[Les Hittites étaient renommés comme combattants en char de guerre. Ils inventent un nouveau type de char, avec des roues plus légères, avec 4 à 8 rayons, emportant trois combattants au lieu de deux. La prospérité des Hittites dépendait largement de leur contrôle des routes commerciales et des ressources naturelles, dont le métal. Lorsqu’ils prennent le contrôle de la Mésopotamie, la tension s’accroît avec leurs voisins Assyriens, Hourrites et Égyptiens. Sous le règne de Suppiluliuma Ier, les Hittites font la conquête de Kadesh, peut-être de toute l’Assyrie. La bataille de Qadesh en – 1274 est la plus grande bataille de chars de l’histoire, avec environ 5.000 chars de guerre engagés]
La capitale de l’Empire hittite, Hattusa, fut l’équivalente de Babylone et de Thèbes, non pas, sans doute, sur le plan de la civilisation, mais pour la puissance qui émanait d’elle et pour son importance politique très particulière
Aux origines
Question générale : qui est venu en premier lieu en un endroit donné ? Ce n’est pas tant une question qu’une affirmation, dans le sens où, avant nous, il y a forcément eu quelqu’un sur cette Terre. L’exception, nous la trouvons dans les profondeurs : sous la surface des eaux ou sous celle du sol, ou encore au fond des lacs, des mers, des océans, ou dans les grottes. Chacun d’entre nous aimerait appartenir à ceux qui étaient là les premiers, à une date donnée, et ne peut en acquérir la certitude que si nous fouillons les “Chambres de la Terre”, en nous plongeant verticalement dans ses entrailles et dans ses creux que les spéléologues appellent les “abysses”.
Si ce n’est pas le cas — en fait, c’est quasiment toujours le contraire qui est vrai — nous cherchons à repérer les lieux que nos ancêtres ont parcouru, lieux où il y avait aussi toujours quelqu’un, où une civilisation a brillé, et une autre s’est éclipsée dans la poussière des millénaires, où des hommes se sont déplacés, ont combattu, ont écrit, ont produit des objets que nous cherchons aujourd’hui à expliciter, à interpréter. En creusant, nous trouvons toujours nos racines, parfois sous la colline à côté de notre maison. Il faut mieux préserver les vestiges que de les détruire, découvrir une cave plutôt que d’enterrer tout sous une aire de parking.
Un “tell”, pour les archéologues, est une structure apparemment naturelle, qui, en langue arabe, désigne un monticule, une colline. En paléo-ethnologie, le terme indique les monticules artificiels qui se sont formés par l’accumulation de structures et résidus divers provenant d’habitats au cours de longues périodes. Quand on creuse ces “tells”, on dépouille et on dévoile souvent une mémoire pluriséculaire, dissimulée dans les restes d’habitations construites les unes sur les ruines des autres. Les excavations entreprises sur le tell de Çatal Hüyük nous ont révélé l’existence de plus de dix strates de structures habitées entre le VIIe et le Ve millénaire avant notre ère. À côté de ce tell fort ancien, se trouve un second tell, tout aussi intéressant du point de vue archéologique. Il se trouve dans la partie méridionale de la Turquie d’aujourd’hui, sur un territoire qui avait jadis, en ces temps lointains, un aspect différent de celui d’aujourd’hui. Elles nous ont également révélé l’existence de peuples appelés Hatti ou Khatti ou Hittite, qui sont arrivés en Anatolie par vagues successives, tout en n’étant ni les premiers ni les derniers.
Les Hittites blonds
Les Hittites sont généralement définis comme un peuple antique d’Asie Mineure, qui ont revêtu une grande importance des points de vue politique, militaire et culturel entre le XVIIIe et le XIIe siècles avant notre ère. Certains soutiennent la thèse que les premiers groupes de futurs Hittites sont arrivés sur le territoire du futur empire, déjà à la moitié du IIIe millénaire, en se basant sur l’interprétation de quelques tablettes d’argile assyriennes qui évoquent l’arrivée de “nouveaux peuples”. Selon d’autres archéologues, il convient de fixer la date de l’arrivée des Hittites soit à la fin du IIIe millénaire soit au début du IIe. Quoi qu’il en soit, voici comment Lehman voit l’arrivée de ces tribus :
« Une chose est sûre : ces peuples n’ont pas fait irruption à l’improviste, de manière inattendue, en Anatolie en venant de quelque part sur la Terre. Ces troupes de cavaliers sauvages ne se sont pas déversés brutalement sur le pays ni ne se sont constitués en hordes promptes à saccager et à piller mais en sont venus graduellement à peupler villes et villages ; ils n’étaient pas des barbares détruisant les civilisations étrangères, massacrant les hommes et violant les femmes. Ces images stéréotypées des peuples envahisseurs à la recherche de terres ne conviennent pas dans le cas qui nous préoccupe » (J. Lehman, Gli Ittiti, Garzanti, Milano, 1997, p. 171).
