne l'empêcha pas, la paix venue, de publier une brochure dénonçant les excès de l'épuration.
Emmanuel eut lui-même un début d'existence assez sulfureux : officier de marine, il se reconvertit, après deux mariages successifs très mondains (avec une actrice américaine, puis la fille d'un ambassadeur soviétique), dans le journalisme. Tendance nationaliste, nuance (fortement) antisémite (entre autres, il dénonçait, le 28 mai 1935, une « juiverie occidentale, assaisonnée du ghetto d'Europe centrale »). Puis la sagesse vint : il se lança dans les affaires immobilières mais aussi dans celles liées au cinéma.
Nouvelle reconversion, pendant la guerre, dans la Résistance. Fondateur cette fois du mouvement Libération Sud, destiné à concurrencer le mouvement Combat de Frénay, jugé (à juste titre) très à droite, il dirigea le journal clandestin Libération qui publia dès janvier 1943 des «listes noires» de pétainistes à assassiner. Qualifiés, par L'Humanité qui publiait le même type de listes, de « monstres à abattre comme des chiens enragés ». De son côté, Maurice Schumann lançait les mêmes appels au meurtre sur les antennes de la BBC.
Emmanuel d'Astier avait gagné Londres en 1942, où le colonel Passy, chef des services secrets de la France libre, disait de lui qu'il faisait partie des « anarchistes en escarpins ». Ce profil faisait de lui un «compagnon de route» idéal pour les communistes. Elu député d'llle-et- Vilaine en 1945, il prit l'étiquette commode de "progressiste". Vice-président du Conseil Mondial de la Paix - l'une des efficaces courroies de transmission du Parti communiste -, il reçut en 1957 le « Prix Lénine pour la consolidation de la Paix ». En rétribution de ses bons et loyaux services.
✍ Pierre VIAL. Rivarol 31 octobre 2008

mercredi 19 novembre 2008

10 mars : la Vendée en armes

Dans l'après-midi du dimanche 10 mars 1793, le tocsin sonne dans les villages de Vendée. Tout un pays - plus de 7 000 paroisses, réparties sur 10 000 km² - se soulève contre la Convention. Armés de fourches, de bâtons, de vieilles canardières, de croix maniées comme des massues, les insurgés bousculent les représentants honnis du pouvoir parisien : prêtres « jureurs », municipalités aux ordres, receveurs des impôts. Les Vendéens réclament la liberté de conscience et le droit de rester chez eux, ce qui revient à rejeter deux mesures clés du gouvernement révolutionnaire, la constitution civile du clergé et la réquisition de 300 000 hommes pour étoffer les armées de la Révolution. Ainsi commence une guerre atroce.
Pourtant, en 1789, les Vendéens avaient fait bon accueil aux promesses de changement. Les cahiers de doléances avaient été rédigés dans l'allégresse et on y dénonçait - comme partout - les méfaits et les incohérences d'une administration centralisatrice qui, sans détruire d'anciens privilèges, en avait créé de nouveaux, et menait une politique systématique de répression et de pénalisation de toute forme d'initiative locale. Avec les Etat généraux, tout allait certainement changer... En Vendée, comme ailleurs, on voulait s'en persuader.
Mais viennent vite les désillusions et l'amertume. A l'évidence, les nouvelles autorités, murées dans leur dogmatisme doctrinal, se refusent à écouter les populations. Celles-ci sont d'autant plus exaspérées que les impôts passent du simple au double entre 1789 et 1792, sauf bien entendu pour certains malins... dont nombre d'élus municipaux, accusés par les habitants de se prostituer aux pouvoirs publics. Le feu couve et, dès le 21 octobre 1789, un décret a prévu l'application de la loi martiale contre les attroupements.
Le pouvoir central, avec la dernière maladresse, accumule les fautes. La constitution civile du clergé, en 1790, est perçue comme une atteinte aux libertés religieuses. Certaines municipalités, en butte à l'hostilité de la population, adoptent une attitude inquisitoriale pour repérer les perturbateurs et, contre ceux-ci, la délation est érigée en principe universel par la loi du 3 juin 1790, qui exige que les mal-pensants soient dénoncés aux autorités. Le pouvoir a peur : des fouilles domiciliaires, occasion de nombreuses exactions, cherchent à repérer les suspects. L'exaspération monte. Et lorsque, le 10 mars 1793, à Thouaré, le commissaire du district vient réquisitionner des hommes pour les armées de la République, il s'entend répondre : « Puisque nous sommes libres, nous ne voulons nous occuper que de labourer nos champs ». Les Vendéens ne font que prendre au pied de la lettre le texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Tout régime restreignant les droits de l'homme est abusif, il faut lui résister ».
Cette résistance va coûter à la Vendée le prix fort, le prix du sang et des larmes : ce qu'un historien, bravant les tabous, a osé, à juste titre, appeler « le génocide français ».
Car la Vendée a subi de plein fouet les conséquences de la profession de foi terroriste de Saint-Just : « il faut gouverner par le fer ceux qui ne peuvent l'être par la justice ». En vouant, par les sabrades, les camps d'extermination, les fours crématoires tout un peuple à l'anéantissement - femmes (en tant que « sillons reproducteurs ») et enfants (comme « futurs brigands ») compris - les colonnes infernales de Turreau ont bien mérité de l'idéologie des droits de l'homme.
✍ Pierre VIAL National Hebdo du 10 au 16 mars 1994
Pour approfondir : Reynald Secher, Le génocide franco-français. La Vendée- Vengé, PUF, 1986.

