Un réquisitoire qui aborde quelques idées reçues:
- Voltaire n’est pas l’esprit nouveau que l’on croit mais un obscurantiste ;
- Voltaire n’est pas non plus l’ami du Peuple qu'il méprise profondément ;
- Voltaire est pour une société dirigée par une infime élite autoproclamée ;
- Le racisme est un thème récurrent chez Voltaire ;
- Voltaire est un antisémite viscéral ;
- Voltaire, homme d’affaire avisé qui fit sa fortune sur l'esclavagisme ;
- Voltaire, un homme d’ancien régime qui défend ses privilèges ;
- Voltaire contre la liberté des peuples
Les voltairiens du vingtième siècle savaient-ils réellement qui fut Voltaire ? Et ceux qui s’en réclament de nos jours ? Faut-il croire la version enjolivée qui est enseignée dans les collèges et Lycées à partir de ses écrits qui n'ont pas cessé d'être expurgés à partir de 1800 ?
Voltaire fut à partir de 1870 un saint du panthéon républicain à tel point qu’une de ses œuvres majeures, « Essai sur les Mœurs et l'esprit des Nations », paru en 1756, fut expurgée de toutes les parties racistes et antisémites, ne laissant aux lecteurs que quelques mises en bouches sans importances.
Face à cette agiographique républicaine, nous vous proposons de rétablir certains faits historiques qui montrent que Voltaire n’est pas celui qu’on croit ! Que la réalité est moins belle que celle qu’on nous présente !
Voltaire n’est pas cet homme tolérant qu’il essaye de nous montrer dans son « Traité de la Tolérance » publié en 1763. Ce petit ouvrage n’est que l’antidote de ses thèses racistes et antisémites publiées 7 ans avant ! Françoise d’Issembourg d’Happoncourt dame de Grafigny (1695 – 1758), écrivain célèbre à son époque pour son pastiche des Lettres persanes de Montesquieu, Lettres d’une péruvienne (1747), disait de Voltaire qu’il peut être « plus fanatique que les fanatiques qu’il hait ».
Favorable au despotisme éclairé, système politique qui passent outre les droits de débat, d'opposition ou de remontrance des pouvoirs constitués pour imposer certaines réformes dans les systèmes politiques et sociétés de leur pays, Voltaire sera en contradiction avec l’idéal révolutionnaire de 1789 instituant le pouvoir du Peuples. Les démocrates d’aujourd’hui qui s’en réclament l’ont-ils lus ?
Voltaire passe pour être un esprit ouvert au Monde et à la science de son temps. En fait, il cultivait un obscurantisme sur des sujets qui n’étaient plus contestés de son vivant depuis plusieurs dizaines d’années. L’exemple de l’existence des fossiles est flagrant !
Voltaire préférait croire que les coquilles fossiles trouvées dans les Pyrénées avaient été perdues par les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle ; la tradition voulant que tout pèlerin porte sur son chapeau une coquille saint Jacques comme signe distinctif. Il refusait d’admettre que ces coquillages avaient vécu dans les mers occupant autrefois cette région.
Pourtant, Xanthus (environ 500 ans av. J.C.), rapporté par Strabon, était déjà persuadé que l’endroit fort éloigné de mers où il avait trouvé des différents coquillages pétrifiés avait été autrefois une mer. Le philosophe grec Empédocle (vers 490 – vers 435), ayant trouvé en Sicile des os d’hippopotame fossilisés, considérait qu’il s’agissait de restes de géants disparus. Albert le Grand (vers 1193 – 1280), théologien Dominicain et enseignant à l’Université de Paris, y enseigne le déplacement des mers et l’origine naturelle des fossiles. Il affirme que des restes de plantes ou d’animaux peuvent être pétrifiés sous l’action d’agents chimiques. Le prêtre et philosophe, Jean Buridan (vers 1295 – vers 1358), professe à la faculté des arts de Paris des idées d’une surprenante audace. Pour lui, la Terre solide est dissymétrique : l’hémisphère terrestre est peu à peu érodé, donc allégé ; pour rétablir l’équilibre, ce côté de la Terre se soulève tandis que l’autre hémisphère, océanique, alourdi de sédiments s’enfonce par rapport à la Terre immuable des eaux ; de plus, sur une très longue durée, la mer et la Terre se déplacent avec une grande lenteur autour du globe. Les idées de Jean Buridan se retrouveront dans les théories actuelles de la tectonique des plaques et de la dérive des continents. On y parle ni du Déluge ni des temps bibliques ! Parler de l’obscurantisme du Moyen-âge est peu fondé. L’enseignement de Jean Buridan sera repris par le mathématicien et géologue allemand Albert de Saxe (1316 – 1390) qui proposa une conception de la Terre qui conduisit à celle des géosynclinaux.
De 1350 à 1480, les connaissances sur ce sujet stagnent. Les thèses liées au Déluge ou à la génération spontanée tentent d’expliquer l’origine des fossiles. Elles sont couramment admises. Il est historiquement erroné de croire que l’Eglise interdisait de voir dans les fossiles des anciens êtres marins, ou qu’elle imposait leur explication par le déluge. L’enseignement de Jean Buridan, avec ses thèses audacieuses pour l’époque, au sein même de l’université de Paris est là pour le démontrer.
Leonard de Vinci (1452 – 1519), reprenant les idées de Jean Buridan au travers d’Albert de Saxe, affirme que les coquilles fossilisées vivaient dans un lieu que la mer occupait autrefois. Il réfute les croyances de son temps avec ironie. Bernard Palissy (1510 – 1590), simple potier ne savant ni le grec ni le latin, réfuta le rôle géologique du Déluge au point de refuser de croire à tout ancien séjour des mers sur nos terres. Toutefois, il reconnaît dans les collections de fossiles qui se constituent des formes tropicales et d’autres qui ont disparu. Cette époque de la Renaissance n’amena rien de nouveau depuis les thèses de Jean Buridan. Elle se contenta de réaliser des collections et de publier de magnifiques livres sans grandes valeurs scientifiques.
Le XVIIe siècle voit apparaître de nouvelles cosmogonies. Celle de René Descartes (1596 – 1650), publiée en 1644 dans ses Principia philosophiae, décrit avec audace la genèse de la Terre : au cours de celle-ci, des couches successives se constituent ; la croûte terrestre est séparée des autres couches par de l’air et de l’eau ; logiquement cela conduit à une effondrement généralisé qui explique la formation de la croûte terrestre actuelle avec ses mers et ses montagnes inclinées. Descartes est loin des hypothèses de Jean Buridan qui voyait une évolution continue de la croûte terrestre et une dérive des continents ! Pour lui, la configuration actuelle de la Terre est née des hasards d’une catastrophe. Toutefois, il émettra l’hypothèse nouvelle que la Terre est un ancien astre éteint qui possède un noyau en matière de feu sans action sur les couches externes. Ces travaux sont loin de suivre sa célèbre méthode ! Le Mundus subterraneus, paru en 1665, du père jésuite Athanasius Kircher (1602 – 1680), propose une autre théorie de la formation de la Terre : le feu central de la Terre communique au travers de poches aux volcans ; des réservoirs d’eau profonde sont reliés par des canaux qui relient certaines mers entre elles et alimentent en eau dessalée les sources des montagnes. Cette très vieille théorie datant des grecs fut remise en cause en 1674 par Pierre Perrault (1611 – 1680). Il démontra que les eaux de pluie étaient suffisantes pour expliquer les sources.