L’un de ces groupes s’est installé au centre de l’Anatolie, dans une terre qui finira par s’appeler “Terre des Hatti”, avec pour capitale Hattusa. Leur royaume, conjointement aux États vassalisés, s’étendait des rives du Bosphore et des Dardanelles jusqu’au lac de Van à l’est. Ils parlaient une langue indo-européenne ou, mieux, plusieurs langues de cette famille, qu’ils écrivaient sur des modes variés, selon les influences des populations locales et selon les degrés de développement atteints : cunéiforme en langue accadienne, cunéiforme en langue hittite, idéographique, etc. Dans tous les cas de figures, la majeure partie des documents cunéiformes sur tablettes d’argile sont en “hittite”, selon la terminologie utilisée pour désigner la langue officielle de l’Empire.
Ils s’autodésignaient sous le nom de “Hari”, les “blonds” [le terme hittite “hurri”, vraisemblablement rapproché ici du terme sanscrit “hari” (blond), désigne en fait le peuple hourrite du royaume voisin de Mitanni , constitué au milieu du XVIe s. av. JC et dominé par une aristocratie indo-aryenne : ce rapprochement est probablement repris — via Georg Hüsing — à HFK Günther qui, dans Les peuples d'Europe (1927 ; cf. cet extrait), donne aux Hittites comme origine lointaine la vallée de l'Indus (les Balkans semblent plus probables quant à la majeure partie des flux proto-indo-européens vers la fin du IIIe millénaire) ; sur la question de la “blondeur” chez les IE, cf. A. de Benoist, « IE : À la recherche du foyer d'origine »].
Sur une tablette, on parle du trône royal, qui est en fer, tandis que sur d’autres, on évoque des conquêtes, des négoces, des querelles. Il s’agissait d’un État fédéral avec un gouvernement central, avec un ordre social subdivisé en classes mais non de manière rigide. Il semble que les croyances et rites religieux aient été variés et se juxtaposaient dans une sorte de tolérance tranquille. Il y avait 2 divinités amies, une déesse solaire et un dieu de la tempête, représentés dans l’acte de gouverner, avec la hache en une main et la foudre en l’autre.
La race blanche en Orient
Il semble qu’une autre population soit arrivée sur le territoire : les Égyptiens les appelaient Heka-Kasut, ce qui signifie “chefs des pays étrangers”. Nous les connaissons communément sous le nom de “Hyksos”. Cette population est généralement définie comme “asiatique” mais elle présente pourtant des indices typiquement europoïdes, avec des caractéristiques nettement xantho-croïques (haute taille, peau claire, yeux également clairs et cheveux blonds, roux ou châtain). Ils ont dominé l’Égypte de la fin du XVIIIe jusqu’au début du XVIe siècle avant notre ère. Ils se sont d’abord stabilisés aux environs d’Avaris, leur capitale. Puis ont étendu leur pouvoir sur l’ensemble de l’Égypte. Les rois des 2 dynasties hyksos, la XVe et la XVIe (1730-1570 environ), ont adopté les us et coutumes égyptiens et se sont proclamés pharaons, tout en retranscrivant leurs noms en hiéroglyphes et en prenant des noms égyptiens. Aux débuts du XVIe siècle, les rois de Thèbes ripostent : ils s’organisent et chassent les Hyksos d’Égypte. Ahmose, futur fondateur de la XVIIIe dynastie, conquiert Avaris et poursuit les Hyksos jusqu’en Syrie.
Par la suite, entre 1650 et 1600 avant notre ère, les souverains hittites Khattushili I et Murshilli I pénètrent en Syrie et en Mésopotamie et mettent un terme à la première dynastie amoréenne de Babylonie. Les Cassites (ou “Kassites” ou “’Kosséi”), un peuple à fortes caractéristiques europoïdes, utilisant également le cheval et le char de guerre, en profitent pour s’emparer du pays et pour le gouverner jusqu’à la moitié du XIIe siècle. Ces Cassites, arrivés par une migration pacifique, se sont installés en Mésopotamie comme agriculteurs, artisans et guerriers mercenaires, en venant de l’Élam, territoire de l’aire iranienne. Le temps passe et les Hittites conquièrent le pays des Mittani, un État hourrite à cheval sur les territoires actuels de la Syrie et de la Turquie et s’étendant sur le cours supérieur des fleuves Tigre et Euphrate. L’État est gouverné par une monarchie héréditaire, probablement de souche indo-iranienne, avec une classe dominante écrivant dans une langue que l’on qualifie, peut-être un peu abusivement, d’indo-européenne ou d’européenne (selon que la migration soit partie de l’Europe vers l’Inde et non le contraire), et que l’on décrit comme ressemblant au sanskrit et au perse le plus ancien. Les Hourrites font acte de soumission au roi hittite Suppiluliuma vers 1365 avant notre ère. Comme les Hittites avancent, en obtenant du consensus, leurs voisins égyptiens ne vont pas attendre passivement le choc.