samedi 15 novembre 2008

(Clubs et Cercles) Les Maître de l'ombre

Aussi sélects que des clubs de bridge, aussi fermés que des cercles de jeux, il existe en France toute une série de comités, clubs, cercles, fondations ou commissions dont la quantité des effectifs est inversement proportionnelle à l'influence intellectuelle ou économique qu'ils exercent. Les réseaux qu'ils constituent sont ceux du vrai pouvoir.
Un pouvoir social-démocrate.
Le cercle d'influence ne doit pas être confondu avec le club politique. Certes, quelques-uns de ces derniers comme le club Vauban de Simone et Antoine Veil - du nom du domicile parisien du couple, place Vauban - réunissent de manière informelle des personnalités du monde politique en dehors des clivages traditionnels. Le discours pro-cohabitationniste que tenait Simone Veil dès 1985, et qu'elle reprend aujourd'hui, est étoffé par les contacts permanents qu'elle entretient, en son salon, avec les figures politiques du centrisme de Jacques Barrot à Lionel Stoleru, d'Olivier Stirn à Didier Bariani. « Travailler ensemble », envisager de possibles « coalitions » transcourants - la coalition conçue comme l'institutionnalisation de la cohabitation -, autant de thèmes récurrents issus de discussions en petits comités qui ne doivent rien à l'expression de la volonté populaire. ✑ Le pouvoir des medias La Fondation Saint-Simon est au contraire l'exemple type de ces sociétés de pensée efficaces et discrètes - seules de (rares) indiscrétions permettent de prendre connaissance des participants. Alain Minc est l'un d'eux. Il brasse les chiffres et les mots. Il dirige d'importantes sociétés, et écrit des livres. Il manage, et il pense. Roi de l'OPA, il conceptualise à tour de bras la nécessaire social-démocratisation du capitalisme. Minc est ce qu'on appelle un auteur à succès, surtout télévisé. Ses livres, La Machine égalitaire, L'Avenir en face, La Vengeance des nations, sont autant de titres dont tout le monde a entendu parler et que quelques-uns ont feuilletés ; rares sont ceux qui en ont pris réellement connaissance. Peu importe : sa médiatisation à outrance suffit à faire passer ses idées. Une médiatisation qui doit plus à ses réseaux qu'à l'originalité de son propos.
Dans sa copieuse notice du Who's Who, Minc ne mentionne pas son appartenance à la Fondation Saint-Simon. L'homme d'extrême centre y joue pourtant un rôle prépondérant.
Qui y rencontre-t-il ? Roger Fauroux, le p.d.g. de Saint-Gobain, Georges Kiejman, le ministre ami de Mitterrand, Serge July, le directeur de Libération, ou encore Jean-Claude Casanova, conseiller de Raymond Barre. Ensemble, il refont le monde. Comme tout un chacun dans les conversations de bistrot ? Pas exactement.
Quand, en 1984, la France « découvre la crise », télévision et journaux s'emparent du thème pour le retourner : cela donne Vive la Crise, un supplément de Libération et une émission de grande écoute avec Yves Montand destinés à expliquer aux Français que la crise que connaît le pays peut être tout à fait profitable en ce sens qu'elle est l'occasion d'une remise en question du système, et qu'avec de la volonté et de la solidarité, chacun en sortira plus fort et meilleur. Ce nouveau concept qui appelle à une sorte de rédemption et va relancer la machine capitaliste pour son plus grand profit est issu des
réflexions saint-simoniennes, ainsi que du Siècle, club concurrent mais aux idées proches. Deux espèces de franc-maçonnerie sans rite initiatique, mais où les conditions d'admission sont liées au statut social (élevé : financiers, directeurs de journaux, sociologues) et au pouvoir médiatique dont ils bénéficient, ainsi qu'à de « fermes » convictions social-démocrates et malthusiennes. ✑ Les maîtres du monde Ces cercles cependant, par leur action uniquement hexagonale, ne peuvent prétendre à contrôler l'ensemble de la planète. Cette ambition démente et est celle de la commission Trilatérale, fondée en 1973 par David Rockfeller.
« Une organisation de la sagesse au niveau international », dira Raymond Barre, membre dès sa création de cette organisation regroupant environ trois cents personnes : banquiers, hommes d'affaires, universitaires ou politiques d'Europe, des États-Unis et du Japon définis comme « les trois régions (sic) à économie de marché » qui ont pour projet commun... de devenir maîtres du monde. L'expression est-elle exagérée, pour une organisation qui prétend vouloir « harmoniser les relations politiques, économiques, sociales et culturelles entre [ces] trois régions » ? Et les exemples abondent de réussites fulgurantes et surprenantes.
Le cas de Raymond Barre est le plus étonnant. En 1973, il adhère à la Commission. L'année suivante, il est l'une des cinq personnes qui, au niveau international, organisent le premier sommet des pays industrialisés, qui va devenir le fameux G7 grand ordonnateur de l'économie mondiale. Et en 1976, il est nommé à la stupéfaction générale Premier ministre de la France, tandis que Jimmy Carter, lui aussi « trilatéraliste », accède à la présidence des États-Unis. Comme le dit Barre lui-même : « Tous ses membres [de la Trilatérale] ont eu des responsabilités avant, pendant ou après leur participation. Ils en ont tous tiré un grand profit. »
On pourrait encore citer le Bilderberg Group, organisation jumelle de la Trilatérale - Barre, Rocard, Stoleru, Attali ou Rothschild s'y côtoient -, ou le séminaire annuel de Davos, qui ont également pour fonction de réunir le top niveau de la politique et de la finance internationale, par-delà des frontières que la mondialisation de l'économie aurait rendues obsolètes, et loin du regard des peuples auxquels il n'est décidément pas possible de laisser le pouvoir de trancher des problèmes aussi complexes.
« Je ne crois pas, expliquait Raymond Barre, que les grandes conférences apportent des solutions aux problèmes économiques de notre monde. A moins qu'elles n'aient été préparées de longue date, et qu'on n'ait déjà pris toutes les décisions. » C'est tellement mieux quand c'est expliqué clairement. ✍ Philippe Gurson Le Choc du Mois. Décembre 1992

