La Femme celte
Durant toute l’époque gauloise, les femmes avait une indépendance économique totale. En effet, La société celte admettait la propriété individuelle mobilière à côté d’une propriété foncière collective. Elles pouvaient donc posséder des biens propres consistant en objets utilitaires, en bijoux et en têtes de bétail. Les femmes pouvaient donc user de ce droit de propriété à leur guise, aliéner sans contraintes les biens acquis, en acquérir d’autres. Lorsqu’elles se mariaient, elles conservaient leurs biens personnels et elles les reprenaient en cas de dissolution du mariage.
Le mariage celte était d’ailleurs une institution souple, résultat d’un contrat dont la durée n’était pas forcément définitive. Les femmes choisissaient librement leur époux. Comme dans toutes sociétés, il arrivait que des parents voulussent arranger le mariage pour des raisons d’opportunité économique ou politique. Mais même dans ce cas, elles avaient leur mot à dire.
Le mariage, en tant que contrat, n’était au fond que très provisoire et pouvait être rompu à tout moment. C’est dire que le divorce était extrêmement facile. Si l’homme décidait d’abandonner sa femme, il devait s’appuyer sur des motifs graves. S’il n’en avait pas, il devait payer des compensations très élevées, exactement comme dans un cas de rupture abusive de contrat. Mais, de son côté, sa femme avait le droit de se séparer de son mari quand celui-ci la soumettait à des mauvais traitements ou entretenait au domicile une concubine qui ne lui plaisait pas.
Les enfants pouvaient hériter aussi bien de leur mère que de leur père. Les filles n’étaient point écartées de la succession comme ce sera plus tard le cas avec la loi des Francs.
Les riches tombes retrouvées en France (Comme celui de la Dame de Vix) et les écrits des écrivains romains montrent que les femmes celtes pouvaient arriver au pouvoir par leur sagesse, leur audace et leur autorité. C’est ainsi que Boadicée (Qui combattit les romains vers l’an 60 en Bretagne) et Cartimandua (Qui fit alliance avec Rome à la même époque) nous sont connues par les historiens latins.
Les écrivains de l’Antiquité gréco-romaine ont été frappés par l’aspect redoutable et par l’ardente personnalité des femmes gauloises, toujours prêtes à intervenir dans une querelle pour défendre leurs droits et les droits de leur mari, participant même au combat, telles des furies déchaînées.
Suivant la grande tradition des sociétés du Paléolithique européen, la philosophie du druidisme (la religion des Celtes) s’appuya sur la vénération de la Déesse mère, la Grande Déesse primordiale. De ce fait, la société celte insistait sur le caractère de souveraineté des femmes, cet être mystérieux, à la fois agréable et redoutable, et doué du pouvoir de donner la vie. De là l’égalité entre les hommes et les femmes avec une prééminence pour la femme.
La Femme & le Droit romain
La colonisation romaine et l’introduction du droit romain de la famille en Gaule fut un changement radical. En raison de la « fragilité de son sexe », mais plus exactement par peur de l'influence qu'elle pourrait exercer notamment dans la vie de la cité, la femme romaine reste une éternelle mineure, soumise d'abord à la tutelle de son père, puis de son mari, et retombant sous la tutelle de ses frères en cas de veuvage. Sa condition rejoint celle des esclaves.
Le père choisissait l’époux de sa fille sans qu’elle ait son mot à dire. Le mari avait sur elle tous les droits, y compris, en théorie du moins, le droit de mort. Il pouvait la traduire devant un tribunal familial et l'y faire condamner en cas de faute grave, par exemple en cas d'adultère, bien entendu, mais aussi lorsqu'elle avait bu du vin, ce qui lui était rigoureusement interdit.
La société romaine, avec son droit de la Famille, avait donc une mentalité profondément discriminatoire envers les femmes. Ce droit familial évolua légèrement à la fin de la République. Certes, la femme restait encore sous l'autorité de son père, mais le mariage l'en affranchissait pour toujours. Pour les femmes de la haute société, le mariage sous le régime de la séparation de biens fut introduit. Elle put gérer sa fortune sans le contrôle du mari, disposant librement de sa personne et de ses biens.
En Gaule, le droit familial romain ne toucha que la province sénatoriale de la Narbonnaise (Actuelle Provence et Languedoc) et les quelques gaulois ayant réussi à obtenir la citoyenneté romaine (En fait les élites locales et les marchands).
L’apport du Christianisme
Le christianisme apporta une toute nouvelle façon de considérer la femme. Les signes et les paroles de Jésus-Christ s’adressaient aux hommes et aux femmes sans distinction. Dès les débuts de l’Église, les péchés de tous, homme ou femme, étaient pardonnés de la même manière pour tous. Le même paradis leur était promis. Droits et devoirs du chrétien étaient identiques pour tous.