Soldats égyptiens et guerriers “sardana”
[Face à une armée commandée par le roi hittite, l'attaque égyptienne à Qadesh faillit être un désastre : l'avant-garde, mal engagée, est prise de flanc par la charrerie ennemie et mise en déroute. Ramsès II toutefois rallie les éléments en fuite, utilise les divisions non encore engagées et réussit à rétablir la situation. Ces exploits, célébrés dans des textes épiques, ne doivent pas faire illusion. La “victoire” égyptienne n'est en fait qu'une semi-défaite : Qadesh reste aux mains des Hittites et marque le limes des 2 empires. Ill. : Adam Hook, in Hittite warrior, Trevor Bryce, Osprey Publishing, 2007]
Environ un demi-siècle plus tard, le roi hittite Muwatalli n’est pas battu à Qadesh par le pharaon Ramsès II, même si, dans le temple de Luxor, les Égyptiens évoquent une magnifique victoire. Mais ce n’est là que pure propagande, destinée à dissimuler au peuple la défaite réelle de son souverain. Qadesh est un site se situant dans l’intérieur des terres aujourd’hui syriennes, à un peu plus de cent kilomètres au nord de Damas, à proximité du Lac d’Homos. Vers la fin du mois de mai de 1300 avant notre ère (d’autres sources mentionnent d’autres dates), le pharaon Ramsès II mène personnellement son armée égyptienne, répartie en 4 divisions distinctes d’environ 50.000 hommes chacune, dont mille soldats constituant l’équipage des chars. Nous avons donc 2 soldats par char et donc 250 chars par division. On peut calculer qu’il y avait donc un total de 16.000 fantassins et archers, 2.000 chars avec 4.000 hommes pour les monter. Il y avait en plus les hommes affectés à l’approvisionnement, dont on ne peut estimer le nombre. Une cinquième division égyptienne rejoindra cette armée au cours de la bataille en venant d’Amarru.
Une partie de la garde royale est formée par des guerriers “sardanes” (ou “chardanes” ou “sardes” ou “peuples de la mer”), étrangers et armés de longues épées, de boucliers de forme ronde et de casques en corne, venus, dit-on, de l’espace méditerranéen (cf. Mark Healy, Qades 1300 a. C. – Lo scontro dei re guerrieri, Osprey Military, Ediciones del Prado, Madrid, 1999, p. 43 [trad. de Qadesh 1300 Bc : Clash Of The Warrior Kings, Osprey Publ., 1993]). Si nous observons certaines statuettes en bronze des IXe et VIIIe siècles avant notre ère, découvertes sur les sites nuraghi, nous nous rendons compte que ces guerriers au service du Pharaon auraient très bien pu provenir de cette population, les Nurs. Les habitants de la Corse avaient déjà eu le désagrément de les connaître et avaient érigé des menhirs anthropomorphes, pourvus de leurs traits, de leurs épées, de leurs poignards et de leurs casques en corne (cf. J. Grosjean, F. L. Virili, Guide des sites torréens de l’âge du bronze – Corse, Vigros, Paris, 1979, pp. 15-17). Les textes égyptiens les nomment “guerriers de la mer”, « Cherdens sans maîtres », que personne n’avait pu victorieusement affronter ; ils sont venus courageusement de la mer sur leurs navires de guerre à voiles, et personne ne put les arrêter, mais Sa Majesté les a dispersés par la force de son bras valeureux et les a amenés prisonniers en Égypte” (cf. F. Cimmino, Ramesses II il Grande, Rusconi, Milano, 1984, pp. 95-96).
