dimanche 16 janvier 2022

L’Action Française et l’Islam (X/XI)

 

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Dernier état de la réflexion maurrassienne

En 2019, en opposition totale au modèle inclusiste, François Marcilhac et François Bel-Ker, directeur politique et secrétaire général de la « vieille maison », publient une étude intitulée Immigration : pour en finir avec les tabous. Ils proposent de rechercher des solutions politiques autour de cinq axes : le retour, l’assimilation, l’intégration, la famille et la coopération, reliés en un ensemble cohérent. Ni le terme d’expulsion ni celui de « re‑migration » – mot tabou pourtant de plus en plus répandu[1] – ne sont utilisés. Ils privilégient le mot « retour », emprunté au vocabulaire de la génération Maurras. L’objectif est d’inverser le flux migratoire des étrangers clandestins, des délinquants étrangers ou binationaux, mais également de mettre en place une batterie de mesures incitatives pour pousser au retour volontaire les résidents légaux. C’est la politique la plus expéditive. Simple à mettre en œuvre, elle a donné, quand on l’a appliquée, des résultats concrets. Elle doit, de plus, être étroitement coordonnée à une politique de coopération réaliste et ciblée.

Estimant que l’ « immigration de masse (pouvait) se trouver à l’origine d’une substitution de population »[2], les dirigeants maurrassiens préconisent parallèlement, une politique d’assimilation, « indispensable, car même avec la politique de retour, le nombre d’immigrés présents sur notre sol continuerait d’augmenter en raison du taux de natalité. » Assimilation donc… mais quelle assimilation ? Certainement pas celle de l’idéologie républicaine dont l’échec s’explique par l’absence de modèle efficace, puisqu’elle a répudié « les valeurs nationales et chrétiennes de la France » qui fondaient sa tradition assimilatrice. Les auteurs de l’étude retrouvent l’esprit du colloque du Cercle Vauban « Pour un nouveau régime »[3], où Axel Tisserand avait, en 2014, introduit pour un public maurrassien, le concept fort d’assimilation, par lequel s’effectue la fusion des références culturelles et des habitudes de vie. Il s’agit d’assimiler ces personnes à la nation par le lien de l’héritage national et des valeurs chrétiennes. Processus naturel, compte tenu de la manière dont s’est constituée, historiquement, la psychologie française – et processus radicalement différent d’une assimilation via les principes abstraits des Lumières imposés à une population qui les récuse.

Ce modèle d’une assimilation authentiquement française offre une perspective raisonnable aux étrangers résidents légaux désireux de rester en France. C’est la solution la plus réaliste et la plus durable, mais elle implique précisément la durée, à l’échelle de deux ou trois générations.

Elle peut répondre aux réalités démographiques à une condition : la mise en œuvre préalable d’une politique d’intégration, la logique intégrationniste n’étant plus présentée comme un sas avant le retour au pays mais comme un préalable à une politique d’assimilation à long terme : « C’est la plus difficile à mettre en œuvre étant donné le risque de voir se constituer ou se renforcer des communautés d’allogènes sans volonté d’assimilation. Cependant cette politique est indispensable car il vaut mieux chercher à « gérer » la situation actuelle que la subir de façon anarchique. Elle est même souhaitable dans le sens où l’histoire montre une plus grande facilité à assimiler une personne qui a des références culturelles fortes qu’un individu déraciné et cosmopolite, lequel est un terrain favorable à la révolte, surtout s’il est désœuvré. Cette politique ne doit pas être confondue avec un encouragement au renforcement de communautés d’allogènes. En revanche elle suppose de distinguer les diverses communautés étrangères présentes sur notre sol et d’assurer leur représentativité officielle. » Évidente est la continuité avec le traitement communautaire de la génération Maurras, opérant une distinction claire entre les diverses communautés et donc bien différente de l’utopique « Islam de France » que les ministres de l’intérieur successifs s’échinent vainement à mettre en place.

