Laure, Constance, Pierrette, Gatet naît le 19 juillet 1913, à la Maison-Dieu, commune de Boussac-Bourg (Creuse), dans une famille d’enseignants. Elle passe son certificat d’études primaire à Boussac, reçue première du canton. Dispensée de sixième, elle suit sa cinquième et sa quatrième au lycée d’Aurillac (Cantal), puis la troisième, la seconde et la terminale au collège de jeunes filles de Périgueux (Dordogne) ; son père y est alors directeur de l’École normale d’Instituteurs. Laure Gatet obtient le baccalauréat de Philosophie en 1931, puis poursuit des études universitaires à Bordeaux (Gironde).
D’abord docteur en pharmacie (1937), elle se tourne vers la recherche en biochimie et devient l’assistante du professeur Louis Genevois à Bordeaux, auprès duquel elle obtient le doctorat ès-sciences en janvier 1940 (thèse sur la maturité des raisins).
Étudiante, elle milite dans le groupe catholique du père Dieuzayde, prêtre jésuite français, aumônier de l'Association catholique de la jeunesse française (ACJF) dans l'entre-deux-guerres qui s’engagea dans le réseau Jade-Amicol.
Laure Gatet est une catholique sincère, croyant à la justice, une patriote. Dès l’automne 1940, elle prêche la résistance à l’occupant nazi. En janvier 1941, par l’intermédiaire des frères Cayrol – Pierre mourra en déportation, Jean deviendra écrivain – elle s’engage dans le réseau Confrérie Notre-Dame (devenu CND-Castille en 1944), fondé par le colonel Rémy. Agent de liaison sous les ordres du colonel Fleuret, secrétaire du port autonome de Bordeaux, elle porte des messages, soit vers la frontière espagnole, soit en zone “libre” : pour aller voir sa mère, elle bénéficie d’un Ausweiss l’autorisant à faire le trajet Bordeaux-Périgueux toutes les semaines. Traversant la ligne de démarcation à Montpon-sur-l’Isle [1], elle subit à chaque passage une fouille l’obligeant à se déshabiller. Elle agit avec tant de discrétion que sa tante – avec qui elle vit à Bordeaux – et que ses collègues du laboratoire de biologie ignorent tout de son activité.
Après avoir été arrêté, l’opérateur radio de son groupe lâche des informations au cours des interrogatoires qu’il subit. Le 10 juin 1942, à 5 heures du matin, trois policiers (un français et deux allemands) viennent arrêter Laure Gatet chez sa tante, au 3 rue du Teich. Fouillant la maison, ils n’y trouvent rien. D’abord conduite à la caserne Boudet à Bordeaux, elle est ensuite emprisonnée au fort du Hâ où elle reste quelques jours, résistant aux interrogatoires.
Le 15 juin, elle transférée à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, dans le “quartier allemand”, au rez-de-chaussée. Généralement, les prisonniers politiques (Résistants) y sont incarcérés en cellule individuelle : ils ne se voient pas les uns les autres et ne se connaissent que par la parole ou par des signaux codés frappés sur les canalisations.
Laure Gatet se trouve à proximité de la cellule de Marie-Claude Vaillant-Couturier. Quand des Résistants sont extraits de la prison pour être fusillés, celle-ci prononce à haute voix quelques mots les concernant. Quand elle est transférée au fort de Romainville, fin août 1942, Laure Gatet, poursuit cet hommage. Selon Charlotte Delbo, ceux et celles qui – dans cette prison – entendent la voix de Laure quand elle dit la prière des morts pour les hommes qui partent à la fusillade, voient son visage : « le visage de sa voix, clair et ardent ».
Finalement, le matin du 24 janvier 1943, Laure Gatet et deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.
Le 27 janvier, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
La jeune femme a la dysenterie dès l’arrivée : en quelques jours, elle est épuisée. D’abord admise au Revier (“hôpital”) [4] du camp de femmes de Birkenau, elle en est renvoyée parce qu’elle n’a pas de température (la dysenterie ne donne pas de fièvre ; la température est plutôt inférieure à la normale). Charlotte Delbo note : « Laure Gatet est revenue avec nous un soir. Elle est morte pendant l’appel le lendemain matin » ; elle n’avait pas trente ans.
Laure Gatet est décédée à Birkenau après la mi-février 1943. L’acte de décès établi par l’administration SS fait partie du nombre des documents détruits au moment de l’évacuation du complexe concentrationnaire d’Auschwitz, en janvier 1945.
Laure Gatet est homologuée avec le grade de sous-lieutenant dans la Résistance intérieure française (R.I.F.). Le 10 novembre 1955, elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur par décret du président du Conseil, René Coty, avec attribution de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme et de la Médaille de la Résistance.
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