L’adversaire qu’affronte Ramsès II en Syrie est le Roi hittite Muwatalli, qui commande une armée plus nombreuse que la sienne. Une différence marque les 2 armées : les chars de combat hittites sont montés par 3 hommes, et non par 2 comme pour leurs homologues égyptiens, ainsi que l’attestent les indices épigraphiques. D’après Healy, le scénario de la bataille fut le suivant : le fleuve Oronte coulait du Sud vers le Nord et peu avant le Lac d’Homs, il recevait comme affluent, sur sa rive gauche, les eaux de l’Al-Mukadiyah. Dans le lambeau de terre formant le confluent se trouvait la nouvelle ville de Qadesh, occupée par les Hittites ; au Nord-Est et donc sur la rive droite se trouvait la vieille ville de Qadesh, elle aussi occupée par l’armée des Hittites, tandis qu’au Nord-Ouest, le Pharaon installait son campement avec la Division Amon et sa suite, apparemment sans savoir qu’il plantait ses tentes sous l’œil et le contrôle des Hittites. Ramsès II ne s’en aperçut pas et fit appeler d’urgence le reste de l’armée (M. Healy, op. cit., pp. 47 & 59).
Ramsès II, battu à Qadesh
Nous possédons 2 comptes-rendus égyptiens de la bataille : le Bulletin et le Poème de Pentaur. Les interprétations du déroulement exact de l’affrontement divergent : on suppose qu’une unité n’a pas fait son devoir en matière de reconnaissance ou que d’autres n’ont pas exécuté les ordres correctement : rien de nouveau dans l’histoire... La Division Ra traversa rapidement la plaine sur la rive gauche de l’Oronte, suivie à distance par les Divisions Pthah et Sutekh. L’objectif était de rejoindre le camp retranché de la Division Amon.
Les divisions hittites, avec leurs chars de guerre en tête, déboulèrent à l’improviste de l’autre côté de l’Al-Mukadiyah, en tombant sur le flanc droit de la Division Ra, scindant les formations de celles-ci en 2 et la mettant en fuite. Beaucoup de Hittites se mettent alors à piller les colonnes d’approvisionnement égyptiennes, et “oublièrent” de prêter main forte lors de l’attaque contre la Division Amon. Mais le gros des Hittites poursuivit la course et attaqua le camp retranché ; mais ces soldats rompirent leurs formations et s’éparpillèrent, tout en pillant tout ce qu’ils pouvaient trouver dans les riches tentes des Égyptiens. Ramsès II réussit tout de même à rassembler sa garde en bon ordre et les Sardanes se montrèrent à la hauteur de la situation : ils se comportèrent héroïquement et firent mur, bloquant l’assaut avec toute la vigueur voulue.
Dès qu’il put réorganiser ses chars de combat, en les ralliant aux restes de la Division Ra, qui venaient d’arriver, Ramsès II contre-attaqua. La colonne hittite dut alors se retirer sous la pression de la réaction adverse ; c’est alors qu’une seconde vague de chars hittites arriva sur le terrain pour prêter main forte aux siens, mais avec un certain retard. Le résultat de ce retard fut que l’armée hittite se trouva coincée entre les chars de Ramsès II et la cinquième division égyptienne, la Ne’Arin, arrivée, inattendue, du Nord avec ses cavaliers lancés au galop. La journée se termina dans un nuage de poussière où tous se combattaient sans ordre ni coordination, sans plus aucun plan de combat, où les uns doivent avancer tandis que d’autres doivent se retirer ; d’autres, dans ce désordre, cherchent à obtenir leur part du butin.
En fin de compte, les divisions hittites se retirent, non sans difficultés, de la rive droite de l’Oronte, et rejoignent leurs campements, tandis que les Divisions Amon et Ne’Arin, malmenées, se rassemblent avec les restes de la Division Ra. Pour certains historiens, le combat reprit le lendemain, dès l’arrivée des Divisions Pthah et Sutekh. D’autres estiment que non. D’autres interprétations encore postulent que le Pharaon a passé cette journée à juger quelques survivants de la Division Ra, qui avaient fui, afin de faire des exemples et de rappeler que la lâcheté est punie de mort. L’armée égyptienne s’est ensuite retirée et est rentrée au pays. L’armée hittite l’a suivie sur une partie du trajet : cela signifie en fait que les Égyptiens ont été battus, bien que dans une mesure réduite (ibidem, pp. 44-82).