vendredi 14 novembre 2008

DREYFUS TOUJOURS ACTUEL

Il y aura cent ans, en octobre prochain, débutait l'affaire Dreyfus. En avant-première d'un anniversaire qui risque d'être commémoré abondamment et de façon univoque, François Brigneau a pris l'excellente initiative d'éditer un numéro de ses "Cahiers" consacré à l'affaire et proposant un historique concis mais détaillé, ainsi qu'une analyse "vue de droite" des prémisses et conséquences politiques de ce qui fut bien plus qu'un simple problème judiciaire. Il répond ici à quelques questions d"'actualité".
❍ National Hebdo : Si l'on pouvait résumer la thèse de votre Cahier, Dreyfus était peut-être innocent du crime de trahison mais les dreyfusards sont eux, à coup sûr, coupables de complot ou d'agression contre la France chrétienne et l'armée. Si complot il y a, qui en a été l'instigateur ?
❏ François Brigneau : A mon sens, il y a eu plutôt que complot une exploitation rapidement devenue gigantesque d'une affaire somme toute modeste, au départ. Les premiers à se mobiliser sont les frères du capitaine Dreyfus et à travers eux la communauté juive française. Je rappelle comment dès le 30 octobre 1894 - Dreyfus a été arrêté le 15 octobre - le grand rabbin de Paris, Zadoc Kahn, lié familialement aux Dreyfus, est reçu par le préfet de police, Lépine, qu'il adjure de tout faire pour éviter le conseil de guerre à Alfred Dreyfus sinon, dit-il, on verra « tout le pays coupé en deux, tous mes coreligionnaires debout et la guerre déchaînée entre les deux camps ». Et le grand rabbin ajoute aussitôt : « Quant aux moyens de la soutenir (cette guerre), vous pouvez vous fiez à nous ». Ensuite, à partir de la déportation de Dreyfus en Guyane, à l'île du Diable, la gauche radicale et franc-maçonne monte au créneau, parce qu'elle voit très vite dans cette affaire un moyen à la fois de se refaire une virginité après le scandale de Panama qui l'a abondamment éclaboussée, et d'attaquer les milieux politiques catholiques et nationalistes. C'est toute la démarche d'un Clemenceau, considéré comme fini politiquement après Panama, et à qui l'affaire Dreyfus permettra de redémarrer la carrière que l'on sait.
❍ Voyez-vous d'autres instigateurs ?
Il y a pu avoir le rôle de factions militaires françaises opposées les unes aux autres. La franc-maçonnerie a des relais dans l'armée pourtant largement dominée par le parti catholique ou monarchiste. On ne peut exclure des manœuvres d'intoxication des services secrets allemands, visant à désorganiser l'efficace service de contre-espionnage français mis en place après 1871 .
Mais à l'évidence ce qui est frappant dans l'affaire Dreyfus c'est le rôle joué par les lobbies progressistes ou juifs pour médiatiser et internationaliser la cause d'un obscur officier français. On peut même dire qu'il s'agit d'une première dans le genre. Je cite dans mon Cahier la réaction exemplaire à ce propos de Wilhelm Liebknecht. Exemplaire car Liebknecht, juif, est le fondateur du parti socialiste allemand et le père du dirigeant révolutionnaire allemand de 1917 Karl Liebknecht - et n'a vraiment pas le profil d'un antidreyfusard. Or, écrivant dans un journal socialiste viennois sur l'affaire en 1899, il dénonce de façon virulente le montage politico-médiatique et les "trucs" du parti dreyfusard, parle d'un « charivari bien répété (...) conduit par un chef d'orchestre au moindre signe duquel tous les exécutants obéissaient (...) Quand, dans tous les pays, cinq cents journaux de partis différents entonnent chaque jour, une fois, deux fois et plus, la même mélodie, il n'est vraiment pas possible de croire à un ''pur hasard", ou à de mystérieuses "sympathies" des nerfs et des âmes. »
Et Liebknecht, s'il ne nomme pas le "mystérieux chef d'orchestre", ajoute : « Ce qu'il y a de plus laid, de plus répugnant dans "l'affaire", dans ce truc de "l'affaire", c'est l'insincérité intérieure, la mensongère apparence de sainteté donnée à cette comédie de l'indignation, à la plus mensongère des comédies d'indignation ». Comment ne pas penser en lisant ces lignes à certaines récentes campagnes médiatiques ?
❍ L'innocence de Dreyfus est-elle à ce jour hors de contestation, ou y a-t-il eu des éléments nouveaux ? Dans votre Cahier vous rappeliez certains faits troublants. Quelle est votre position aujourd'hui ?
Toute l'historiographie récente reprend et développe la thèse de l'innocence de Dreyfus. Sur le fond, il faut rappeler la similitude de l'écriture de Dreyfus avec celle figurant sur le document trouvé à l'ambassade d'Allemagne et contenant des similitudes attestée par la quasi-totalité des experts graphologues des renseignements importants sur plusieurs aspects de notre défense nationale. Mais surtout il y a l'attitude de Dreyfus lui-même, qui se comportera vraiment, tant au moment de son arrestation que de son premier procès, comme un coupable : lors du test graphologique, il tremble soudain lorsque les enquêteurs lui dictent la liste des renseignements militaires livrés aux Allemands. Puis, décrété d'arrestation, il a cette phrase mystérieuse : « Je sens qu'un plan épouvantable a été préparé contre moi ». Par qui ? Il faut rappeler que Dreyfus était un des quatre ou cinq officiers stagiaires attachés aux quatre bureaux de l'état-major français et pouvant donc avoir accès aux renseignements confidentiels trouvés à l'ambassade d'Allemagne, qu'il lui a même reconnu - quitte à se rétracter ensuite - qu'il l'avait recopié pour son usage personnel certains de ces documents militaires. Enfin, juste après sa dégradation il confiera au garde Despert qui l'escorte : « Pour être coupable, je suis coupable, mais je ne suis pas le seul ».