Le XVIIe siècle verra des avancées importante dans l’étude de la Terre avec le danois Nicolas Stenom (1638 – 1687), le père de la stratigraphie, et l’anglais Robert Hooke (1635 – 1703), créateur de l’anatomie comparée des végétaux fossiles ou vivants. De son côté, Wilhelm Gottfried Leibniz (1646 – 1716) écrit dans son livre « Protogée » : « Dans des temps très reculés, les mers qui nous avoisinent ont eu des animaux et des coquillages qu’on n’y trouve plus aujourd’hui [...] Dans les grands changement que le globe a subis, un grand nombre de formes animales ont été transformées. »
Voltaire préfère se ranger du côté des obscurantistes qui voient dans les fossiles de simples jeux de la nature et qui y trouvent des vertus cachées : les « archées » (nom donné par les alchimistes au feu de la terre) et les « raisons séminales ». Malgré les progrès de la science, se basant sur des raisonnements de la « saine physique », il croira jusqu’à sa mort que les fossiles du Mont Cenis tombèrent du manteau de pèlerins de Syrie et que les poissons pétrifiés sont les restes de leur repas.
Pourtant, soucieux de baser la connaissance scientifique sur des faits d’expérience, un de ses contemporains, Georges Louis Leclerc comte de Buffon (1707 – 1788) dissipa par ses travaux toutes les obscurités sur ce sujet. Dans son livre « Histoire et théorie de la Terre », paru en 1749, il affirme l’origine animale ou végétale des fossiles et l’origine végétale du charbon de terre. Il essaya de dater l’origine de la terre. Il émis l’hypothèse de l’action physico-chimique de l’eau. Ainsi, dès 1749, il attribut à l’eau la formation de tout le relief terrestre : le relief original, une fois le globe terrestre solidifié, a été dissous par l’eau. Celle-ci a nourri les animaux à coquille, puis transporté et déposant leurs débris et les produits de l’érosion. Il émis l’hypothèse que « Il y a eu des espèces perdues, c’est-à-dire des animaux qui ont autrefois existés et qui n’existent plus ».
Georges Louis Leclerc comte de Buffon n’était pas un savant méconnu à l’époque où Voltaire vivait (Voltaire est mort en 1778) : dès 1734 il rentre à l’Académie des sciences ; en 1753 il est membre de l’Académie française (où il croise Voltaire ?) et de toutes les académies européennes.
En plein siècle des Lumières, le citoyen François Marie Arouet dit Voltaire était dans le camp des obscurantistes. Il collabora pourtant à la rédaction de l’Encyclopédie « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers » de D’Alembert et Diderot !
Dans l’imaginaire collectif, Voltaire est présenté comme l’ami et le défenseur du Peuple. Le « petit Père du Peuple » viendra plus tard avec Joseph Staline !
Malgré leurs grandes diversités d’opinion, le point commun entre tous les philosophes des « Lumières » était de croire en l’avènement d’un homme nouveau et que le futur serait toujours meilleurs que le passé. La raison, faculté suprême de l’homme, selon Voltaire, est mise en avant ; le « Culte de la raison » sera la nouvelle religion de la Nation. Il ne s’agit pas tant de comprendre le monde mais de le transformer.
L’être idéal, éclairé et vertueux, dont rêvent les philosophes des Lumières n’est en aucune façon l’Homme de leur temps tels qu’il est avec ses qualités et ses défauts. Leur rêve est bien loin de la réalité ! Aristocrates et grands bourgeois, les théoriciens des Lumières se méfient en premier lieu du Peuple. Leur mépris d’une extrême violence n’a jamais été atteint à aucun moment dans la société occidentale où l’amour du prochain était une règle, certes pas toujours respecté.
« Il est à propos que le peuple soit guidé, et non pas qu’il soit instruit, il n’est pas digne de l’être » écrit Voltaire à Damilaville.
En savoir plus : Racisme et sous-hommes chez les Philosophes des Lumières
Voltaire ne fut pas le seul à avoir une profonde défiance et un fort mépris pour le Peuple. L’historien Jean Sévillia, dans Historiquement correct, apporte quelques éléments à cela. « Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s’étendent pas plus loin que ses occupations » écrit La Chalotais en 1763 dans son Essai d’éducation nationale. Le philosophe Philipon de La Madeleine veut que l’usage de l’écriture soit interdit aux enfants du peuple dans ses vues patriotiques sur l’éducation du peuple en 1783. Quant à François Coyer, auteur d’un plan d’éducation publique en 1770, il propose de renvoyer à leurs parents les 2460 enfants du peuple scolarisés dans les collèges de Paris, soit presque la moitié !
Le XVIIe siècle avait vu la création des manufactures royales (Gobelins, Beauvais, La Savonnerie) et les balbutiements du capitalisme avec les manufactures privées de Saint-Gobain et de Van Robais ; le XVIIIe siècle voit le développement du capitalisme. Lentement, le panorama du siècle des Lumières se modifie. Le modèle économique hérité des siècles précédents est basé sur l’artisanat : des maîtres artisans indépendants avec enseigne et atelier ou magasin ouvert protégés d’une trop grande concurrence par un « numerus clausus » ; quelques employés salariés, les compagnons, dont la rémunération est fixée par un contrat de six mois ou plus ; des apprentis qui apprennent le métier durant une période variable ; les compagnonnages, associations d’entre aide entre compagnons ; les corporations,associations d’artisans permettant de réglementer leur profession et de défendre leurs intérêts ; les compagnons du tour de France et leurs chefs d’œuvre, système de formation professionnelle.
En 1733, John Kay invente la navette volante pour la mécanisation du tissage. Les nombreux progrès techniques qui suivirent entraînèrent la mécanisation de la filature et du tissage, la première coulée de fonte au coke (en 1709), la fabrication de l’acier au creuset (mise au point de 1740 à 1750), le procédé de blanchiment au chlore inventé par Berthollet (en 1785), la machine à vapeur. Ces progrès techniques nécessitaient d’importants capitaux que les artisans ne pouvaient pas trouver. La grande bourgeoisie enrichie par l’achat de charges, par la constitution de grands domaines agricoles au détriment de la petite noblesse provinciale, mais surtout par la traite des esclaves noirs au travers notamment de la Compagnie des Indes disposait de tels capitaux. Le capitalisme financier et le libéralisme économique progressèrent tout au long du XVIIIe siècle. Ils entraînèrent la concentration de grands capitaux ; la domination des commerçants ; la fin de l’artisanat et l’émergence des fabriques ; l’augmentation de l’activité industrielle en dehors des villes ; la tentative de suppression du régime corporatif par l’économiste français Anne Robert Jacques Turgot en 1776.
Le contexte socio-économique fut ébranlé. Pour la nouvelle bourgeoisie, il fallait justifier ce nouveau capitalisme financier et commercial. L’économiste et agronome anglais, Arthur Young (1741 – 1820), affirme « Quiconque n’étant pas idiot sait qu’il faut maintenir les classes inférieures dans la pauvreté, sinon elles ne seraient jamais laborieuses ». En 1806, il confirme ses propos : « Sans une forte proportion de pauvreté, il ne peut y avoir de richesse, car les richesses sont le produit du travail, alors que celui-ci ne peut provenir que d’un état de pauvreté ». Une partie de son œuvre fut traduite en français sur l’ordre du directoire et publiée sous le titre « Le cultivateur anglais ».
Voltaire et certains philosophes des Lumières, tout en défendant des idées d’égalité et de fraternité (Entre membre de l'Elite), n’hésitaient pas à affirmer qu’une société civilisée devait forcément être divisée en deux classes : les riches et les pauvres. Voltaire écrivit « Il est impossible, dans notre malheureux monde, que les hommes vivant en société ne soient divisés en deux catégories : riches et pauvres ». Grand propriétaire terrien et actionnaire de la nouvelle compagnie des Indes, François Marie Arouet, dit Voltaire, justifiait et diffusait la position de cette nouvelle élite de capitaliste. Grand fanatique anti-religieux, il n’hésitait pas à faire appel à cette dernière pour trouver des arguments fallacieux. Il écrivait : « La religion est nécessaire pour le peuple, si l’on désire éviter que les riches ne soient assassinés dans leur lit. Pour le bien de la société, nous avons besoin de la conception d’un Dieu qui récompense le bien et châtie le mal ».