Ces reconstructions, qu’elles soient appropriées ou non, ne changent rien à l’issue même du conflit : la signature d’un traité de paix entre Égyptiens et Hittites. Ce traité stipule une reconnaissance réciproque des territoires sur lesquels les uns et les autres gouvernent, avec une frontière proche de Qadesh, au nord de laquelle Ramsès II n’avait pas réussi à pousser ses armées. Il n’a pas obtenu la victoire en rase campagne. Quatre versions intéressantes peuvent se lire dans les ouvrages de Bibby, Ceram, Cimmino et Healy (G. Bibby, 4000 anni fa, Einaudi Editore, Torino, 1966, pp. 260-262 ; Ceram, Il libro delle rupi : Alla scoperta dell’impero degli Ittiti, Einaudi Ed., 1955, pp. 192-208 [tr. fr. : Le Secret des Hittites : Découverte d'un ancien empire, Plon, 1955] ; F. Cimmino, op. cit., pp. 94-112 ; M. Healy, op. cit., pp. 44-82). [Notons aussi La guerre de Ramsès II contre les Hittites (1939) de Josef Sturm]
Le traité de paix sera renforcé par la suite grâce au mariage [vers -1246/1245] entre Ramsès II et [Maâthor-Néferourê] la fille de Hattushilish III, successeur de Muwatalli. Dans le cadre de cette époque, le contenu d’une lettre envoyée par le Roi des Hatti à Ramsès II mérite d’être rappelé :
« Quant au fer à propos duquel tu m’écris, je n’ai pas de fer pur pour le moment à Kizzuwatna dans mes réserves. Ce n’est pas une période favorable pour faire le fer ; toutefois, j’ai demandé que l’on me fasse du fer pur ; pour l’instant, ce n’est pas fini, mais dès qu’il sera prêt, je te l’enverrai. Pour l’instant, je ne peux que t’envoyer une seule épée en fer » (F. Cimmino, op. cit., p. 130).
L’importance de l’Empire hittite
À la fin du IIe millénaire avant notre ère, commence l’expansion assyrienne sous Tiglatpileser I (1112-1074) : les rois d’Assyrie, avides de conquêtes, s’approchent des frontières hittites. Par ailleurs, un des plus fidèles vassaux des régions occidentales, Madduwattas, se présente à l’improviste à la cour hittite et explique qu’une nouvelle puissance est en train d’émerger. La région d’Arzawa accroît son influence de manière préoccupante et les Ahhiyawa (ou les Achéens ou Grecs primitifs) avancent leurs pions et forment désormais une puissance menaçante sur les confins occidentaux. Le grand empire que Suppiluliumas avait construit et qu’il avait tenu pendant près d’un siècle, disparaît en 2 générations, car il était aux mains du faible Tudhaliyas IV (1250-1220) puis d’un roi encore plus débile, Arnuwandas IV (1220-1190). Ni l’un ni l’autre ne furent en mesure de maintenir la politique constructive et pacifique de Hattusilis, ni de reprendre par l’épée ce qu’il avaient perdu par la voie diplomatique.
Sur la disparition soudaine de ce grand empire, on a avancé maintes conjonctures. Mais les choses sont pourtant simples : une nouvelle migration de peuples se préparait. Il ne suffit donc pas d’expliquer la “rapidité” de l’effondrement d’un empire : rappelons-nous tout de même que dans notre propre histoire occidentale, il y a eu bon nombre de flux et de reflux au cours de ces 150 dernières années ; songeons à Kant et à ses concepts de “temps” et d’“espace” ; dans ce contexte philosophique, les concepts propres à l’espace historique n’ont pas encore été étudiés dans leur valeur relative (Ceram, op. cit., pp. 217-219).
C’est alors qu’arrivent les Louviens et les Phrygiens, que certains identifient aux peuples de la mer ; Hattusa est prise, brûlée et pillée. La culture hittite survit encore 5 siècles dans les régions du Sud-est. Puis elle disparaît sans laisser de traces, sinon sur quelques tablettes d’argile et sur quelques indices épigraphiques. Kurt W. Marek, alias Ceram, conclut, dans son livre Il libro delle rupi : Alla scoperta dell’impero ittita, écrit en 1955 :
« Il y a 70 ans, les Hittites et leur empire étaient encore ignorés. Aujourd’hui encore, on enseigne dans nos écoles qu’il n’y a eu que les empires mésopotamiens et le Royaume d’Égypte pour déterminer, des points de vue politique et militaire, le destin de l’Asie Mineure et du Proche Orient. Mais à côté de ces empires et de ce royaume, il y a eu, pendant un certain temps, le grand empire hittite, égal aux autres en tant que ‘tierce puissance’ et dont la capitale Hattusa fut l’équivalente de Babylone et de Thèbes, non pas sans doute du point de vue de la civilisation, mais parce qu’elle revêtait une grande importance politique » (Ibidem, p. 274).
Gianluca Padovan, Rinascita 25 fév. 2011. (tr. fr. : RS)
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