Pendant l'affaire, les autorités allemandes défendront la thèse de l'innocence de Dreyfus, mais là il faut penser à ''l'intox'', de bonne guerre dans pareil cas. En ce qui me concerne, j'ai longtemps été convaincu de la culpabilité de Dreyfus mais serais moins affirmatif aujourd'hui.
❍ Est-ce que l'on peut dire que le clivage dreyfusards / antidreyfusards correspond absolument à celui opposant gauche et droite, maçonnerie et catholicisme ?
Il est vrai que des franc-maçons comme le ministre de la guerre Godefroy Cavaignac, le président du conseil Dupuy et jusqu'au président de la République Félix Faure ont été jusqu'au bout convaincus de la culpabilité de Dreyfus et opposés à la révision de ce procès. De même un des meneurs du parti dreyfusard, Waldeck-Rousseau, n'était pas un "frère", non plus que le très chrétien Péguy qui devint un ardent défenseur de Dreyfus. Même un nationaliste comme Urbain Gohier s'indigna des restrictions - il est vrai motivées par des considérations de sécurité militaire - apportées aux droits de la défense de Dreyfus.
Il est vrai encore que Jaurès s'est tout d'abord désintéressé de l'affaire, estimant même qu'on aurait pu fusiller Dreyfus, et qu'une autre éminente figure du socialisme français ; Jules Guesde, considérait que le petit capitaine ne méritait pas la compassion du mouvement ouvrier.
Il n'en est pas moins vrai que très vite les institutions maçonniques et les partis de gauche se sont engagés à fond dans la cause dreyfusarde, pour des raisons qui n'étaient toutes inspirées par la défense des droits de l'homme.
❍ Quelles ont été les conséquences de l'affaire ?
Au simple niveau militaire la destruction du service de contre-espionnage français, qui ne sera reconstitué qu'à partir de 1910, la désorganisation de l'état-major et la mise en place d'un "fIicage" franc-maçon et radical dans l'armée, comme en témoignera le scandale du fichage des officiers catholiques par le général progressiste André en 1904. La capitulation de Marchand à Fachoda devant les Britanniques en 1898 s'explique aussi par cette crise paralysant l'armée.
Sur le plan politique, l'affaire a permis à la gauche radicale et maçonne de faire oublier un passé de corruption, de conjurer la menace nationaliste et de gouverner le pays jusqu'à la guerre de 1914-1918. Elle lui a permis également de préparer l'opinion aux lois anticatholiques promulguées par Waldeck-Rousseau, puis par le "petit père" Combes en 1905.
Enfin en ce qui concerne le judaïsme, l'affaire a été le détonateur du mouvement sioniste : c'est en observant chez nous, où il était correspondant d'un journal autrichien, le déchaînement des passions et notamment de l'antisémitisme, que Théodor Herzl, juif autrichien d'opinion jusque là classiquement pangermaniste, va concevoir le principe d'un Etat juif accueillant toute la diaspora et résolvant ainsi - en principe - la question de l'antisémitisme des patries d'accueil des Juifs.
❍ Voici quelques années, les autorités militaires françaises ont fait un petit scandale en refusant que soit érigée à l'Ecole militaire une statue de Dreyfus sculptée par Tim le dessinateur de l'Express (1). Comment expliquez-vous leur attitude, près d'un siècle après les faits ?
Si prudents que soient aujourd'hui nos généraux, ils savent que l'armée a gardé de l'affaire Dreyfus avant tout le souvenir d'une agression, d'une mise en accusation de tout un corps. On lui a donné le mauvais rôle. Une telle statue en un tel lieu ne pouvait donc être perçue que comme une provocation et une humiliation.
(1) La statue se trouve reléguée dans un coin du jardin des Tuileries. Son auteur, Tim, est à l'évidence meilleur dessinateur politique que sculpteur.
Dans son Cahier François Brigneau relate la visite faite par Waldeck-Rousseau, député républicain de gauche, futur président du conseil et par ailleurs chef de file de la cause dreyfusarde, à Louis Ménard, greffier en chef auprès de la Cour de cassation. Nous sommes en 1898 et tout le parti dreyfusard s'affaire à obtenir la révision du procès de son héros (lequel sera condamné une seconde fois puis immédiatement gracié en 1899). Voilà donc ce que dit à Ménard ce grand défenseur des droits de l'homme et de Dreyfus qu'est Waldeck-Rousseau : « Je viens vous parler de l'affaire Dreyfus, dont vous allez avoir à vous occuper. Ce n'est pas que Dreyfus nous intéresse, mais nous voulons profiter de cette circonstance pour faire une armée républicaine et démolir l'état-major qui n'est composé que de cléricaux, de jésuites et de réactionnaires ( ... ). Nous sommes sûrs de réussir. Ceux qui seront avec nous auront ce qu'ils voudront. Tant pis pour les autres. »
Les voies de l'humanisme sont impénétrables!
François Brigneau : Mon affaire Dreyfus, ses causes, ses conséquences.
A commander aux publications FB : 24 rue de l'Amiral-Roussin, 75015 Paris. 72 pages
✍ National Hebdo Semaine du 27 janvier au 2 février 1994