Les bourgeois libéraux mirent la doctrine chrétienne au service de leurs seuls intérêts mercantiles. Ainsi, pensaient-ils : que Dieu est une nécessité sociale et un garant de l’ordre ; que c’est une attaque grave et un sacrilège contre la providence divine de faire de la résistance à la misère sociale. La propriété devenait ainsi une récompense de Dieu pour les personnes intelligentes et volontaires. Cette façon de voir la doctrine chrétienne est issue de la Franc-maçonnerie des Lumières et des courants de pensée protestants libéraux. Elle est une injure aux nombreuses sociétés d’entre aide et de charité fonctionnant sous l’ancien régime.
Voltaire affirma sérieusement que si la division entre riches et pauvres disparaissait ce serait l’effondrement et la fin de la civilisation ! Voltaire ami du Peuple ? Comme philosophe « éclairé », Voltaire était plutôt ancré sur ses intérêts de capitaliste financier.
Animés d’esprit scientifique et refusant les théologies chrétienne et juive, les philosophes des Lumières, dont Voltaire, considéraient l’Humanité comme une espèce animale composée de races de différentes valeurs. Voltaire mûrira ses thèses racistes tout au long de ses écrits pour finir par un magistral ouvrage dont les rééditions sont expurgées depuis le second Empire : l'Essai sur les Mœurs et l'esprit des Nations.
A sa décharge, il faut constater que Voltaire baigna dans un courant idéologique, « Les Lumières » qui remit au goût du jour cette antique thèse du racisme scientifique qu’est la « Théorie des climats » avec Montesquieu et qui appliqua à l’Homme les travaux de classification de la Nature de Buffon et Linné constituant ainsi la genèse du Racisme.
Il ne restera plus qu’à d’autres à appliquer ces absurdes idées au vingtième siècle !
En savoir plus : Racisme et sous-hommes chez les philosophes des Lumières
Le texte le plus éclairant sur le racisme des Lumières est l'Essai sur les Mœurs et l'esprit des Nations, de Voltaire paru en 1756. Par rapport au Traité sur la Tolérance qui est un texte très court, cet ouvrage est monumental. Il occupe des centaines de pages, ce qui révèle son importance dans la pensée, dans l'œuvre et dans les préoccupations du philosophe.
L'Essai sur les Mœurs et l'esprit des Nations de Voltaire est tellement outrancier qu’il n’en existe plus aucune version non expurgée. Même la Bibliothèque Nationale de France (BNF) publie sur son site bnf.gallica.fr une version largement expurgée ! Pour ceux qui veulent échapper à ceux qui recomposent l’Histoire, les extraits qui sont donnés ci-dessous sont tirés de l’édition de 1805 aux éditions Didot. Ils sont très révélateurs et rendent cet aspect de la personnalité de Voltaire incontestable.
« Des différentes races d'hommes
Ce qui est plus intéressant pour nous, c'est la différence sensible des espèces d'hommes qui peuplent les quatre parties connues de notre monde.
Il n'est permis qu'à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les Albinos, les Hottentots, les Lappons, les Chinois, les Américains soient des races entièrement différentes.
Il n'y a point de voyageur instruit qui, en passant par Leyde, n'ait vu une partie du reticulum mucosum d'un Nègre disséqué par le célèbre Ruysch. Tout le reste de cette membrane fut transporté par Pierre-le-Grand dans le cabinet des raretés, à Petersbourg. Cette membrane est noire, et c'est elle qui communique aux Nègres cette noirceur inhérente qu'ils ne perdent que dans les maladies qui peuvent déchirer ce tissu, et permettre à la graisse, échappée de ses cellules, de faire des tâches blanches sous la peau.
Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d'hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu'ils ne doivent point cette différence à leur climat, c'est que des nègres et des négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce, et que les mulâtres ne sont qu'une race bâtarde d'un noir et d'une blanche, ou d'un blanc et d'une noire.
Les Albinos sont, à la vérité, une nation très petite et très rare ; ils habitent au milieu de l'Afrique : leur faiblesse ne leur permet guère de s'écarter des cavernes où ils demeurent ;Cependant les Nègres en attrapent quelquefois, et nous les achetons d'eux par curiosité. Prétendre que ce sont des Nègres nains, dont une espèce de lèpre a blanchi la peau, c'est comme si l'on disait que les noirs eux-mêmes sont des blancs que la lèpre a noircis. Un Albinos ne ressemble pas plus à un Nègre de Guinée qu'à un Anglais ou à un Espagnol. Leur blancheur n'est pas la nôtre : rien d'incarnat, nul mélange de blanc et de brun ; c'est une couleur de linge ou plutôt de cire blanchie ; leurs cheveux, leurs sourcils, sont de la plus belle et de la plus douce soie ; leurs yeux ne ressemblent en rien à ceux des autres hommes, mais ils approchent beaucoup des yeux de perdrix. Ils ressemblent aux Lappons par la taille, à aucune nation par la tête, puisqu'ils ont une autre chevelure, d'autres yeux, d'autres oreilles; et ils n'ont d'homme que la stature du corps, avec la faculté de la parole et de la pensée dans un degré très éloigné du nôtre. Tels sont ceux que j'ai vus et examinés. »
(Tome 1, pages 6 à 8)
« Les Samoïèdes, les Lappons, les habitants du nord de la Sibérie, ceux du Kamshatka, sont encore moins avancés que les peuples de l'Amérique. La plupart des Nègres, tous les Cafres, sont plongés dans la même stupidité, et y croupiront longtemps. »
(Tome 1, page 11)
« La même providence qui a produit l'éléphant, le rhinocéros et les Nègres, a fait naître dans un autre monde des orignaux, des condors, des animaux a qui on a cru longtemps le nombril sur le dos, et des hommes d'un caractère qui n'est pas le notre. »
(Tome 1, page 38)
« Les blancs et les nègres, et les rouges, et les Lappons, et les Samoïèdes, et les Albinos, ne viennent certainement pas du même sol. La différence entre toutes ces espèces est aussi marquée qu'entre un lévrier et un barbet. »
(Tome 2, page 49)
Voltaire écrira ceci à propos des Tsiganes :
« Il y avait alors une petite nation, aussi vagabonde, aussi méprisée que les Juifs, et adonnée à une autre espèce de rapine ; c'était un ramas de gens inconnus, qu'on nommait Bohèmes en France, et ailleurs Egyptiens, Giptes ou Gipsis, ou Syriens (...). Cette race a commencé à disparaître de la face de la terre depuis que, dans nos derniers temps, les hommes ont été désinfatués des sortilèges, des talismans, des prédictions et des possessions. »
(Tome 5, page 83-84)
Chez Voltaire, les thèmes du racisme et de l’antisémitisme ont été récurrents. Tout au long de ses écrits, on voit se construire sa pensée raciste : en 1734 dans son « Traité de Métaphysique », puis dix ans plus tard il publie sa « Relation touchant un Maure blanc amené d'Afrique à Paris en 1744 ».
