André Posokhow
Les orientations stratégiques et politiques des belligérants après la chute de Paris.
Du côté des Allemands, le choix d’un armistice acceptable.
En juin 40, Hitler qui, vraisemblablement souhaitait traiter avec les Britanniques, préféra, pour obtenir un règlement politique, une autre solution que l’écrasement définitif de notre pays. Pour cela, soucieux d’éviter une résistance des colonies françaises et un ralliement de notre flotte à l’Angleterre, il préféra neutraliser la France et choisit la solution d’un armistice acceptable qu’il imposa à Benito Mussolini..
Chez les Britanniques, Churchill imposa la lutte contre l’Allemagne.
Fin mai, Churchill, partisan de la résistance à l’Allemagne, imposa, non sans difficultés, la poursuite de la guerre à son gouvernement.
Retirant ses dernières troupes hors de France, replié sur son ile, il s’employa à contraindre le gouvernement français à aller jusqu’au bout d’un combat désespéré en invoquant la duperie de l’accord franco-anglais du 28 mars 1940. Sa grande préoccupation était le sort de la flotte française.
Un président du conseil qui n’a pas été à la hauteur des évènements.
Si ses responsabilités ministérielles passées ne confèrent pas à Paul Raynaud une responsabilité directe dans la défaite de la France, l’opinion générale est qu’il ne s’est pas montré à la hauteur des évènements en mai-juin 1940. Il est vrai que sa tâche était accablante.
Epuisé nerveusement, harcelé par une maitresse hystérique qui le ridiculisait, il n’a pu maitriser un ministère divisé.
Il n’a pas su s’imposer à des Anglais qui avaient lâché le combat en pleine bataille ni parler ferme à son vieux comparse Churchill, pourtant prêt à réduire Paris en cendres pour donner du temps à l’Angleterre. Il a toléré que Edward Spears, l’émissaire particulièrement malveillant du premier ministre, assiste à des réunions intérieures des autorités françaises alors que la réciproque ne pouvait même pas être imaginée.
Il ne s’est donné le choix qu’entre une poursuite du combat en AFN ou en Grande-Bretagne et d’autre part une capitulation aux conséquences terribles pour la France mais qui aurait eu l’avantage de refiler l’ardoise des fautes des politiciens à l’Armée.
Le choix de la lucidité du Maréchal Pétain et de Maxime Weygand.
Le premier de ces choix fut, alors qu’il était évident que la bataille était perdue en métropole, le refus opposé à Raynaud par le général Weygand d’une capitulation interdite par le Code de justice militaire.
Aussi bien Pétain que Weygand ont affirmé leur détermination à ne pas quitter le sol de la métropole.
Les souvenirs atroces des souffrances qu’a infligées l’occupation allemande aux départements du Nord en 1914-18, hantaient leur mémoire. Le sort de la Pologne martyre à partir de 1939 n’a fait que renforcer cette hantise. A leurs yeux, seul un armistice permettrait d’éviter une administration directe par le Reich et la « polonisation » de la France.
Le gouvernement du Maréchal Pétain savait que des contacts en vue de la paix avaient lieu entre l’Allemagne et le Royaume uni. La poursuite de la guerre par notre allié apparaissait loin d’être certaine.
Weygand avait la certitude que l’AFN n’avait pas les moyens d’une résistance dans le cas parfaitement envisageable, où l’armée allemande qui en avait les possibilités, aurait entrepris d’occuper ces territoires. La réalisation de ce risque aurait fait perdre non une bataille mais tout simplement la guerre au camp allié.
Une signature de l’armistice humiliante mais jugée non déshonorante.
Les prémices.
Le 17 juin, le Maréchal Pétain a adressé au peuple français une allocution dans laquelle il a déclaré « il faut cesser le combat ». Cette phrase maladroite et le fait que l’armistice n’a été définitivement conclu qu’une semaine plus tard alors que les opérations se poursuivaient, ont permis aux Allemands de faire de très nombreux prisonniers.
