L'assassinat de l'Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, dont les conséquences ensanglantèrent l'Europe pendant quatre ans, faillit échouer. Le 28 juin 1914, un hasard fit basculer l'histoire.
L'une des principales objections au sens de l'histoire tel que le conçoivent les marxistes, tient à l'importance que revêt parfois un aléa, une coïncidence, un détail qui entraîne des conséquences considérables. Ainsi, le 28 juin 1914, à Sarajevo, si l'automobile dans laquelle se trouvaient l'Archiduc François-Ferdinand, héritier de l'empire austro-hongrois, et son épouse, la duchesse Sophie de Hohenberg, ne s'était pas inopinément arrêtée à l'endroit où se trouvait posté Gavrilo Princip, l'attentat qui provoqua la Première Guerre mondiale, avec pour conséquences la révolution russe, la disparition de l'empire austro-hongrois, celles de l'empire allemand et de l’empire ottoman, enfin la Deuxième Guerre mondiale, aurait échoué.
Une conjuration, et de la « chance »
Ce 28 juin, dans le but d'assassiner l'Archiduc héritier, sept conjurés appartenant au mouvement serbe Jeune Bosnie se sont échelonnés le long du parcours que doit suivre le cortège officiel, armés de bombes et de pistolets fournis par la Main noire, une société secrète dirigée par le chef des services secrets serbes, le colonel Dragutin Dimitrievitch, alias Apis, meurtrier, en 1903, du roi de Serbie Alexandre Ier et de la reine Draga.
La foule s'est massée sur le quai Appel, le long de la Miljacka, pour acclamer l'Archiduc et son épouse. Le service de sécurité est restreint, en raison de la présence de la duchesse, qui, en vertu du protocole, n'a pas le droit à la même protection qu'une archiduchesse. De petite noblesse tchèque, Sophie n'a pas droit à ce titre et, pour l'épouser contre le vœu de l'empereur François-Joseph, François-Ferdinand a dû consentir à faire un mariage morganatique qui prive leurs enfants des droits à la couronne.
Le chauffeur pile, Princip s'avance...
Alors que le cortège avance en direction de l'hôtel de ville, une bombe, lancée par un ouvrier typographe membre de la conjuration, heurte la voiture, rebondit sur la capote repliée et explose sous la voiture suivante, blessant grièvement ses occupants et plusieurs personnes parmi la foule. La duchesse Sophie, assise à côté de son mari, est égratignée au cou. La voiture de l’Archiduc repart, à vive allure, vers l'Hôtel de ville. Il en repart à 10h45, après les discours officiels - et non sans avoir fait connaître son indignation au malheureux maire de la ville. François-Ferdinand ayant demandé à visiter les officiers blessés dans l'attentat, le gouverneur militaire, le général Potiorek, a choisi, pour gagner l'hôpital, de modifier l'itinéraire prévu. Le danger semble écarté, les conjurés eux-mêmes pensent l'attentat manqué. Princip lui-même est parti chercher de quoi déjeuner.
Mais sur le quai Appel, les deux voitures qui précèdent celle du prince se trompent, tournent dans la rue François-Joseph. Le chauffeur les suit déjà, lorsque le général Potiorek lui ordonne de s'arrêter pour reprendre la bonne direction. Le chauffeur pile, à quelques pas de Princip, qui s'avance, brandit son pistolet et tire, deux fois. La première balle touche la duchesse Sophie au ventre, la deuxième frappe l'Archiduc à la veine jugulaire. La voiture repart en trombe, mais la princesse glisse inconsciente sur les genoux de son époux, qui murmure « Sophie ! Ne meurs pas ! Vis pour nos enfants ! » Le couple est conduit à la résidence du gouverneur, où meurent les deux époux.
Leur meurtrier, quant à lui, avait été pris sans être parvenu à se suicider. Agé de 19 ans seulement, Gavrilo Princip échappa à la peine de mort, mais, incarcéré à la forteresse de Theresienstadt, il y contracta la tuberculose, qui l'emporta en avril 1918, dernière année de la guerre. On peut dire que ses deux coups de pistolet furent les plus meurtriers de l'histoire ils firent neuf millions de morts !
Hervé Bizien monde&vie 30 juillet 2014 n°895
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