En 1734, vingt-deux ans avant l' « Essai sur les Mœurs et l’esprit de Nations », Voltaire publie le « Traité de Métaphysique ». La thèse de l'origine différente et de l'inégalité des races humaines est déjà présente dans toute son absurdité :
« Descendu sur ce petit amas de boue, et n'ayant pas plus de notion de l'homme que l'homme n'en a des habitants de Mars ou de Jupiter, je débarque vers les côtes de l'Océan, dans le pays de la Cafrerie, et d'abord je me mets à chercher un homme. Je vois des singes, des éléphants, des nègres, qui semblent tous avoir quelque lueur d'une raison imparfaite. Les uns et les autres ont un langage que je n'entends point, et toutes leurs actions paraissent se rapporter également à une certaine fin. Si je jugeais des choses par le premier effet qu'elles font sur moi, j'aurais du penchant à croire d'abord que de tous ces êtres c'est l'éléphant qui est l'animal raisonnable. Mais, pour ne rien décider trop légèrement, je prends des petits de ces différentes bêtes; j'examine un enfant nègre de six mois, un petit éléphant, un petit singe, un petit lion, un petit chien: je vois, à n'en pouvoir douter, que ces jeunes animaux ont incomparablement plus de force et d'adresse; qu'ils ont plus d'idées, plus de passions, plus de mémoire, que le petit nègre; qu'ils expriment bien plus sensiblement tous leurs désirs; mais, au bout de quelque temps, le petit nègre a tout autant d'idées qu'eux tous. Je m'aperçois même que ces animaux nègres ont entre eux un langage bien mieux articulé encore, et bien plus variable que celui des autres bêtes. J'ai eu le temps d'apprendre ce langage, et enfin, à force de considérer le petit degré de supériorité qu'ils ont à la longue sur les singes et sur les éléphants, j'ai hasardé de juger qu'en effet c'est là l'homme; et je me suis fait à moi-même cette définition:
L'homme est un animal noir qui a de la laine sur la tête, marchant sur deux pattes, presque aussi adroit qu'un singe, moins fort que les autres animaux de sa taille, ayant un peu plus d'idées qu'eux, et plus de facilité pour les exprimer; sujet d'ailleurs à toutes les mêmes nécessités; naissant, vivant, et mourant tout comme eux.
Après avoir passé quelque temps parmi cette espèce, je passe dans les régions maritimes des Indes orientales. Je suis surpris de ce que je vois: les éléphants, les lions, les singes, les perroquets, n'y sont pas tout à fait les mêmes que dans la Cafrerie, mais l'homme y paraît absolument différent; ils sont d'un beau jaune, n'ont point de laine; leur tête est couverte de grands crins noirs. Ils paraissent avoir sur toutes les choses des idées contraires à celles des nègres. Je suis donc forcé de changer ma définition et de ranger la nature humaine sous deux espèces la jaune avec des crins, et la noire avec de la laine.
Mais à Batavia, Goa, et Surate, qui sont les rendez-vous de toutes les nations, je vois un grande multitude d'Européens, qui sont blancs et qui n'ont ni crins ni laine, mais des cheveux blonds fort déliés avec de la barbe au menton. On m'y montre aussi beaucoup d'Américains qui n'ont point de barbe: voilà ma définition et mes espèces d'hommes bien augmentées.
Je rencontre à Goa une espèce encore plus singulière que toutes celles-ci: c'est un homme vêtu d'une longue soutane noire, et qui se dit fait pour instruire les autres. Tous ces différents hommes, me dit-il, que vous voyez sont tous nés d'un même père; et de là il me conte une longue histoire. Mais ce que me dit cet animal me paraît fort suspect. Je m'informe si un nègre et une négresse, à la laine noire et au nez épaté, font quelquefois des enfants blancs, portant cheveux blonds, et ayant un nez aquilin et des yeux bleus; si des nations sans barbe sont sorties des peuples barbus, et si les blancs et les blanches n'ont jamais produit des peuples jaunes. On me répond que non; que les nègres transplantés, par exemple en Allemagne, ne font que des nègres, à moins que les Allemands ne se chargent de changer l'espèce, et ainsi du reste. On m'ajoute que jamais homme un peu instruit n'a avancé que les espèces non mélangées dégénérassent, et qu'il n'y a guère que l'abbé Dubos qui ait dit cette sottise dans un livre intitulé Réflexions sur la peinture et sur la poésie, etc.
Il me semble alors que je suis assez bien fondé à croire qu'il en est des hommes comme des arbres; que les poiriers, les sapins, les chênes et les abricotiers, ne viennent point d'un même arbre, et que les blancs barbus, les nègres portant laine, les jaunes portant crins, et les hommes sans barbe, ne viennent pas du même homme.(...)
Je me suppose donc arrivé en Afrique, et entouré de nègres, de Hottentots, et d'autres animaux. Je remarque d'abord que les organes de la vie sont les mêmes chez eux tous; les opérations de leurs corps partent toutes des mêmes principes de vie; ils ont tous à mes yeux mêmes désirs, mêmes passions, mêmes besoins; ils les expriment tous, chacun dans leurs langues. La langue que j'entends la première est celle des animaux, cela ne peut être autrement; les sons par lesquels ils s'expriment ne semblent point arbitraires, ce sont des caractères vivants de leurs passions; ces signes portent l'empreinte de ce qu'ils expriment: le cri d'un chien qui demande à manger, joint à toutes ses attitudes, a une relation sensible à son objet; je le distingue incontinent des cris et des mouvements par lesquels il flatte un autre animal, de ceux avec lesquels il chasse, et de ceux par lesquels il se plaint; je discerne encore si sa plainte exprime l'anxiété de la solitude, ou la douleur d'une blessure, ou les impatiences de l'amour. Ainsi, avec un peu d'attention, j'entends le langage de tous les animaux ; ils n'ont aucun sentiment qu'ils n'expriment : peut-être n'en est-il pas de même de leurs idées ; mais comme il paraît que la nature ne leur a donné que peu d'idées, il me semble aussi qu'il était naturel qu'ils eussent un langage borné, proportionné à leurs perceptions.
Que rencontré-je de différent dans les animaux nègres? Que puis-je y voir, sinon quelques idées et quelques combinaisons de plus dans leur tête, exprimées par un langage différemment articulé? Plus j'examine tous ces êtres, plus je dois soupçonner que ce sont des espèces différentes d'un même genre. Cette admirable faculté de retenir des idées leur est commune à tous ; ils ont tous des songes et des images faibles, pendant le sommeil, des idées qu'ils ont reçues en veillant ; leur faculté sentante et pensante croît avec leurs organes, et s'affaiblit avec eux, périt avec eux. Que l'on verse le sang d'un singe et d'un nègre, il y aura bientôt dans l'un et dans l'autre un degré d'épuisement qui les mettra hors d'état de me reconnaître ; bientôt après leurs sens extérieurs n'agissent plus, et enfin ils meurent. (...)
Enfin je vois des hommes qui me paraissent supérieurs à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce. »
Dix ans après le Traité de métaphysique, Voltaire publie sa « Relation touchant un Maure blanc amené d'Afrique à Paris en 1744 ». Voltaire y défend la thèse que la différence entre les races humaines est « aussi profonde que la différence entre un lévrier et un barbet ». Il reprendra cette comparaison dans son l' « Essai sur les Mœurs et l’esprit de Nations ». En voici un extrait très éloquent :
« J'ai vu, il n'y a pas longtemps, à Paris un petit animal blanc comme du lait, avec un muffle taillé comme celui des Lapons, ayant, comme les nègres, de la laine frisée sur la tête, mais une laine beaucoup plus fine, et qui est de la blancheur la plus éclatante; ses cils et ses sourcils sont de cette même laine, mais non frisée; ses paupières, d'une longueur qui ne leur permet pas en s'élevant de découvrir toute l'orbite de l'oeil, lequel est un rond parfait.(...).
Cet animal s'appelle un homme, parce qu'il a le don de la parole, de la mémoire, un peu de ce qu'on appelle raison, et une espèce de visage.