Plus habile a été la demande faite à l’Espagne de s’entremettre pour permettre d’ouvrir les négociations. En effet le Maréchal était convaincu que le général Franco le presserait de conclure un armistice pour ne pas être contraint de laisser le passage aux troupes allemandes et ainsi rentrer en guerre et l’aiderait dans ce sens.
Accepter l’inacceptable ?
Dans le documentaire sur les secrets de l’armistice du 31/5/2020 sur TV cinq il est loisible d’entendre un, journaliste, accuser les plénipotentiaires français de partir à Rethondes où eut lieu la signature de l’armistice, pour « accepter l’inacceptable ». Ce n’est pas exact.
Le général Huntziger qui conduisait la délégation française avait reçu du Maréchal Pétain une directive impérative sur trois points, sous peine, en cas de refus, de continuer la lutte. Il a martelé énergiquement ces trois points, comme on l’entend dans le documentaire, en dépit de la situation stratégique calamiteuse que n’ont pas manqué de lui rappeler les Allemands.
-Non occupation de la totalité du territoire français. Les Français eurent satisfaction car non seulement les Allemands évacuèrent des villes qu’ils avaient occupées comme Lyon, mais ils laissèrent au gouvernement Pétain une zone dite libre, en principe souveraine, dotée d’une armée de 100 000 hommes : armée croupion, mais armée quand même.
-Non occupation et non livraison d’un territoire de l’Empire, ce qui fut le cas.
-Non livraison de tout ou partie de la flotte. Les Allemands en convinrent sous condition d’un désarmement dans les ports d’attache du temps de paix. Les Français demandèrent que ce désarmement ait lieu dans les ports d’AFN pour des raisons évidentes. Les Allemands acceptèrent mais refusèrent que ce soit inclus dans la convention écrite. Il est très regrettable que les plénipotentiaires français n’aient pas plus insisté pour avoir satisfaction.
Les Allemands acceptèrent de surcroit que le matériel d’aviation ne soit pas livré mais stocké en zone non occupée ce qui était appréciable. En fait une grande partie de l’aviation traversa la Méditerranée.
En revanche ils opposèrent un refus sec à l’infléchissement de la ligne de démarcation vers le nord et à l’abandon de l’article 19 qui prévoyait la livraison de réfugiés politiques allemands.
Il semble que cette clause qui peut être ressentie comme une tache pour la France n’ait pas eu, selon l’amiral Auphan de conséquences graves, beaucoup d’entre eux ayant eu le temps de s’échapper.
L’armistice fut signé le 22 juin avec le Reich. Un deuxième armistice fut signé avec les Italiens le 25 juin sans conséquences néfastes significatives, le Duce ayant été calmé par Hitler.
Un armistice dur et imprécis que les Allemands violèrent dès 1940
Cet armistice qui s’inscrivait dans un contexte de défaite totale était très dur. Les armées françaises étaient désarmées, démobilisés et leur matériel remis à l’armée allemande. Le trafic maritime colonial était subordonné à l’autorisation préalable des autorités allemandes. La convention d’armistice était valable jusqu’à la conclusion du traité de paix, c’est-à-dire sine die. Enfin l’objet du traité de paix à venir était « la réparation des torts causés par la force au Reich allemand ». Lesquels ?
Rédigé de manière ambigüe il permettait une extension et un alourdissement des charges et des contraintes imposées à la France. L’Allemagne exerçait les droits de la puissance occupante avec le concours de l’administration française, sans que ces droits fussent définis. Ce fut le cas des frais d’entretien des troupes allemandes sur le territoire français dont le montant fut fixé après le 22 juin à un montant colossal de 400 millions de francs/jour. Certaines dispositions étaient autant de chausse-trappes et permettaient d’exercer une pression constante sur le gouvernement français. La convention pouvait être dénoncée à tout moment par le gouvernement allemand. Les prisonniers de guerre qui furent la hantise quotidienne du Maréchal, demeureraient prisonniers jusqu’à la paix et leur sort dépendait du bon vouloir allemand. Le franchissement de la ligne de démarcation pouvait être restreint à tout moment et l’occupant ne s’en priva pas. C’était « le mors dans la bouche du cheval ». Enfin les clauses concernant l’administration française servirent aux Allemands pour traquer les Juifs.
