jeudi 20 août 2020

Encore de nouvelles découvertes pour compléter l'arbre généalogique de l'humanité !

 En matière de paléontologie humaine, outre la preuve d'un ancien croisement entre l’Homo sapiens et l'homme de Néandertal, deux autres événements capitaux sont intervenus ces derniers mois.

L'étude de l'ADN mitochondrial (16 569 paires de bases) d'un os de doigt humain vieux de 40 000 ans retrouvé en 2008 dans la grotte de Denisova, située dans les steppes montagneuses de l'Altaï, en Sibérie méridionale, a réservé à Svante Pääbo et à Johannes Krause, ainsi qu'à leurs collègues l’institut Max Planck d'anthropologie prise de première grandeur. L'ADN de ce doigt - en l'occurrence, un doigt d'enfant - ne correspond en effet ni à celui de l'homme moderne ni à celui des Néandertaliens, dont des restes ont aussi été retrouvés dans cette grotte ! Alors que l'ADN mitochondrial de l'homme moderne et celui de l'homme de Néandertal diffèrent en moyenne par 202 positions de leurs nucléotides, l'ADN retrouvé dans la grotte de Denisova se distingue par 376 positions de celui des Néandertaliens et par 385 positions de celui de l'homme moderne. Cette découverte laisse donc supposer que l'Asie centrale était alors occupée aussi par une troisième famille humaine jusqu'ici totalement inconnue, ce qui en dit long sur la biodiversité humaine à cette époque (surtout si l'on y ajoute encore l’Homo floresiensis, découvert en 2003 sur Île de Flores en Indonésie).

Mais de quel hominidé provenait ce doigt ? Il ne peut s'agir ni d'un Homo erectus, sorti d'Afrique il y a environ 1,9 million d'années, ni d'un Homo heidelbergensis, qui est arrivé en Europe il y a environ 650 000 ans, mais peut-être d'un hominidé ayant eu il y a un million d'années le même ancêtre commun que l'homme de Néandertal et l'homme moderne, mais qui serait apparu avant eux. Selon les chercheurs, cette nouvelle espèce, à laquelle on n'a pas encore donné de nom, pourrait attester une migration venue d'Afrique dont on n'avait jusqu'à présent jamais entendu parler, mais ce n'est là pour l'instant qu'une supposition. L'ADN mitochondrial n'étant transmis que par la mère, de nouveaux éléments doivent encore être obtenus par séquençage de l'ADN nucléaire. En cas de confirmation, il s'agirait en tout cas de la première espèce humaine identifiée à ce jour sur la seule base de son ADN, et non à partir d'un examen de restes.

L'autre découverte exceptionnelle a eu lieu en Afrique du Sud et renvoie à une période beaucoup plus reculée. Les restes fossilisés d'un nouvel hominidé vieux de 1,95 million d'années, que l'on a déjà dénommé Australopithecus sediba, ont en effet été exhumés dans la célèbre grotte de Malapa, située à 15 km du site de Kerkfontain, par une équipe de l'Université du Witwatersrand à Johannesburg dirigée par Lee Berger. Ces restes, exceptionnellement bien conservés, sont ceux d’une femelle et d'un jeune mâle, probablement une mère et son fils. On pensait jusqu'ici que le premier représentant du genre Homo, issu d'une espèce d'australopithèque (Australopithecus afarensis ou Australopithecus africanus), avait été l’Homo habilis, qui vivait sur le continent africain il y a entre 2,5 et 1,5 million d'années et aurait été l'ancêtre direct de l’Homo erectus. Mais cette thèse a toujours été discutée, car on ne possède que des restes peu nombreux, donc peu fiables, d’Homo habilis. L’Australopithecus sediba pourrait être plus proche encore de l’Homo erectus, ce qui permettrait de reléguer l’Homo habilis à une branche collatérale de l'arbre généalogique de l'humanité. Cette nouvelle espèce d'australopithèque possédait en effet des caractéristiques typiques du genre Homo (longues jambes, pelvis robuste, aptitude à marcher redressé, etc.), et sa parenté avec l’Homo erectus est déjà bien attestée par la configuration générale de son squelette.

Il est à noter que les deux squelettes d’Australopithecus sediba ont séjourné en France en février dernier. C’est en effet à Grenoble, dans les installations de l'European Synchrotron radiation Facility (ESRF), que ces os ont été analysés en profondeur par les faisceaux de rayons X du Synchrotron, dont le grand spécialiste est le paléontologiste Paul Tafforeau, de l'Université de Poitiers. Après avoir voyage par valise diplomatique, les ossements ont même gagné l’ESRF sous escorte policière !

Sources : Nature Online, 24 mars 2010; Science New, 24 mars 2010; Physorg.com, 6 avril 2010; Nature, 8 avril 2010; Science, 9 avril 2010.

éléments N°139 juillet-septembre 2010

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