mardi 11 novembre 2008

Esclavagisme et cannibalisme : Mots et maux tabous

Entre les ravages de l'ouragan Katrina sur la Nouvelle-Orléans et les incendies des logements insalubres à Paris, les populations noires nous sont désignées comme les victimes expiatoires d'un monde occidental barbare. Pour résumer les propos simplistes des médias : les Blancs martyrisent encore et toujours les Noirs. Mais il y a une autre réalité, taboue celle là : les Noirs martyrisent les Noirs. En Afrique, le cannibalisme et l'esclavagisme se portent très bien.
Ce sont des propos rares, des sujets rarement abordés car les évoquer vous range assurément dans le camp des racistes primaires. La réalité du cannibalisme, comme celle de l'esclavagisme, sont taboues dans le monde occidental. On les trouve évoquées dans la rubrique «fiction» des magazines, à la page des romans, pas dans celle des « faits de société ». Pour l'énoncé des faits, il faut chercher sur Internet, sur afrik.com, par exemple. Ailleurs, sauf exception, on évite prudemment d'aborder la question.
☞ « Il ne faut pas avoir peur de dire les choses »
Le Nouvel Observateur (1/9) s'y est pourtant risqué, dans son dernier numéro, en donnant la parole à une romancière camerounaise. Léonora Miano, qui vit en France depuis quinze ans et y a fait des études de lettres, vient en effet de publier un roman que l'Obs qualifie d'« excellent et terrifiant » où elle traite du cannibalisme. « Je pensais que de telles pratiques avaient disparu, mais à la faveur des conflits les plus récents, comme au Rwanda ou en Ouganda, des traditions très anciennes ont resurgi », dit-elle. Les diverses enquêtes menées ces dernières années l'ont montré, le cannibalisme est fréquent au cours des guerres, lesquelles sont essentiellement d'origine ethnique. « Sinon, en dehors des conflits, le sacrifice humain prend la forme de meurtres rituels commis au nom de croyances religieuses ». Cette magie noire, dit la romancière, « qui vise à la quête du pouvoir ou a l'asservissement des personnes, se pratique en Afrique du Sud, où l'on prélève même des organes sur les enfants vivants : on est persuadé que leur cri atteint les esprits ». C'est aussi en Afrique du Sud qu'on viole et tue en nombre des nourrissons pour se débarrasser sur eux du sida. Ailleurs, on croit « qu'enterrer l'estomac [ou les parties génitales] d'un être humain sous un commerce fait venir le client. De tels sacrifices sont aussi commis par les populations bantoues dans des pays comme le Nigeria, le Kenya, le Liberia... ».
Au journaliste qui lui demande les raisons du silence des médias français sur « ces choses », Léonora Miano répond : « C'est parce que les communautés africaines de France ne commettent pas de tels actes sur le territoire français. En Grande-Bretagne, en revanche, où se regroupe une forte population d'origine nigériane et kenyane, on retrouve parfois des cadavres d' enfants assassinés ».
☞ « Ce retour à l'âge de pierre est comme un suicide »
Sur le fait d'oser nommer ces actes - la barbarie -, L. Miano déclare : « Il ne faut pas avoir peur de dire les choses et surtout, pour vous Occidentaux, de dépasser le complexe lié à la colonisation. Il faut oser dire que les Africains commettent un crime contre l'humanité en tuant leurs enfants. Nous avons tendance, en Afrique, à désigner l'Occident comme le grand coupable de tous nos maux. Or l'Afrique est peut-être armée par l'Occident mais, que je sache, jamais un occidental n'a dit à un Africain de découper ses enfants en morceaux ni à un dictateur de massacrer son peuple ». Ce retour à l'âge de pierre, dit-elle, « est comme un suicide », et « c'est aux Africains de le dire ».
On a beaucoup parlé du Niger, ces dernières semaines. Ce pays, qui cumule les records (c'est l'un des plus pauvres de la planète, les femmes y détiennent le record mondial de fécondité) est en proie à la famine. Mais si le magazine National Geographic de septembre y consacre dix pages, ce n'est pas pour cette raison. C'est pour une autre, encore plus funeste : depuis mai 2004, le Niger « est devenu le seul pays d'Afrique de l'Ouest-francophone à s'être doté d'une loi criminalisant spécifiquement l'esclavage et prévoyant des amendes dissuasives ». De là à appliquer la loi et réduire à néant une pratique multiséculaire, il y a sans doute des distances intersidérales à franchir...
☞ Mauritanie, Bénin, Togo, Mali, Burkina Faso et surtout Niger... C'est le grand marché aux esclaves
En fait, « aucun chiffre officiel sur l'esclavage n'émane de l'Etat » nigérien et l'on ne peut que demeurer perplexe devant les propos tenus en mars dernier par le président de la Commission nationale des droits de l'homme, qui déclarait : « Toute tentative de libération officielle d'esclaves s'avère illégale et inacceptable dans notre pays (...) tous ceux qui le feront subiront la rigueur de la loi ». Et quinze jours plus tard : « L'esclavagisme est une réalité qu'il faut absolument combattre ». Un esclavagisme qui fait bon ménage avec la loi islamique. Ainsi, la tradition « permet à un homme marié à quatre femmes de prendre en cinquième noce une esclave sexuelle ». Ces femmes sont la risée des épouses libres, qu'elles servent. Pire : « les servantes d'un chef sont offertes à ses filles en cadeau de mariage. C'est une chaîne ». Une chaîne qu'on ne peut briser, notamment parce que les enfants de ces femmes, réduites au rôle de ventre servile, « n'ont pas d'acte de naissance ». De plus, aucun homme libre ne veut épouser une esclave, sachant que, « le jour où ils auront des enfants, le maître de leur femme pourra les revendiquer comme ses biens ».
lis seraient ainsi plusieurs centaines de milliers d'esclaves, circulant de main en main et plus souvent de lit en lit, servantes ou travailleurs des champs, achetés et revendus sur les marchés pour quelques centaines d'euros. C'est principalement en Afrique de l'Ouest - Bénin, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Guinée et Tchad pour les pays francophones que persistent ce que les locaux appellent pudiquement des « activités traditionnelles ». Des pays où, on l'a vu, sévit également cette autre tradition qu'est le cannibalisme. Et l'on peut penser que ce sont plus souvent les enfants d'esclaves qui se retrouvent au fond de la gamelle ou dépecés chez le fabricant de grigris.
Comme dit Léonora Miano, jamais l'Occident n'a demandé aux Africains de se livrer à cela.
✍ TOPOLINE National Hebdo du 8 au 14 septembre 2005