Flagrante également la compatibilité avec le constat du prince Jean : « La question se pose aujourd’hui du statut de l’islam. Le prince, garant de l’expression religieuse ? Oui ! Mais il ne peut pas tolérer les entreprises de déstabilisation sociale que certains voudraient fonder sur de fallacieux arguments religieux. » Statut de l’Islam ? On voit l’intérêt du Prince pour l’édit de Nantes d’Henri IV qui reste « un exemple dont nous pourrions encore nous inspirer, tant est grande la diversité des religions et des convictions sur le territoire français… »[4] D’où son interrogation : « Pourrions-nous procéder de la même façon avec l’islam, par exemple ? C’est une religion éminemment politique, dont beaucoup de croyants ont conservé des liens étroits avec leurs pays d’origines. Nous devons veiller à ce qu’aucune communauté ne s’érige en contre-société sous l’influence de courants anti-occidentaux. Alors, chrétiens, juifs et musulmans pourront se retrouver pour promouvoir ensemble certaines valeurs essentielles, comme l’importance de la famille ou le respect de la vie. » Suggestion en phase avec le cardinal Ratzinger incitant à une sorte d’union sacrée des religions face à un monde négateur de Dieu[5]. La preuve est ainsi faite que, sur l’Islam, les générations successives de l’École maurrassienne ont toujours fait des propositions réalistes, marquées par le sens capétien de la mesure et conformes à l’architectonique maurrassienne des « communautés étagées ». Un modèle meublant l’espace entre le roi et le peuple d’une foule de prudents relais, d’une procession de patients et réguliers degrés qui, sans heurt ni cahot, sans risque de hiatus, comblent l’écart par des corps (et des États) intermédiaires dont on peut parcourir sans peine, au pas du paysan, la parfaite hiérarchie[6]. Le maurrassisme prend sa part au cœur de la nébuleuse « réactionnaire » (« c’était mieux avant ! ») dont Zemmour, Buisson et Villiers sont les nouvelles figures de proue. Un pôle[7] restreint, cependant, face à l’axe jacobino-populiste prônant le modèle assimilationniste, et à l’alliance objective de l’eurocratie et de l’islamisme diffusant le modèle inclusiste. Une récente polémique lancée par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche[8] a d’ailleurs mis en évidence que l’alliance objective eurocratico-islamiste s’était renforcée d’un puissant mouvement islamo-gauchiste.

Philippe Lallement,

à suivre la semaine prochaine dans : 11/11 – Une alliance contre nature : l’islamo-gauchisme

Pour voir les articles précédents :

1/11 – La laïcité comme nœud gordien

2/11 – Quatre générations actives, porteuse de solutions originales

3/11 – 1930 – La dernière époque coloniale

4/11 – 1960 – La décolonisation

5/11 – 1990 – l’Immigration entre communautarisme et assimilation

6/11 – L’intégration communautaire de la « Génération Maurras ».

7/11 – Une ligne de crête instable et menacée

8/11 – 2020 L’alliance islamo-gauchiste

9/11 – Inclusion ou assimilation… les premières reflexions


[1] Voir le dossier de L’Incorrect n° 32, juin 2010, « Remigration, sauvez des vies, rentrez chez vous ».

[2] Les auteurs de l’étude évitaient d’utiliser l’expression de « grand remplacement » qui portait alors à polémiques sans fin, même si, en 2015, Renaud Camus a été invité à s’exprimer lors d’une table ronde de l’Action française sur « Immigration, stop ou encore ? »

[3] Dont les Actes ont été publiés dans la Nouvelle Revue universelle n° 41, été 2015

[4] L’édit de tolérance – on tolère ce qu’on ne peut pas détruire ou empêcher… – fixe dans la loi le statut des protestants et leur accorde des droits religieux, civils et politiques dans certaines parties du royaume.

[5] Cardinal Joseph Ratzinger, déclaration faite à Subiaco le 1er avril 2005.

[6] On peut reconnaître ici les termes utilisés, non sans subtilité, par Bernard-Henri Lévy dans son Idéologie française, si critiquable et réfutable par ailleurs.

[7] Voir Michel Michel, « Les Gilets jaunes, quelle idéologie ? », la Nouvelle Revue universelle n° 57, automne 2019.

[8] . Frédérique Vidal, interrogée sur CNews le 14 février 2021.

https://www.actionfrancaise.net/2022/01/12/laction-francaise-et-lislam-x-xi/

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