N’arrivant pas à s’entendre avec la Grande-Bretagne et déterminé à traiter la France d’une main de fer, Hitler viola les bornes imprécises de l’armistice pour appliquer la loi du plus fort. Ce fut le début d’un pillage extravagant d’une France désormais affamée. La France divisée par les Allemands en six zones, dont l’Alsace Lorraine purement et simplement annexée. Cette annexion constituait le prélude de celle de la zone interdite de l’Est de la France, vieux rêve pangermaniste, dont beaucoup de réfugiés se virent interdire de rentrer chez eux.
Les Allemands chassèrent également les personnes jugées indésirables, notamment les juifs, d’Alsace Lorraine.
Hitler laissait ainsi présager le contenu du traité de paix drastique qu’il comptait imposer à la France et qui comporterait un vaste plan de démembrement.
Mais des conditions favorables inespérées.
Compte-tenu de la débâcle alliée, les conditions de l’armistice de 1940 se sont cependant avérées favorables d’une manière inespérée.
Elles permettaient à une France écrasée et accablée de reprendre pied et de sauvegarder l’impératif stratégique de l’espace et du temps.
Ce fut tout d’abord l’espace de la zone non occupée dans laquelle le gouvernement, alors légitime, de la France pouvait exercer sa souveraineté. Souveraineté fragile, dépendante, menacée mais souveraineté quand même, qui fit l’objet de négociations permanentes au travers de la commission d’armistice. Cette zone, dite libre a permis de préserver la liberté de persécutés comme les Juifs qui y étaient réfugiés. Les grands mouvements et réseaux de résistance y sont nés et développés.
Ce fut aussi l’espace de l’Empire, de l’Afrique noire et surtout de l’Afrique du Nord. L’historien Delpla soutient, au cours du documentaire, qu’avec l’armistice, Hitler entendait piéger les Français en leur laissant l’AFN intacte hors de portée des Britanniques. Ceux-ci auraient pourtant été bien incapables de la défendre. En réalité l’armistice a bien neutralisé l’AFN mais au profit des Alliés qui ont pu y débarquer en 1942 et l’utiliser comme base d’attaque de l’Europe occupée. Le Führer s’est piégé lui-même.
Celui-ci l’a compris rapidement de sorte que, le 15 juillet, le Maréchal Pétain reçut une mise en demeure de mettre l’AFN à la disposition de la Wehrmacht : 8 bases aériennes au Maroc, la mise à disposition du chemin de fer Tunis-Rabat, l’utilisation des ports français d’AFN, la réquisition des navires de commerce français. C’était annuler l’armistice et accepter une alliance stratégique de fait de la France au côté de l’Allemagne. Pétain a refusé et les Allemands n’ont pas insisté. C’est un épisode sur lequel les historiens corrects sont assez discrets.
Enfin l’armistice a donné le temps à la France de se refaire militairement.
En métropole, les services spéciaux et l’armée d’armistice en camouflant du matériel, ont été les premiers résistants.
En AFN, le général Weygand a été celui qui, sur les débris de l’armée d’Afrique, a su recréer une force militaire cohérente , ferment d’une nouvelle armée française : celle de la Tunisie, du Garigliano et de l’Alsace.
En Conclusion.
Pour conclure, le plus simple est de citer le livre de Dominique Venner, histoire de la collaboration : « Avec ou sans armistice, les combats se seraient arrêtés du côté français, faute de combattants. L’armistice a eu pour effet de limiter l’ampleur du désastre. La catastrophe, ce n’est pas l’armistice, simple conséquence, mais la défaite ».
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