L'identité de la France ne se résume pas plus à la possession d'une carte plastifiée que celle d'une personne à un extrait d'état-civil. L'identité est liée à l'âme. Et depuis 496, l'âme de la France est catholique.
La question de l'identité, du moins son concept, peut-être ambiguë. Comme l’explique Thibaut Collin, professeur de philosophie, ce concept « vient du vocabulaire des revendications minoritaires (Noirs, femmes, gays etc.). Il ne peut être utilisé dans le cas des nations sans souligner qu'une nation n'est pas un groupe semblable à telle ou telle minorité puisant dans une idéologie le motif de sa - reconnaissance et de sa "fierté" » En d'autres termes, l'identité d'une nation n'a pas besoin qu'on en parle pour s'imposer. Elle n'est pas de l'ordre de la revendication.
Mais il n'est pas inutile, malgré tout, de réfléchir avec nos contemporains. L'identité d'une personne est indéniablement une identité physique. Celle d'un pays l'est aussi : on parle alors de géographie. La France est un « hexagone » identifié par des frontières naturelles et de multiples paysages comme une personne s'identifie par sa taille, sa couleur de cheveux et autant de traits qui font sa physionomie. Mais peut-on s'arrêter là? Ne peut-on pas voir les choses plus en profondeur ?
Pour savoir quelle est notre identité, doit-on viser plus haut que notre identité physique et chercher dans la partie supérieure de notre être ce qui fait fondamentalement notre identité profonde ?
L'identité spirituelle de la France est chrétienne
C'est le sens du célèbre « connais-toi toi-même » du sanctuaire de Delphes repris par Socrate. Pour ce philosophe, nous avons à nous connaître de l'intérieur. Se « connaître de l'intérieur » n'est ce pas justement trouver son identité ? Une identité non plus purement physique mais spirituelle ? L’âme est encore principe d'unité, selon le maître de Platon. Or nous dit le petit Robert de la langue française, identité peut se définir par le « caractère de ce qui est un ». Ou encore, elle est connexe au principe d'« unité ». Il existe donc bien un lien entre l'identité-et l'âme. L'identité peut bien relever de l'ordre spirituel.
Historiquement, en France, c est la religion catholique qui a rempli cet ordre. Quand la République a voulu le remplacer par une philosophie laïque élaborée par « Les Lumières », elle n'a fait finalement que poursuivre le même but que l’Église en laïcisant «profanant» ses valeurs : la République a exporté sa foi en la liberté, l'égalité et la fraternité sur tous les continents. Ce n'était plus l’Évangile du fils de Dieu que l’on prêchait, mais des idées. Et les Droits de l'homme se sont imposés.
Comme le dit Chesterton, « le monde moderne est envahi de vieilles vertus chrétiennes devenues folles ». La liberté annoncée par la République remplace la liberté promise aux enfants de Dieu; l'égalité, la dignité en Dieu de tous les hommes; et la fraternité poursuit l'idéal de fraternité chrétien. Si l'identité est de l’ordre de la permanence, si elle participe du principe d'unité, de l'âme donc, alors on peut dire que l'identité de la France est chrétienne.
Quand la République nous dit qu elle est « une et indivisible », elle court encore après son unité chrétienne. Une unité qu elle cherche à poursuivre tout en en niant l'essence d'ordre spirituelle et historiquement chrétienne de la France. Or c'est le baptême qui identifie un chrétien. Je peux m'identifier comme chrétien, ou plus précisément comme catholique, parce que j'ai été plongé dans les eaux du baptême.
En embrassant la foi catholique, Clovis a accompli un acte fondateur
Pourquoi peut-on dire que le baptême de Clovis en 496 est fondateur et qu'il donne à la France son identité chrétienne ? Michel Rouche et Pierre Chaunu nous donnent des éléments de réponse, le premier dans son ouvrage sur Clovis(1), le second en ayant écrit avec Eric Mension-Rigau sur le Baptême de Clovis, baptême de la France, de la religion d’État à la laïcité d’État(2). La conversion du chef franc est une affaire de personne dans laquelle Geneviève, Clothilde et Rémi jouent un rôle important. Mais la conversion du prince implique aussi - sur le long terme seulement et pas de manière coercitive, comme l'a montré magistralement Bruno Dumézil(3) -, la conversion du reste du peuple franc. Après son baptême, Clovis favorise Église gallo-romaine, solidement encadrée par ces figures de proue qu'étaient les évêques mérovingiens. Les princes qui lui succéderont resteront ses alliés et ses protecteurs jusqu'à faire émerger cette nation franque à laquelle nous appartenons(4).
Certes, les pasteurs chrétiens n’avaient pas attendu le baptême du prince franc pour évangéliser la Gaule. Mais l’hérésie arienne rongeait une partie de son territoire : les Wisigoths et les Burgondes, implantés, les premiers en Aquitaine, et les seconds de Langres jusqu'à la Durance, étaient convertis à l’arianisme. En rejetant ses dieux barbares pour embrasser la foi catholique et être marqué du sceau du baptême, Clovis a bel et bien accompli un acte fondateur jamais renié par ses successeurs royaux.
Principe d'unité, vecteur d'identité, la foi chrétienne a irrigué la France. Les droits sociaux dont notre État-Providence est si prodigue, ne découlent-ils pas de ce besoin que ressent le pouvoir de se soucier des plus démunis, écho de l'Évangile pour les uns, caricature pour les autres ? Pour retrouver le sens de notre identité et de notre histoire, laissons au pape Jean-Paul II le soin de nous interpeller. C'était au Bourget, le 1er juin 1980 : « France, France, fille aînée de l'Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? »
1). Michel Rouche, Clovis Fayard, 1996
2). Pierre Chaunu, Eric Mension-Rigau, Baptême de Clovis baptême de la France, de la religion d’État à la laïcité d’État, Balland, 1996
3). Bruno Dumézil, Les racines chrétiennes de l’Europe conversion et liberté dans les royaumes barbares Ve - VIIIe siècle Fayard, 2005
4). cf. Colette Beaune, Naissance de la nation France, Gallimard, 1985
Pascal Lesage monde&vie 21 novembre 2009 n° 819
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