La race de ces hommes habite au milieu de l'Afrique: les Espagnols les appellent Albinos (...). Cette espèce est méprisée des nègres, plus que les nègres ne le sont de nous.
Voici enfin une nouvelle richesse de la nature, une espèce qui ne ressemble pas tant à la nôtre que les barbets aux lévriers. Il y a encore probablement quelque autre espèce vers les terres australes. Voilà le genre humain plus favorisé qu'on n'a cru d'abord. Il eût été bien triste qu'il y eût tant d'espèces de singes, et une seule d'hommes. C'est seulement grand dommage qu'un animal aussi parfait soit si peu diversifié, et que nous ne comptions encore que cinq ou six espèces absolument différentes, tandis qu'il y a parmi les chiens une diversité si belle. »
La thèse centrale de Voltaire est de démontrer la perversité de la religion chrétienne à travers l'histoire, et plus particulièrement du catholicisme. Cette thèse passe par plusieurs démonstrations, mais en particulier les deux suivantes :
- L'enseignement chrétien est fondé sur des erreurs. Ainsi, l'idée que tous les hommes sont issus d'un même père et d'une même mère, Adam et Eve, est fausse. Les races humaines n'ont rien à voir entre elles. Elles ont des origines différentes.
- La religion chrétienne est mauvaise dès le départ. En effet, elle prolonge la religion juive, qui est celle d'une nation odieuse et ennemie du genre humain. La religion chrétienne a hérité des tares du judaïsme.
La première démonstration ouvre la voie au racisme scientifique ; la seconde à l’antisémitisme !
Pressentant néanmoins la catastrophe à laquelle pouvait mener une telle logique, Voltaire élaborera l'antidote sept ans plus tard, dans son « Traité sur la Tolérance » publié en 1763, sans revenir réellement sur sa haine du catholicisme et du judaïsme. De toutes façons le mal était fait. Il s'épanouira dans les totalitarismes du vingtième siècle : communisme et national-socialisme.
La première démonstration de Voltaire au sujet de l’origine différente des races est une longue maturation des idées scientifiques visant à réaliser une classification du Monde visible (minéral, végétal et animal). Les philosophes des « Lumières » se lanceront dans une théorie de classification à l’intérieur de l’espèce humaine comme on la définit de nos jours. Ces thèses formeront de fait la genèse du Racisme scientifique (dans le sens où la preuve de l’existence du racisme est apportée par la science)
Le terme d’espèce animale ou végétale fut inventé par les naturalistes qui cherchaient une méthode de classement des êtres vivants depuis que les savants de la Renaissance avaient entrepris d’inventorier la richesse infinie des plantes. En 1691, dans sa Méthode pour connaître les plantes, Joseph Pitton de Tournefort (1656 – 1708), professeur de botanique au Jardin des plantes, propose une première classification des plantes. On doit à Carl Von Linné (1707 – 1778) la méthode de classification de l’ensemble de la nature encore utilisée de nos jours : minéraux, plantes et animaux. Dans son livre Systema Naturae paru en Hollande en 1735, Carl Von Linné classe la création en : classes, ordres, genres et espèces. Ce dernier terme est définit comme l’ensemble de tous les individus d’aspects semblables ayant en commun des caractères qui les distinguent au sein d’un même genre et capables d’engendrer des individus féconds ; donc qui peuvent se reproduire entre eux. Dans la dixième édition de Systema Naturae (1758 – 1759), son inventaire systématique de la Création comprend l’espèce humaine classée parmi « les animaux à mamelles » et dans l’ordre des « primates » à côté des singes supérieurs. Il y énumère les signes distinctifs qui caractérisent l’homme en tant qu’homme. Selon l’ordre anatomique, il n’y a pas de différence décisive entre l’Homme et l’orang-outang affirme Carl von Linné. Toujours selon ce dernier, l’Homme se distingue du grand singe anthropoïde par des marques psychologiques et sociologiques plutôt que corporelles.
Les primates sont ainsi désignés par Carl von Linné car ils constituent le couronnement de la nature aux limites du surnaturel. Tous les naturalistes de cette époque classent les éléments de la création selon une échelle croissante fonction de la complexité et de la dignité. On passe ainsi de la vie endormie dans les minéraux aux espèces végétales puis animales pour terminer aux primates ; avec l’Homme au sommet de la pyramide.
Georges Louis Leclerc comte de Buffon (1707 – 1788), dans son Histoire naturelle, introduit l’études des caractères physiologiques, des mœurs et de l’habitat dans la description des espèces animales, oiseaux et quadrupèdes. Adversaire de Carl von Linné, il considérera que la classification de ce dernier n’est qu’une construction mentale arbitraire. Il ne prendra en compte que l’espèce qu’il définit par sa perpétuité (capacité à se reproduire). A ce sujet, il écrira « Les genres, les classes, les ordres n’existent que dans notre imagination » et qu’ »il n’y a dans la nature que des individus ».
La botanique, qui était restée jusqu’au XVIe siècle liée à l’étude des plantes médicinales, prend son envol à cette période ; la zoologie attendra Carl von Linné et le XVIIIe siècle.
En rupture avec les théologies chrétienne et juive pour lesquelles l’Homme est mis à part dans la création et l’Humanité entière est issue d’un premier couple, Adam et Eve, les philosophes des Lumières et leur rationalité idéologique appliquèrent à l’Homme les avancées de la zoologie. « Comment se peut-il qu’Adam qui était roux et avait des cheveux soit le père des nègres qui sont noir comme de l’encre et qui ont de la laine noire sur la tête ? » affirme Voltaire qui voyait dans le récit biblique d’Adam et Eve une abominable fable.
Le mot race appliqué à l’Homme est apparu en 1684. Il est alors défini comme étant un groupe ethnique qui se différentie des autres par un ensemble de caractères physiques héréditaires. Il s’agit d’une subdivision de l’espèce zoologique appliquée à l’être humain qui va à l’encontre de l’idée de l’unité de l’Humanité. Dans son « Essai sur les mœurs et l’esprit des nations » paru en 1756, Voltaire écrit « Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races entièrement différentes ». Appliquant la hiérarchie chez les primates initiée par Carl von Linné à l’espèce humaine, Voltaire classe les hommes sur une échelle de valeur : « Les albinos sont au dessous des nègres pour la force du corps et l’entendement, et la nature les a peut être placé après les nègres et les Hottentots au dessus des singes ». En lisant Voltaire, l’albinos, avec son absence de pigmentation de la peau, est classé juste au dessus du singe ; les Hottentots, peuple vivant en Afrique du sud étant au dessus ! Et de conclure « La race des nègres est une espèce d’hommes différente de la nôtre », extrait de son « Essai sur les mœurs et l’esprit des nations ».
Voltaire ne fut pas le seul à professer de tels propos. Le célèbre médecin et philosophe musulman Avicenne (980 – 1037) avait déjà écrit un traité permettant de bien acheter ses esclaves en fonction de critères raciaux.
En savoir plus : Le traité de Ibn Butlan "Comment acheter des esclaves et comment détecter les défauts corporels"
Dans l’Encyclopédie, « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers », l’article nègre affirme « Si l’on s’éloigne de l’équateur vers le pôle antarctique, le noir s’éclaircit mais la laideur demeure ». Ces affirmations sont issues de la théorie des climats que Montesquieu découvrit dans les écrits des géographes musulmans du Moyen-âge et qu’il reprit dans ses écrits (au point de lui en donner la paternité !). Esprit très engagé de son époque, il n’hésitait pas à rechercher dans le passé les origines de telle ou telle pratique. Cela l’a conduit à accréditer d’incroyables fantaisies !