mardi 4 novembre 2008

Qui est l'auteur de la musique de la Marseillaise ?

Jean Frédéric Edelmann, compositeur célèbre du XVIIIe siècle guillotiné sous la Terreur, exhumé de l'oubli par la claveciniste Sylvie Pécot-Douatte. Serait-il l'auteur de la musique de « La Marseillaise » ?

(Extraits de la conférence de Monique Pécot du 1er août 2006 à Sassetot-le-Mauconduit).

Au cours d'une série de concerts sur le thème « Monuments en musique » qu'elle donnait à la Conciergerie, Sylvie Pécot-Douatte (1), soucieuse de varier son répertoire pour le clavecin, recherchait des oeuvres peu connues. C'est ainsi qu'elle découvrit des pièces pour clavecin d'un certain Edelmann qui n'étaient pratiquement jamais sorties des réserves de la Bibliothèque Nationale. En déchiffrant les différentes oeuvres, elle tomba sous le charme d'une musique à la fois brillante, exaltée, sentimentale, aux accents romantiques, donc tout à fait novatrice pour cette fin du 18ème siècle. Sa surprise fut d'autant plus grande qu'elle découvrit que ce compositeur avant d'être guillotiné pendant la Grande Terreur avait séjourné dans le lieu même où elle donnait ses concerts. Passionnée par le personnage, Sylvie Pécot-Douatte s'est attachée à faire revivre ce compositeur dans un livre (2) après des recherches dans les différentes Archives Nationales et aussi à faire connaître ses oeuvres musicales dans des enregistrements discographiques (3) et au cours de concerts.

Jean-Frédéric Edelmann est né à Strasbourg en 1749 dans une famille protestante de facteurs d'orgues et de clavecins. Il fut élève du gymnase protestant de la ville en même temps que son ami Frédéric de Dietrich, le futur maire de Strasbourg puis étudiant à l'Université Protestante où ils obtiendront tous les deux leur diplôme de droit ainsi que Goethe qui fut leur condisciple. Edelmann et de Dietrich partageaient deux passions, la musique, et les idées de progrès de « l'Europe des Lumières ».

