samedi 12 décembre 2020

Cap au Nord Homère dans la Baltique 1/2

  

Et si les poèmes homériques s'étaient à l'origine déroulés, non pas en Grèce ou en Asie mineure, mais à l'Âge du Bronze dans la Baltique ? C'est le souvenir de ces événements, par des peuples septentrionaux installés dans la péninsule hellénique, qui aurait inspiré l'Iliade et l'Odyssée. Telle est la thèse pour le moins surprenante qu'expose le chercheur indépendant Felice Vinci dans un ouvrage paru en Italie, en 1995, et enfin traduit en français, avec une préface d'Alain de Benoist.

Homère dans la Baltique de Felice Vinci expose une hypothèse surprenante : les poèmes homériques, et la légende troyenne, auraient pour cadre originel la Baltique et non la Méditerranée. L'hypothèse rappelle celle de Jùrgen Spanuth, Le secret de l'Atlantide (Copernic, 1977).

La préface d'Alain de Benoist rappelle tout ce qu'il faut savoir pour l'aborder sans prévention. Le lien à la Grèce et à la Méditerranée orientale n'est pas exclusif. Le rattachement de Troie à l'un des niveaux archéologiques du site d'Hissarlik (Turquie) est incertain. Le caractère « oral-formulaire » de la composition des poèmes homériques les rattache à la tradition épique indo-européenne tant par le formulaire hérité (la « gloire impérissable » également présente dans le Véda) que par leur contenu : Nicholas J. Allen a établi un parallèle entre les errances et les rencontres féminines d'Ulysse et celles d'Arjuna dans le premier livre du Mahãbhãrata.

Le préfacier mentionne également l'apport essentiel (ignoré de l'auteur) du livre d'Ernst Krause, Die Trojaburgen Nordeuropas (1893), mettant en évidence certains parallèles nordiques à la légende troyenne, qui ne se réduit pas à la guerre de Troie, mais commence avec le mythe énigmatique de Laomédon, la première destruction de Troie; or, l’Edda de Snorri fournit un parallèle intelligible avec la construction d'Asgard par le Géant bâtisseur frustré de son salaire comme les dieux engagés par Laomédon. Tout cela montre à l'évidence qu'Homère n'a pas composé ses poèmes à partir de ce qu'il avait vu lors de croisières en Méditerranée, surtout s'il faut ajouter foi à la légende qui fait de lui un aveugle.

Le monde homérique dans l'Atlantique nord

L'argumentation de l'auteur se fonde sur trois ensembles de données les anomalies constatées dans les textes homériques, les suggestions offertes par les parallèles Scandinaves, la comparaison entre la géographie homérique et celle de la Baltique.

1) Du côté grec, l'argument principal se fonde sur les incertitudes de la géographie homérique reconnues par plusieurs spécialistes. Ces incertitudes sont confirmées par une météorologie qui n'a rien de méditerranéen, avec le brouillard, le vent, le froid, la pluie, et qui justifie l'habillement des personnages homériques. Autre argument de poids, l'anomalie de la bataille qui dure deux jours et une nuit sans que les combattants soient obligés de s'interrompre à cause de l'obscurité, et du précepte « il faut obéir à la Nuit ». Les remparts de Troie ressemblent plus à leurs équivalents Scandinaves médiévaux qu'à leurs équivalents mycéniens, et que le Pharos de l'Odyssée est situé au milieu de la mer alors qu'il se trouve à moins d'un mille du port d'Alexandrie.

2) L'indication de Plutarque qui, dans son De facie quae in orbe lunae apparet, citant l'Odyssée, situe Ogygie dans l'Atlantique nord, montre que déjà le lien entre le monde homérique et la Méditerranée n'était pas exclusif. Elle concorde avec une observation de Tacite dans La Germanie : « Certains pensent qu'Ulysse aussi dans ces longues et merveilleuses erreurs, porté jusqu'en cet Océan, a rendu visite aux terres de Germanie ». La prémice d'Hellespontins dans les Gesta Danorum de Saxo qui les mentionne à deux reprises, les quatre frères pirates de l'Helspont attaquée par Iarmericus (Ermanaric) et l'expédition des Danois de Regnerus (Ragnar) contre les Hellespontis est inattendue, et significative. Il en va de même pour l'identification d'Asgard, la citadelle des Ases (les dieux scandinaves) à Troie, par Snorri, Gyjfaginning. Cet argument me semble décisif en raison du rapprochement établi par Ernst cause entre la légende Scandinave de la destruction d'Asgard par le Géant bâtisseur et la légende grecque de la première destruction de Troie, le mythe de Laomédon susmentionné. Les correspondances nordiques signalées par Martin P Nilsson dans Homer and Mycenae comme la présence de l'ambre dans les tombes anciennes, le caractère typiquement nordique du megaron, les dalles de pierre qui rappellent les menhirs de l'âge du bronze nordique apportent une confirmation archéologique. Enfin, le graffito de type mycénien trouvé à Stonehenge infirme l'existence de liens entre les deux cultures.

3 Les équivalences toponymiques proposées par l'auteur, les îles danoises pour Ithaque, l'Atlantique nord pour les pérégrinations d'Ulysse, le sud de la Finlande pour la Troade, la côte suédoise de Baltique pour le monde achéen ont été contestées pour de mauvaises raisons : le principe de la régularité s'applique aux changements phonétiques d'une langue, non au passage de toponymes d'une langue dans une autre, surtout quand il s’effectue à distance dans l'espace et dans le temps. Naturellement, faute de régularité, les ressemblances ne peuvent pas être considérées comme des preuves.

À suivre

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