La théorie des climats, modèle d’obscurantisme que l’on attribue à tord à Montesquieu, est la première explication scientifique du racisme. Selon cette théorie, la Terre est composée de sept climats, zones latitudinales étagées de l’équateur au pôle. Chaque climat est soigneusement définit par le rythme des saisons, la longueur des jours, et surtout par les effets de la chaleur ou du froid sur la nature et le comportement des hommes qui y vivent. Une subdivision en dix bandes allant du nord au sud permet de définir au total soixante-dix climats. Un huitième climat fut ajouté au sud par le géographe musulman Al-Idrisi, peu avant 1165, dans le livre connu en Occident sous le nom de « petit Idrisi ».
Cette théorie des climats n’est pas nouvelle à l’époque des Lumières. Elle nous est connue par la « Géographie » de Claude Ptolémée (dont la version byzantine est appelée « Cosmographie »). Il s’agit essentiellement d’une compilation des connaissances sur la géographie du Monde réalisée vers l’an 150 par ce géographe et mathématicien grec vivant à Alexandrie d’Egypte. L’ancienneté de cette théorie reste indéterminée et semble provenir du monde grec ou perse. Elle fut découverte par le monde musulman dans les bibliothèques orientales et largement commentée et compilée jusqu’à la Renaissance. Cette version est appelée « Almageste ».
L’application à l’Homme des travaux de Linné et la diffusion de cette théorie obscurantiste qu’est la théorie des climats par les philosophes des Lumières allait les conduire à inventer le Racisme scientifique. Celui-ci ouvre la voie à Joseph Arthur comte de Gobineau (1816 – 1882), grand maître d’une loge maçonnique. Il classera les races d’Homme en fonction de la structure de leur cerveau dans son livre paru en 1855 « Essai sur l’inégalité des races humaines ». On connaît la suite donnée par le régime nazi qui commencera par éliminer les plus faibles, personnes handicapées, homosexuelles et gens du voyage, avant d’essayer d’en finir avec le peuple de Moïse.
En savoir plus : Racisme et sous-hommes chez les philosophes des Lumières
Le dictionnaire philosophique portatif, écrit par Voltaire en 1764, attaque les juifs dans des termes d’une extrême violence dans une trentaine d’articles sur six cent quatorze. On peut y lire « Vous ne trouverez en eux qu’un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent ». La violence de ses propos surprend, pour qui le considère comme le père de la Raison !
Son antijudaïsme est largement exprimé dans deux de ses livres : « Essais sur les mœurs des Nations » et son « Dictionnaire philosophique portatif ». Il ne peut passer pour anodin (on parlerait aujourd'hui de dérapage) comme tentent de le faire certains!
Il faut voir dans l'antisémitisme de Voltaire une haine du Christianisme et une contestation de la Bible, mais également (et je dirais surtout) d'un antisémitisme viscéral et irraisonné d'une violence inouï.
Les idées antisémites de Voltaire feront leur chemin. Dans Le mythe Aryen (1987), l’historien Léon Poliakov démontre que le rationalisme scientifique des Lumières est à l’origine du racisme nazi. Voltaire en fut un des promoteurs par ses écrits ! Henri Labroue, collaborateur notoire, publia une synthèse en 250 pages des écrits antisémites de Voltaire : Voltaire antijuif publié en 1942
Les objectifs de Voltaire étaient de démontrer que le texte biblique ne peut servir comme source d'autorité pour la pensée (science, histoire et géographie) :
- Ces textes sont inauthentiques, au moins par rapport à leur dation traditionnelle ;
- Ils sont tissus de méchancetés, d'erreurs et d'ignorance indignes d'un Dieu ;
- La plupart des lois qui y figurent sont absurdes, cruelles, ou dépassées ;
- Les héros bibliques sont des modèles déplorables.
Voltaire trouva avec l’Abbé Antoine Guénée (1717 – 1803) un contradicteur de poids à ses thèses antisémites. Celui-ci fit publier en 1769 les « Lettres de quelques Juifs Portugais, Allemands et Polonais à M. de Voltaire » qui connurent un succès retentissant avant de disparaître définitivement sous le Second Empire : l'image de Voltaire y étant largement mises à mal, les fondements des républiques ont toujours risqué d'en être entachés. L’auteur fit plusieurs éditions de son ouvrage, et chercha à le perfectionner successivement par de nouvelles additions. Après 160 ans de censure tacite, elles viennent d’être rééditées.
L’abbé Guénée en attaquant Voltaire s’était bien gardé de l’injurier ; il savait donner, au contraire, à ses attaques une couleur d’impartialité à ce point que Voltaire écrivait le 8 décembre 1776, à d’Alembert : « Le secrétaire des Juifs nommé Guénée, n’est pas sans esprit et sans connaissances, mais il est malin comme un singe, il mord jusqu’au sang, en faisant semblant de baiser la main. Heureusement un prêtre de la rue St Jacques, desservant d’une Chapelle de Versailles, qui se fait secrétaire des Juifs, ressemble assez à l’aumônier Poussatin du Comte de Gramont. Tout cela faire rire le petit nombre de lecteur qui peut s’amuser de ces sottises. »
Article "Abraham" : "Tous les royaumes de l’Asie étaient très florissants avant que la horde vagabonde des Juifs possédât une ville, des lois et une religion fixe. Lors donc qu’on voit un rite, une ancienne opinion établie en Égypte ou en Asie, et chez les Juifs, il est bien naturel de penser que le petit peuple nouveau, ignorant, grossier, toujours privé des arts, a copié, comme il a pu, la nation antique, florissante et industrieuse."
Article "Anthropophage" : "Les Juifs anthropophages ? C’eût été la seule chose qui eût manqué au peuple de Dieu pour être le plus abominable peuple de la terre."
Article «Juifs» : "Vous ne trouverez en eux qu’un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice aux plus détestables superstition et haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent. Il ne faut pourtant pas les brûler."
Article «Job» : "Leur profession fut le brigandage et le courtage ; écrivains par hasard."
Article «Tolérance» : "Le juif, un peuple barbare, égorgeant sans pitié tous les habitants d’un malheureux pays sur lequel il n’a pas plus de droit qu’il n’en a sur Paris ou Londres."
Article « Salomon » : «Nous avons les Juifs en horreur mais voulons que ce qui a été écrit par eux et recueilli par nous porte l’empreinte de Dieu. Il n’y a jamais eu contradiction si palpable… Un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition, et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent. Il ne faut pourtant pas les brûler.»
Pour un philosophe éclairé... c'est de l'antisémitisme totalement irraisonné!
"Si nous lisions l'histoire des Juifs écrite par un auteur d'une autre nation, nous aurions peine à croire qu'il y ait eu en effet un peuple fugitif d'Egypte qui soit venu par ordre exprès de Dieu immoler sept ou huit petites nations qu'il ne connaissait pas ; égorger sans miséricorde les femmes, les vieillards et les enfants à la mamelle, et ne réserver que les petites filles ; que ce peuple saint ait été puni de son Dieu quand il avait été assez criminel pour épargner un seul homme dévoué à l'anathème. Nous ne croirions pas qu'un peuple si abominable (les Juifs) eut pu exister sur la terre. Mais comme cette nation elle-même nous rapporte tous ses faits dans ses livres saints, il faut la croire."
(Tome 1, page 158-159)
"Toujours superstitieuse, toujours avide du bien d'autrui, toujours barbare, rampante dans le malheur, et insolente dans la prospérité, voilà ce que furent les Juifs aux yeux des Grecs et des Romains qui purent lire leurs livres."
(Tome 1, page 186)
"Si Dieu avait exaucé toutes les prières de son peuple, il ne serait restés que des Juifs sur la terre ; car ils détestaient toutes les nations, ils en étaient détestés ; et, en demandant sans cesse que Dieu exterminât tous ceux qu'ils haïssaient, ils semblaient demander la ruine de la terre entière."