Jésus n’avait pas hésité à protester contre tout ce qui offensait leur dignité. Il avait même établi avec les femmes de son époque un rapport de liberté et d’amitié (Marthe et Marie, par exemple). S’il ne leur attribua pas le même rôle apostolique qu’à ses disciples masculins, il a fait d’elles les premiers témoins de sa résurrection et les a valorisées par l’annonce et la diffusion du Royaume de Dieu pour lesquels elles jouèrent un rôle essentiel (Marie-Madeleine, notamment).
« Il n'y a ni esclave ni homme libre ni femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus » (saint Paul).
C’est dans ce contexte du début de l’ère chrétienne que Cécile et Agnès, à Rome, et de nombreuses autres femmes, osèrent proclamer leur liberté personnelle au nom de Jésus Christ. Elles le payèrent de leur vie. Elles s’opposèrent à l’autorité paternelle injuste, aux pressions familiales et aux habitudes séculaires de vivre un mariage forcé. Elles avaient choisi de consacrer leur vie et leur virginité à l’amour de Jésus-Christ. L’Église prit leur défense et fit tout ce qu’elle put pour que leur choix soit respecté. Mais il fallut du temps et de nombreux martyrs pour que les mœurs changent et que l’idéal chrétien puisse être respecté par les autorités civiles.
La Femme du Moyen-âge
Le droit coutumier médiéval reconnaissait l’égalité juridique entre les hommes et les femmes à tel point que les femmes ayant le statut de servage (Paysans attachés à un manse servile, terre qu'ils cultivent et ne peuvent quitter) pouvaient posséder des biens propres.
Régine Pernoud a démontré que la femme occupait, dans la société médiévale, une place éminente, quoique différente de celle de l’homme. Le culte marial, qui se développa à partir de cette époque, symbolisait la dignité féminine. Le Moyen Âge se termine d’ailleurs sur l’image d’une femme exceptionnelle, Jeanne d’Arc. Celle-ci n’aurait jamais obtenu, dans les siècles suivants, l’autorité qu’elle a exercée en son temps.
L’Église a encadré l’institution du mariage dans un sens particulièrement favorable aux plus faibles, parfois contre les mœurs dominantes de l’époque. Les théologiens ont veillé à ce que le consentement des deux époux soit librement exprimé, à l’exclusion de celui de leurs parents, pour former un mariage valide. Si plus tardivement, le renforcement du pouvoir royal redonnera un rôle aux parents, la brutalité du « rapt de séduction » et du mariage forcé sont donc exclus autant que possible par les règles instituées par l’Église dès l’époque médiévale, qui consacre une notion d’intérêt supérieur des époux. Pour certains, le consentement devait même être l’unique élément fondateur d’un mariage, indépendamment de toute relation charnelle et contrairement au droit germanique qui fondait le mariage sur la conjonction des corps.
Les juges ecclésiastiques ont élaboré des théories compréhensives fort défavorables aux hommes volages, préservant les femmes du déshonneur. Dans une première hypothèse, l’homme et la femme étaient regardés comme unis par les liens du mariage dès lors qu’ils s’étaient engagés par ce que l’on nommait les « paroles du présent », et la règle de l’échange des consentement en public, devant l’église et assorti d’une bénédiction nuptiale ne s’imposera que plus tard. Mais pragmatiques et prévenants, les théologiens ont aussi considéré comme valablement mariés les amants qui, après la simple promesse d’un engagement ultérieur, dite « paroles du futur » ou fiançailles, succombaient à la chair !
L’Église médiévale n’hésitait pas à accorder du pouvoir aux femmes. L’ordre monastique de Fontevrault, fondé au XIIe siècle, était une communauté religieuse mixte. Les moines et les moniales vivaient dans des maisons séparées, mais ils étaient sous la direction commune d’une abbesse plutôt que d’un abbé. Le monastère de Fontevrault fut supprimé par la Révolution française de 1789.
Malgré ce qu’en ont dit les historiens de la Troisième République, Plusieurs femmes, religieuses ou laïques, ont enrichi les sciences et les arts de ce temps, montrant ainsi leurs implications dans la société de l’époque :
- Héloïse dans l’étude des langues anciennes (Vers 1092 – 1164) : Première femme à suivre l’enseignement des Arts libéraux ; fondatrice de l’Abbaye bénédictine de Paraclet (premier ordre monastique doté d'une règle spécifiquement féminine)
- Hrotsvitha de Gandersheim dans le théâtre et la poésie (Xe siècle), connu pour ses pièces de théâtre qui ont étonné par leur ton, inattendu de la part d’une moniale : ces pièces, qui regorgent de miracles et d’interventions célestes, recèlent aussi des déclarations d’amour enflammées, des passages drôles, des héros attachants, qui font passer sa rigidité de pensée.
