mercredi 11 novembre 2020

Philippe de Villiers : « La Vendée est l'œil de Caïn de l'histoire de France »

 Député français au Parlement européen, ancien ministre et ancien président du Conseil général de Vendée, Philippe de Villiers vient de publier chez Albin Michel une biographie très originale du grand chef royaliste Charette. Il a bien voulu revenir pour Monde et Vie sur cet étonnant succès.

Monde et vie : Vous attendiez-vous à un tel succès pour ce livre qui a d'ores et déjà dépassé les 35000 exemplaires ?

Philippe de Villiers : je ne m'attendais pas du tout à un tel succès. Je suis très surpris de cet engouement qui ne se dément pas. Il s'explique visiblement par le bouche à oreille. Je pense que c'est une réaction à l'esprit de l'époque qui porte tellement à la désespérance. Le spectacle politique actuel est affligeant. Les gens ont besoin de se ressourcer, de prendre de la hauteur. Charette et Hollande sont deux planètes totalement différentes.

C'est un livre scénario pour les gens qui habituellement ne lisent pas. Il brûle les mains car j'ai voulu l'écrire avec une plume de feu. Le style est court, la phrase et la progression rapide. Il se lit comme un roman, mais ce n'est pas un roman. Je n'invente rien.

Votre livre laisse une large place au Charette de la période prérévolutionnaire, souvent ignoré par les historiens. Pour quelles raisons lui portez-vous un tel intérêt ?

J'ai voulu décrire la période de la vie de Charette mise sous le boisseau, qui va de 1779 à 1790. C'est le Charette breton, brestois et marin. Il était très important de mettre l'officier de marine, le Charette pré-vendéen en exergue, parce qu'il explique le Charette terrien, vendéen. Charette stratège tire sa science de la Guerre d'Indépendance américaine, où il sert sous les ordres de l'amiral de Grasse en 1782 et pendant laquelle le peuple se bat pour sa liberté, comme de ses contacts avec les Grecs asservis par les Turcs, qui datent de 1788, alors qu'il sert en Méditerranée contre les Barbaresques. Charette tacticien, qui va briller dans une guerre de chemins creux, se forge lors des débats de l'académie de marine à Brest, auxquels il assiste. À la bataille rangée, en ligne, La Motte Picquet et Suffren substituent la rupture, le décrochage. Cela va inspirer la guerre de partisans que Charette va expérimenter en Vendée.

Sur ce plan, vous ne faites pas mystère de l'influence sur votre livre des travaux d'Hervé Coutau-Bégarie, récemment disparu ?

Tout à fait. J'ai eu la chance de bénéficier des conseils de celui qui fut à l'origine du renouveau historiographique sur la guérilla vendéenne. Il a validé mes analyses. Je ne les aurais pas exprimées si je n'avais pas eu l'aval de ce grand historien militaire.

Comment expliquez-vous l'intérêt que les Français d'aujourd'hui portent aux guerres de Vendée, vieilles de 220 ans ?

Alexandre Soljénitsyne, le plus grand dissident du XXe siècle, nous aide à le comprendre lorsqu'il déclare, le 25 septembre 1993 aux Lucs-sur-Boulogne : « Les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée. » Il avait tenu à venir expliquer en personne que c'est aux Lucs qu'ont eu lieu les premiers tours de la « roue rouge » qui frappera la Russie en 1917. Les Français se passionnent pour la Vendée parce que les Vendéens ont sauvé l'honneur. La Vendée est une conscience dressée.

Que les pouvoirs publics, 220 ans après, n'aient toujours pas reconnu officiellement le génocide vendéen, accroît l'intérêt et la curiosité des jeunes Français. On se refuse à accepter que Robespierre ait prôné une Révolution terroriste, ait voulu « fabriquer une humanité nouvelle », façonner un nouveau peuple. On oublie, ou on veut oublier, que ce même Robespierre a écrit dans le Journal des Jacobins : « Nous sommes devant un terrible dilemme ou bien la Vendée est reconnue coupable. Alors, ce que nous avons fondé est légitime. Ou bien la Vendée est déclarée innocente. Alors, pèsera, sur chacun d'entre nous et sur la Révolution tout entière, un terrible soupçon. » Vous connaissez le vers de Victor Hugo : « L'œil était dans la tombe et regardait Caïn. » La Vendée est l'œil de Caïn de l'Histoire de France.

Pouvez-vous nous parler de votre projet de film sur la vie de Charette ?

J'ai écrit ce livre pour en faire un film. Il existe deux projets cinématographiques en cours. Un aux Etats-Unis, où la traduction du livre est dans les mains de Randall Wallace, le scénariste de Braveheart et de Pearl Harbour. L’autre en France, où Olivier Dazat, scénariste d'Himalaya, l'enfance d'un chef, s'occupe du découpage.

Philippe de Villiers, Le Roman de Charette, Albin Michel, 480 p.

Propos recueillis par Jacques Cognerais monde&vie 26 décembre 2012 n°869

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