(Tome 1, page 197)
" N'est-il pas clair (humainement parlant, en ne considérant que les causes secondes) que si les Juifs, qui espéraient la conquête du monde, ont été presque toujours asservis, ce fut leur faute ? Et si les Romains dominèrent, ne le méritèrent-ils pas par leur courage et par leur prudence ? Je demande très humblement pardon aux Romains de les comparer un moment avec les Juifs."
(Tome 1, page 226)
"Si ces Ismaélites [les Arabes] ressemblaient aux Juifs par l'enthousiasme et la soif du pillage, ils étaient prodigieusement supérieurs par le courage, par la grandeur d'âme, par la magnanimité : leur histoire, ou vraie ou fabuleuse, avant Mahomet, est remplie d'exemples d'amitié, tels que la Grèce en inventa dans les fables de Pilade et d'Oreste, de Thésée et de Pirithous. L'histoire des Barmécides n'est qu'une suite de générosités inouïes qui élèvent l'âme. Ces traits caractérisent une nation.
On ne voit au contraire, dans toutes les annales du peuple hébreu, aucune action généreuse. Ils ne connaissent ni l'hospitalité, ni la libéralité, ni la clémence. Leur souverain bonheur est d'exercer l'usure avec les étrangers ; et cet esprit d'usure, principe de toute lâcheté, est tellement enracinée dans leurs coeurs, que c'est l'objet continuel des figures qu'ils emploient dans l'espèce d'éloquence qui leur est propre. Leur gloire est de mettre à feu et à sang les petits villages dont ils peuvent s'emparer. Ils égorgent les vieillards et les enfants ; ils ne réservent que les filles nubiles ; ils assassinent leurs maîtres quand ils sont esclaves ;ils ne savent jamais pardonner quand ils sont vainqueurs : ils sont ennemis du genre humain. Nulle politesse, nulle science, nul art perfectionné dans aucun temps, chez cette nation atroce."
(Tome 2, page 83)
" Lorsque, vers la fin du quinzième siècle, on voulut rechercher la source de la misère espagnole, on trouva que les Juifs avaient attiré à eux tout l'argent du pays par le commerce et par l'usure. On comptait en Espagne plus de cent cinquante mille hommes de cette nation étrangère si odieuse et si nécessaire. (...)
Les Juifs seuls sont en horreur à tous les peuples chez lesquels ils sont admis (...).
On feignait de s'alarmer que la vanité que tiraient les Juifs d'être établis sur les côtes méridionales de ce royaume long-temps avant les chrétiens : il est vrai qu'ils avaient passé en Andalousie de temps immémorial ; ils enveloppaient cette vérité de fables ridicules, telles qu'en a toujours débité ce peuple, chez qui les gens de bon sens ne s'appliquent qu'au négoce, et où le rabbinisme est abandonné à ceux qui ne peuvent mieux faire. Les rabbins espagnols avaient beaucoup écrit pour prouver qu'une colonie de Juifs avait fleuri sur les côtes du temps de Salomon, et que l'ancienne Bétique payait un tribut à ce troisième roi de Palestine ; il est très vraisemblable que les Phéniciens, en découvrant l'Andalousie, et en y fondant des colonies, y avaient établi des Juifs qui servirent de courtiers, comme ils en ont servi partout ; mais de tout temps les Juifs ont défiguré la vérité par des fables absurdes. Ils mirent en œuvre de fausses médailles, de fausses inscriptions ; cette espèce de fourberie, jointe aux autres plus essentielles qu'on leur reprochait, ne contribua pas peu à leur disgrâce."
(Tome 5, page 74-76)
" Ils ont même été sur le point d'obtenir le droit de bourgeoisie en Angleterre vers l'an 1750 et l'acte du parlement allait déjà passer en leur faveur. Mais enfin le cri de la nation, et l'excès du ridicule jeté sur cette entreprise la fit échouer. Il courut cent pasquinades représentant mylord Aaron et mylord Judas séants dans la chambre des pairs. On rit, et les Juifs se contentèrent d'être riches et libres ; (...)
Vous êtes frappés de cette haine et de ce mépris que toutes les nations ont toujours eus pour les Juifs. C'est la suite inévitable de leur législation : Il fallait, ou qu'ils subjugassent tout, ou qu'ils fussent écrasés. Il leur fut ordonné d'avoir les nations en horreur, et de se croire souillés s'ils avaient mangé dans un plat qui eût appartenu à un homme d'une autre loi. Ils appelaient les nations vingt à trente bourgades leurs voisines qu'ils voulaient exterminer, et ils crurent qu'il fallait n'avoir rien de commun avec elles. Quand leurs yeux furent un peu ouverts par d'autre nations victorieuses qui leur apprirent que le monde était plus grand qu'ils ne croyaient, ils se trouvèrent, par leur loi même, ennemis naturels de ces nations, et enfin du genre humain. Leur politique absurde subsista quand elle devait changer ; leur superstition augmenta avec leurs malheurs : leurs vainqueurs étaient incirconcis ; il ne parut pas plus permis à un Juif de manger dans un plat qui avait servi à un Romain que dans le plat d'un Amorrhéen ; ils gardèrent tous leurs usages, qui sont précisément le contraire des usages sociables. Ils furent donc avec raison traités comme une nation opposée en tout aux autres ; les servant par avarice, les détestant par fanatisme, se faisant de l'usure un devoir sacré. Et ce sont nos pères ! "
(Tome5, page 82-83)
Tous les élèves français du secondaire sont persuadés que Voltaire était antiesclavagiste, et on leur fait lire sa compassion pour l'esclave du Surinam, personnage de "Candide".
Notre philosophe est un bel hypocrite : il a en effet spéculé en prenant des participations dans la Compagnie française des Indes qui avait le monopole du commerce (dont celui des esclaves) avec le Sénégal, la Guinée, les îles Bourbon & de France, et les territoires français des Indes. Les ports du Sénégal et de la Guinée concentraient l'essentiel du négoce français d'esclaves venant d'Afrique occidentale et à destination des îles Bourbon et de France (pour une petite partie), des Antilles sous domination française.
Il faut dire qu'à son époque, après la concurrence acharnée entre états qui fit baisser le prix des produits de luxe (Tabac, sucre, chocolat, café), la meilleure rentabilité pour un investisseur restait le commerce des esclaves. Homme d'affaire avisé et bien placé, Voltaire mis un voile blanc sur ses convictions contre l'esclavage et en se voilant la face avec de faux arguments juste faits pour apaiser sa conscience. Ce ne fut pas le seul ! (jusqu'à la fin du dix neuvième siècle, le principal argument avancé en occident par les esclavagistes était que l'esclavage était un nécessité économique si on voulait faire baisser le coût du travail)
La rentabilité des Compagnies commerciales était telle que leurs actions étaient réservées à une élite dirigeante bien placée ( nobles de la famille royale et tous leurs redevables nobles, banquier ou hommes d'affaire). Voltaire était suffisamment bien introduit pour avoir accès à de tels réseaux!
Avec la fin du monopole de la Compagnie française des Indes en 1769, le commerce d'esclaves put s'ouvrir à des initiatives individuelles. C'est dans ce cadre, semble-t-il, que Voltaire s'associa avec un certain Michaud de Nantes pour l'armement du bateau négrier "Le Congo". L'historien et homme politique italien César Cantu fait mention d'une lettre envoyée par Voltaire à Michaud (Histoire universelle, troisième édition, tome XIII, page 147 - 148):
" Je me félicite avec vous de l'heureux succès du navire le Congo, arrivé si à propos sur la côte d'Afrique pour soustraire à la mort tant de malheureux nègres… Je me réjouis d'avoir fait une bonne affaire en même temps qu'une bonne action. (...) Nous n'achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l'acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir."
