Notre savoir sur l'homme de Néandertal ne cesse de s'enrichir. Après le décodage complet de l’ADN contenu dans les mitochondries d'un Néandertalien ayant vécu il y a 38 000 ans en Croatie, qui avait été réalisé l'an dernier, une étude conduite à l'Institut Max-Planck d'anthropologie de l'évolution à Leipzig a permis de décoder l'ADN mitochondrial de six autres individus provenant cette fois de toute l'Europe : un de Russie (grotte de Mezmaskaïa) vieux de 60 000 à 70 000 ans, un d'Espagne, deux d'Allemagne et deux de Croatie, ces quatre derniers étant âgés d'environ 40 000 ans. Les résultats obtenus ont permis de constater que, quelques millénaires seulement avant son extinction, la population néandertalienne était génétiquement très homogène en dépit de sa dispersion géographique : comparés deux à deux, les ADN mitochrondriaux des quatre derniers sujets ne présentent que huit différences en moyenne. Seul l'échantillon russe, qui est aussi le plus ancien, s'écarte nettement des autres avec 44 différences en moyenne. Ces résultats laissent supposer, soit que l'homme de Néandertal aurait été décimé à un moment donné de son histoire, ce qui aurait réduit sa diversité génétique, soit que cette population aurait toujours été très petite. Dans les populations de petites dimensions, une même séquence d'ADN n'est en effet portée que par un faible nombre d'individus. La quasi-identité des ADN mitochondriaux plaide plutôt en faveur de la seconde hypothèse.
De son côté, l'archéologue João Zilhão, de l'Université de Bristol, qui a toujours été convaincu que les derniers Néandertaliens ont continué à vivre un certain temps dans la péninsule ibérique après avoir été remplacés par des hommes anatomiquement «modernes» partout ailleurs en Europe, a fait une découverte non moins surprenante en mettant au jour, dans deux cavernes fréquentées il y a 50 000 ans par des Néandertaliens, situées l'une et l'autre dans la région de Murcie (Espagne), Cueva de los Avkmes et Cueva Antõn, un ensemble de coquillages qui semblent avoir été utilisés pour contenir et mélanger des pigments d'origine végétale ou animale. Les coquillages étaient percés de trous réguliers, ce qui laisse supposer qu'ils étaient portés en colliers. Les pigments dont on a retrouvé les résidus, de couleur jaune, noire et rouge, étaient probablement employés pour le maquillage du visage et la peinture du corps. En 2003, Jean-Claude Marquet et Michel Lorblanchet avaient déjà découvert dans un abri de La Roche-Cotard, en France, les restes d'un masque de pierre sculpté par des hommes de Néandertal ayant vécu il y a 32 000 ans, mais on pensait jusqu'ici que seul Homo sapiens avait fait usage de cosmétiques. Il s'avère maintenant que les Néandertaliens se maquillaient quelque 10 000 ans avant que les hommes «modernes» n'apparaissent en Europe, ce qui ouvre de nouveaux aperçus sur leurs capacités symboliques.
Sources : Science, 2009, 325, 318; New York Times, 8 janvier 2010; BBC News, 9 janvier 2010; Proceedings of the National Academy of Sciences, 11 janvier 2010; PLoS One, 27 janvier 2010.
éléments N°135 avril-juin 2010
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