jeudi 12 novembre 2020

Théodore Roosevelt, accoucheur de l'Amérique moderne

 Oublié en France, pays qu'il aimait et où deux de ses fils sont morts au combat(1), prix Nobel de la paix :  en 1906, Théodore Roosevelt (1858-1949) fut un homme d’État énergique qui modernisa et renforça la fonction présidentielle, combattit les puissances d'argent et lança la première politique environnementale. Un livre lui rend hommage.

Théodore Roosevelt n'a pas laissé la même trace dans l'histoire que son lointain cousin, Franklin Roosevelt, Président de 1933 à 1945, qui bouleversa par le « New Deal » les rapports entre l’État et la société, enraya la crise de 1929 et conduisit pendant la Deuxième Guerre mondiale les démocraties à la victoire contre le IIIe Reich. Théodore, lui, eut le bonheur de vivre à une époque beaucoup plus calme -, mais s'identifia par son incroyable énergie et ses centres d'intérêt les plus divers (poésie, boxe, ornithologie et chasse notamment) à la jeunesse et à l'exubérance de son pays au moment où celui-ci n'était pas encore une grande puissance, mais aspirait seulement à la prospérité.

Né dans une famille très en vue de l'oligarchie américaine (une des dix plus grandes fortunes new-yorkaises), diplômé de Harvard, Théodore Roosevelt est le symbole même du WASP (White Anglo Saxon Protestant) nanti mais fonceur, moralisateur mais plein d'optimisme : un élitiste travailleur et sûr de son bon droit, qui ne recule devant rien ni personne et fait le coup de poing quand c'est nécessaire.

La mort, le même jour, de sa mère et de sa première épouse

En 1881, il se lance dans la politique. Sa carrière va durer près de 40 ans, même si elle est d'emblée stoppée par un drame familial la mort, le même jour, de sa mère et de sa première épouse. Investissant alors une partie de sa fortune dans un ranch de bétail du Dakota, Roosevelt devient un chasseur passionné de gros gibier et un ardent défenseur de la vie en plein air : « ça m’a appris l'indépendance, la ténacité et à prendre rapidement des décisions… J'ai réellement et complètement apprécié cette vie », dira-t-il. Cette période est importante pour sa maturation auréolé par ses aventures, quelque peu romancées au fil du temps, il déclarera : « Je n 'aurais jamais pu devenir Président sans mes expériences dans le Dakota du Nord. »

Ses affaires dans le Dakota ne prospérant pas, il quitte cependant « l'ouest sauvage » et revient à la politique. Il réforme la fonction publique fédérale et la police de New York avant d'en devenir le gouverneur, se fait élire vice-Président des États-Unis, devient à 42 ans le 26e Président des États-Unis (et le plus jeune de l'histoire américaine), après l'assassinat de son prédécesseur par un anarchiste.

Durant ses deux mandats (1901 1909), ce Républicain, « progressiste » à sa façon, combat les trusts et les monopoles et initie une politique de protection de la nature et de l'environnement (ce qui n'était alors guère à la mode). Bien sûr, Roosevelt est un homme de son temps, qui croit à la « mission civilisatrice de l'homme blanc », à la destinée hors du commun des Etats-Unis et se fait le promoteur de la « Présidence impériale ». Indiscutablement, il contribue grandement, et brutalement, à faire de la jeune Amérique une puissance impérialiste. C'est à lui que l'on doit la formule célèbre « Parlez doucement et portez un gros bâton ! »

Il est notamment à l'origine du percement du canal de Panama, après la cession (contrainte) de cette contrée de la Colombie; et sa médiation réussie dans le conflit russo-japonais lui Vaut le Prix Nobel de la Paix en 1906.

L'amour du pouvoir et de la vie au grand air

Toute sa vie, il courtise la mort et méprise la souffrance physique. Rancher dans le Dakota, il court mille dangers, chassant l'ours et les couguars. En 1898, il abandonne ses fonctions ministérielles pour commander une brigade de volontaires et la conduit à la victoire dans deux attaques endiablées contre les coloniaux espagnols de Cuba. Devenu Président des États-Unis, il manque périr dans un accident, en septembre 1902. Il plonge à bord d'un sous-marin en 1908, monte en avion dès 1910. Grièvement blessé dans un attentat en octobre 1912, alors qu'il est à nouveau candidat à la présidence, il part l'année suivante en expédition dans la forêt amazonienne, paye grandement de sa personne et manque d'y laisser sa peau. Peu de présidents américains ont laissé une telle image d'amour de la vie au grand air et du pouvoir à la fois.

À travers ce destin plein de rebondissements, Yves Mossé rend compte avec verve et précision des quatre décennies qui, à partir de 1880, ont transformé les États-Unis et en ont fait une puissance pleine de vitalité « sûre d'elle et dominatrice », apte à jouer un grand rôle sur la scène internationale.

✍︎ Yves Mossé, Théodore Roosevelt, La Jeune Amérique, Jean Piccolec, 2012.

1). En 1914, Roosevelt milite avec acharnement pour l'entrée en guerre des États-Unis aux côtés des alliés contre les Empires centraux, deux de ses fils mourront au champ d'honneur en France. Parmi les 9386 tombes du cimetière américain qui surplombe la plage d'Omaha Beach en Normandie, deux, situées côte à côte, portent le nom de Roosevelt. La première est celle de Quentin Roosevelt, mort à 21 ans, le 14 juillet 1918, abattu en vol par la chasse allemande : la seconde est celle de son frère. Théodore, tué le 12 juillet 1944 en débarquant parmi les premiers sur la plage d'Utah Beach, le 6juin 1944.

Henri Malfilatre monde&vie 5 février 2013 n°871

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