On peut mesurer tout le racisme de Voltaire et ses bonnes excuses : "Soustraire à la mort tant de malheureux nègres" ? Il me semble qu'il n'étaient menacés que par les razzias d'autres africains dans le seul but de les vendre! Le reste des propos est dans la lignée de ses écrits racistes.
Dans une lettre de Voltaire au Père joseph de Menoux, confesseur et prédicateur du roi Louis XV avec qui il entretient une relation faussement amicale, celui-ci montrera son caractère d'homme d'affaire sans scrupule :
"Il y a une tragédie anglaise qui commence par ces mots : mets de l'argent dans ta poche et moque-toi du reste. Cela n'est pas tragique, mais cela est fort sensé"
Voltaire a spéculé pendant toute sa vie, ce qui explique son immense fortune. Pour se faire une idée de son appétit pour l'argent et les manœuvres financières, des prêts qu'il consentait à des taux exorbitants, en dehors de toute éthique, le livre Ménage et finances de Voltaire (1854), de Louis Nicolardot est très éclairant. L'ouvrage est téléchargeable sur Google-books ou un fac-similé est disponible sur le site Gallica.bnf
La nouvelle édition de 1887 comporte en page de couverture une maxime de Voltaire qui est très à-propos: " Pour qu'un homme soit un coquin, il faut qu'il soit un grand personnage, il n'appartient pas à tout le monde d'être fripon"
En plus d'être fripon et de vivre aux crochets de ses invités en leur laissant des dettes (alors qu'il touchait 28 000 livres de rente de la Nation!), Voltaire était un escroc. Le "Mémoire pour Jean-François JORE contre le sieur François-Marie de Voltaire" daté de 1735 raconte par le menu la filouterie et surtout il escroqua et ruina un éditeur, Jean-François Jore.
Le document commence ainsi: "J’ai payé bien chèrement la confiance aveugle que j’ai eu pour le Sieur de Voltaire. Ebloui par ses talents, je me suis livré à lui sans réserve. J’y ai perdu ma fortune, ma liberté, mon état. Dans ma triste situation, je me suis adressé à lui et l’ai prié de me payer 1400 livres 5 sols qu’il me doit."
En plus de l'avoir fait embastillé 14 jours, Voltaire lui fit perdre définitivement le droit d'exercer dans l'imprimerie et l'édition!
On connaît généralement Voltaire ayant obtenu un privilège avec la charge d’Historiographe du Roi, charge sans réel travail, et fut membre de l’Académie française.
On sait moins que Voltaire est devenu un vrai seigneur féodal par l’acquisition de quelques terres à Ferney, avec un droit de haute justice, un droit de mainmorte et la perception de dîmes. Voltaire en était très fier !
Voltaire, dans sa lettre à M. de Brenles du 27 décembre 1758, se vante de posséder un droit de haute justice. Ce droit permet au seigneur féodal de juger et prononcer toutes les peines sur son domaine, y compris la peine de mort.
Le philosophe en parle à propos d'un certain Grasset, avec qui il devait être en conflit : "Il ne me reste plus que de le prier à diner dans un de mes castels et de le faire pendre au fruit. J'ai heureusement haute justice chez moi, et si M. Grasset veut être pendu, il faut qu'il ait la bonté de faire chez moi un petit voyage."
Dans une lettre à Thibouville du 28 mai 1760, il revient sur son droit de haute justice, en particulier de mettre quiconque au pilori. " On me reproche d'être comte de Ferney. Que ces Jean f... là viennent donc dans la terre de Ferney, je les mettrai au pilori. "
Dans sa lettre à d'Argental du 29 janvier 1764, Voltaire se préoccupe des impôts féodaux, les dîmes, qu'il prélève dans ses domaines :
"Je crois que l'affaire des Calas sera finie avant celle des dîmes de Ferney. Les tragédies, les histoires et les contes n'empêchent pas qu'on songe à ces dîmes, attendu qu'un homme de lettres ne doit pas être un sot qui abandonne ses affaires pour barbouiller des choses inutiles."
Dans sa lettre à d'Argental du 1er février 1764, Voltaire se vante d'avoir droit de mainmorte.
"Je remercie tendrement mes anges de toutes leurs bontés ; c'est à eux que je dois celles de M. le duc de Praslin, qui me conservera mes dîmes en dépit du concile de Latran... Figurez-vous quel plaisir ce sera pour un aveugle d'avoir entre les Alpes et le mont Jura une terre grande comme la main, ne payant rien au roi ni à l'église, et ayant d'ailleurs le droit de mainmorte sur plusieurs petites possessions."
Le droit de mainmorte concerne exclusivement les serfs qui étaient privés de la faculté de faire leur testament et, à leur mort, leurs biens revenaient au seigneur selon le principe : « Le serf mort, saisit le vif son seigneur ». La finalité de ce droit était d’empêcher que les biens passent à des personnes extérieures à la seigneurie.
Le droit de mainmorte fut rapidement contourné légalement et dès le XIIe siècle elle s’allégea (le seigneur ne prenait qu'un seul objet mobilier ou une seule tête de bétail). Elle disparut progressivement en France et, du vivant de Voltaire, elle n’existait plus qu’en France Comté (où Voltaire avait ses terres). La mainmorte fut officiellement abolie en 1790 par un décret de Louis XVI.
Voltaire était donc plus attaché à un droit féodal qu’à de réels revenus !
Les prises de position de Voltaire, en ce qui concerne les affaires étrangères, ne furent pas en faveur de l’émancipation des peuples. A deux reprises, il prit le parti des monarques : en 1772 au moment du 1er partage de la Pologne, en 1776 contre la déclaration d’indépendance des Etats-Unis.
Le traité de Vienne de 1738 mis fin à la guerre de succession de Pologne (1733 – 1738) après la double élection de Stanislas Leszczynski (élu à la diète de Varsovie avec le soutien de la France de Louis XV qui avait épousé sa fille) et d’Auguste III de Saxe (candidat austro-russe). Ce dernier fut élu permettant ainsi la tutelle de la Pologne par la Russie. A sa mort en 1764, il fut remplacé par l’amant de Catherine II de Russie, Stanislas II Auguste Poniatowski (dernier roi de Pologne).
Après l’élection de celui-ci qui confirmait l’immixtion de la Russie en Pologne, un groupe de patriotes polonais, dite confédération de Bar, s’insurgea et proclama la déchéance en 1770 du roi. Ils furent vaincus ce qui conduisit au premier partage de la Pologne en 1772 à l’initiative de Frédéric II le Grand (roi de Prusse) qui rallia Catherine II la Grande (Impératrice de Russie depuis juin 1762) et Marie Thérèse (impératrice d’Autriche). De partage en partage, la Pologne aller disparaître en 1795. Il faudra attendre 1918 pour voir naître une république polonaise.
L’amitié de Voltaire pour Catherine II la Grande et ses préjugés philosophiques lui fit prendre le parti des intérêts de la Russie au détriment des patriotes polonais. Il crut que l’intervention armée des rois philosophes visait à rétablir la liberté de conscience. Il tarda longtemps à déchanter et eut du mal à admettre que les Polonais luttaient pour leur liberté !
Voltaire fut très admiratif pour le régime libéral anglais qu’il put étudier au cours d’un séjour de 1726 à 1729 imposé par ses impertinences. Comme dans le cas de la Pologne, Voltaire, anglomanie oblige, ne mis aucune énergie à défendre la liberté des colons américains. Il refusa de reconnaître la déclaration d’indépendance des Etats-Unis du 4 juillet 1776.
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