Comme la plupart des compositeurs de la fin du 18ème siècle, Edelmann compose tout d'abord pour le clavecin. A l'âge de 25 ans, déjà célèbre, il s'installe à Paris. Ses compositions plaisent et il est très recherché dans les familles aristocratiques pour l'enseignement du clavecin. Sa célébrité dépasse les frontières. Ainsi, en 1777, Mozart écrit : « J'ai joué des fantaisies et de jolies pièces d'un certain Edelmann. ». Dans Le Mercure de France on lit en 1775 : « Les sonates du premier opus sont composées dans un style excellent... Jean-Frédéric Edelmann enseigne le clavecin, le piano et les règles de l'accompagnement avec beaucoup de succès et dans la manière des meilleurs maîtres italiens ».

Vers 1778, la vie musicale d'Edelmann connaît un tournant. Il a une grande admiration pour Gluck que Marie-Antoinette a fait venir à Paris. Il transcrit pour le pianoforte de nombreuses oeuvres de ce compositeur d'opéra. Lorsque Gluck rejoindra Vienne, il confiera à Edelmann son élève, Etienne Méhul, qui deviendra célèbre par la suite. Edelmann lui enseignera la maîtrise du clavecin et la composition. Un autre des élèves d'Edelmann, Louis Adam, deviendra un professeur réputé au Conservatoire National Supérieur de Paris.

Outre 16 opus de sonates pour clavier, Edelmann composera, sur la trace de Gluck, 4 opéras, dont « Arianne dans l'Isle de Naxos » qui eut beaucoup de succès de son vivant et sera encore joué après sa mort jusqu'en 1830 : il composera aussi un oratorio, « l'oratorio Esther », des sinfonias et des concertos pour pianoforte et cordes. A partir des années 1776 ses sonates sont par la forme et leur tonalité plus destinées au pianoforte, nouvel instrument, dont Edelmann est un des principaux propagateurs en France. Le pianoforte est, en effet, l'instrument de musique adapté à l'époque de transition qu'est la fin du XVIIIe siècle, entre Lumières et Romantisme. Cet instrument à cordes frappées répond par ses améliorations techniques aux attentes des mélomanes et des compositeurs avides de nouveautés dans les domaines de l'expression et de la virtuosité. Son amélioration ultérieure par Erard en 1822 a donné naissance au piano moderne. Les compositions de Jean-Frédéric Edelmann s'inscrivent pour certaines dans la lignée classique de Couperin et de Rameau mais présentent très vite des audaces harmoniques aux accents beethoveniens qui sont mieux exprimées sur le pianoforte ou le piano. C'est pourquoi Sylvie Pécot-Douatte a enregistré les sonates, suivant leur nature, sur le clavecin, le pianoforte ou sur un piano du tout début du XIXe siècle.

La plupart des sonates d'Edelmann ont été dédiées à ses élèves de la noblesse mais aussi à des amis, tels Monsieur de Rayneval, l'intendant pour la musique du roi à Versailles, où il avait présenté ses oeuvres, ou le baron et la baronne Frédéric de Dietrich.

Lorsque la Révolution survient en 1789, Edelmann adhère complètement aux idées nouvelles de liberté et d'égalité. Il retourne à Strasbourg où il rejoint son ami de Dietrich élu maire de la nouvelle municipalité. Tous deux, ainsi que son frère Louis, deviennent membres de la Société des Amis de la Constitution. A la demande du maire, Edelmann compose un hymne pour la Fête de la Fédération en 1790 qui fut à Strasbourg comme presque partout en France un succès populaire. Mais, à la suite de la fuite du roi et de son arrestation à Varennes, la Société se scinde en deux en raison essentiellement des divisions concernant le statut du roi : monarchie constitutionnelle dont est partisan F. de Dietrich (Feuillants), ou république, pour laquelle penchent J.F. Edelman et son frère (club des Jacobins).

La présence de troupes étrangères aux frontières, comptant dans leurs rangs des émigrés, entraîne la déclaration de la guerre à l'empereur d'Autriche le 20 avril 1792. Un élan pour défendre la patrie en danger galvanise les Français, notamment à Strasbourg, ville frontière, où la nouvelle est arrivée le 25. Ce soir-là, comme chaque semaine, les Dietrich reçoivent à dîner un groupe d'officiers français dont le lieutenant Rouget de Lisle. Lors de ces soirées, on faisait de la musique après le dîner : la baronne, ancienne élève de Gluck, se mettait au pianoforte et le baron chantait de sa voix de ténor. Dans leurs lettres de remerciements, les invités se contentèrent de dire qu'on avait beaucoup parlé de guerre. Selon des récits apocryphes, dans l'effervescence due à la déclaration de la guerre, Dietrich aurait demandé à Rouget de Lisle de composer un chant de guerre. Les répétitions auraient eu lieu le lendemain soir. Le tableau d'Isidore Pils « Rouget de Lisle chantant la Marseillaise chez de Dietrich » qui date de 1849 lui aurait été inspiré par un texte de Lamartine « L'histoire des Girondins » dont la vérité historique a été très contestée; en effet, le chant dédié au Maréchal Lukner, commandant l'armée du Rhin, s'appela à sa création « Chant de guerre pour l'Armée du Rhin » et c'est Dietrich et non Rouget de Lisle qui l'aurait chanté. Les descendants de de Dietrich sont intervenus par la suite auprès de Lamartine pour rétablir la vérité.