- Hildegarde de Bingen (1098 – 1179), compositrice de musique, naturaliste et médecin qui fit la synthèse des auteurs classiques et inventa la Théorie des quatre humeurs. Connue également pour ses intuitions pénétrantes ou des idées à venir sur la physiologie humaine : comme l'affirmation que la Terre tourne autour du Soleil, placé au centre du monde, que les étoiles fixes sont en mouvement, et que le sang circule dans le corps.
- Dhuoda (vers 800 – après 843) en pédagogie avec son traité d'éducation, le premier connu pour le Moyen Âge, est écrit à Uzès, de 841 à 843.
- Herrade de Landsberg, auteure et illustratrice de l'Hortus deliciarum (Le Jardin des délices), composé entre 1169 et 1175. Première encyclopédie écrite par une femme, c'était un superbe manuscrit à vocation essentiellement didactique et de formation de ces moniales, formant ainsi un tout premier recueil à l'intention exclusive de la formation des femmes (Détruit à Strasbourg en 1870).
- Et tant d’autres.
Avec la renaissance, c’est le retour du droit romain du pater familias
A partir du XIVe siècle, la Renaissance italienne a remis au gout du jour le Monde romain et le Droit romain de la famille. Le pouvoir absolu du pater familias, comme dans l’Antiquité païenne a ainsi été institué comme norme.
A partir de 1450, le déclin du statut juridique et social de la femme était acquis. Un fait illustre cette régression. Au Moyen Âge, la reine de France était couronnée à Reims, à l’égale du roi ; mais cette tradition a disparue après 1610. Déjà en 1593, un édit du Parlement de Paris avait interdit aux femmes toute fonction dans l’État, généralisant cette nouvelle pratique à l’ensemble du Royaume de France.
Au siècle des Lumières, la femme « Objet et accessoire à consommer ou à utiliser »
Il serait naïf de penser que l’émancipation de la femme actuelle soit due aux représentants du siècle des Lumières, bien au contraire. Leur vision sur la « race féminine » apparaît comme infâme et scandaleuse à nos esprits d’aujourd’hui, puisqu’ils la citent banalement, sans honte, parmi des objets et accessoires à consommer ou à utiliser. « Cela commence, précisément, dès l’état de nature de Rousseau, dont le sauvage, « pour seuls biens », explique-t-il, « connaît la nourriture, une femelle et le repos ». (…) Diderot établit ses ambitions à « un carrosse, un appartement commode, du linge fin, une fille parfumée ». (…) La chosification instrumentalisante de l’être féminin peut aller loin, parfois. Nous pensons par exemple au frère cadet de Mirabeau, qui d’une de ses « conquêtes » fait écrire au héros de sa Morale des Sens : « C’est un meuble de nuit, dont le jour on ne sait que faire. » (…) Et Sade d’utiliser cette métaphore : « Je me sers d’une femme par nécessité, comme on se sert d’un vase dans un besoin différent. » (…) Le fameux vers si désinvolte de Musset : « Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. » (…) D’autres diagnostiquent dans l’imposition du rapport sexuel à « l’espèce femelle » (comme sans élégance écrira Voltaire), un droit primordial » (X. Martin, L’homme des droits de l’homme et de sa compagne (1750-1850), Éditions Dominique Martin Morin, 2001, p. 68, 69, 114).
Les fameux Droits de l’Homme et du citoyen, proclamés en France en 1789, n’avaient été alors pensés et établis que pour le mâle. Dans ce contexte difficile pour les femmes, quelques-unes luttèrent fortement pour obtenir d’être entendues. L’une d’elles fut Olympe de Gouges (1748-1793), femme de lettres, dramaturge, pamphlétaire et politicien française. Non seulement elle s’est battue pour l’abolition de l’esclavage des Noirs, mais elle écrivit aussi La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne (1791), dont les premiers mots sont : « Homme, es-tu capable de justice ? Une femme te questionne ! »
Le code Napoléon scelle le destin des femmes pour 170 ans !
Le déclin de la condition féminine a culminé avec le Code Napoléon (1804), qui réduisait la femme mariée au rang de personne mineure ; code inspiré du droit justinien, œuvre d’un empereur byzantin du VIème siècle, qui faisait de la femme un être « perpétuellement inférieur ». Il faudra attendre 1973 pour que les femmes puissent ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari !
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