Au cours de ses recherches, Sylvie Pécot-Douatte a constaté que la paternité de « La Marseillaise » a été et est encore de nos jours très contestée. Les paroles au vocabulaire outrancier dû à l'imminence de l'invasion étrangère ont été à l'évidence inspirées par une affiche de la Société des Amis de la Constitution placardée sur les murs de Strasbourg où on lisait : « Aux armes, citoyens ! L'étendard de la guerre est déployé... Il faut combattre, vaincre ou mourir... ». Et une citation de Boileau : « Et leurs corps pourris dans nos plaines n'ont fait qu'engraisser nos sillons ». Qu'en est-il de la composition ? Dans le dictionnaire Larousse, on peut lire à Rouget de Lisle : « Il écrivit en 1792 les paroles et (peut-être) la musique du chant de guerre devenu La Marseillaise ». Sur la partition originale éditée par la Municipalité fin avril 1792 aucun nom d'auteur n'est indiqué ! Quelques noms de candidats possibles ont été avancés. On a pensé à Ignace Pleyel, ami de Rouget de Lisle (hypothèse avancée aussi par Gonzague Saint Bris, octobre 2006) mais il était à Londres à ce moment-là. En 1836, Arthur Loth l'attribue à J.B. Grisons, chef de maîtrise à la cathédrale de Saint-Omer. Dans son ? Oratorio Esther qu'il aurait composé en 1787 une mélodie est très proche de celle de La Marseillaise. Cependant, bien que vivant pendant la Révolution, il n'a jamais revendiqué cette mélodie ! En outre, Sylvie Pécot-Douatte a été très intriguée par une lettre du grand compositeur d'opéra Grétry à Rouget de Lisle dans laquelle il le remercie pour son envoi d'une copie de La Marseillaise. On y lit : « Votre hymne est chanté dans tous les spectacles, mais, à propos, vous ne m'avez pas dit le nom du musicien. Est-ce Edelmann ? ». La paternité d'Edelmann pour la musique de La Marseillaise a paru d'autant plus plausible à Sylvie Pécot-Douatte qu'il existe un mystère concernant son oratorio Esther composé en 1782, chanté cette année-là dans la nouvelle salle d'opéra et dont la mélodie était, selon des spectateurs, très proche de celle de La Marseillaise. Curieusement, l'Oratorio Esther est la seule oeuvre d'Edelmann dont elle n'a pu retrouver le manuscrit !

Les premiers revers de l'armée française pendant l'été 1792 précipitèrent la chute de la royauté qui fut décrétée le 10 août. Dietrich resté fidèle à la Constitution est alors décrété d'accusation et interné. Bien qu'acquitté par le Tribunal de Besançon, il est transféré à Paris puis conduit à l'échafaud le 27 décembre 1793 après un bref passage lui aussi à la Conciergerie.

Edelmann devenu en 1792 président du club des Jacobins de Strasbourg, est bientôt débordé et mis en accusation par les éléments jacobins extrémistes de Strasbourg et de Paris. Considérés comme suspects, les deux Edelmann sont arrêtés comme espions, relâchés pendant quelques jours, puis envoyés à la Conciergerie à Paris. Après un procès sommaire signé Fouquier-Tinville, ils sont condamnés à mort : « Pour avoir soutenu les partisans de Dietrich; pour s'être élevés contre la suspension arbitraire de la municipalité de Strasbourg... ; pour avoir souffert les réclamations contre les représentants en mission de Paris... ».

Les deux frères sont guillotinés à la barrière du Trône le 17 juillet 1794, 7 mois après leur ami Dietrich et le maréchal Lukner et 8 jours avant la chute de Robespierre. Dans le même convoi de condamnés, il y avait les 16 carmélites de Compiègne, tous inhumés dans les deux fosses communes du cimetière de Picpus parmi les 1.306 victimes exécutées entre le 14 juin et le 27 juillet 1794.

Edelmann eut un fils, Jean-Frédéric, né 7 mois après la mort de son père. Après l'obtention de son prix du Conservatoire de Paris, il s'expatria à Cuba où il fut un pianiste réputé. Il y créa une maison d'édition de musique.

Sylvie Pécot-Douatte a donc réussi par un travail de recherche très sérieux et aussi en tant que concertiste à réhabiliter la mémoire d'Edelmann, musicien méconnu, et à faire connaître et apprécier sa musique novatrice qui peut être qualifiée de préromantique.

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(1) - Sylvie Pécot-Douatte, licenciée en musicologie de la Sorbonne, prix de clavecin du Conservatoire National Supérieur de Paris, a participé à la création de plusieurs ensembles orchestraux. Elle était professeur de clavecin au Conservatoire de Compiègne. Elle est décédée en janvier 2004.
(2) - Son livre : « A la recherche d'Edelmann, le musicien guillotiné », Ed. L'Harmattan, collection Univers musical, 2003.
(3) - Sa discographie sur Jean-Frédéric Edelmann :
7 sonates pour clavecin (CD Calliope CAL 9237 - 1998) ;
Sonates 5 et 7 pour pianoforte (CD Calliope CAL 9236 - 1999) ;
Sonates 6, 8 et 10 pour piano (CD Calliope CAL 9296 - 2000).