De quelles alternatives au pétrole et aux myriades de ses dérivés dont notre espace social est saturé, disposons-nous ? À ceux mentionnées précédemment, ajoutons les agro carburants dont on n'ignore plus, outre leur forte capacité à polluer, qu'ils privent le marché alimentaire de millions de tonnes de céréales. Quant au moteur à hydrogène on est loin d'en maîtriser la technique. Les différentes méthodes de synthèse du dihydrogène font pour le moment appel aux énergies habituelles. Son stockage et son transport n'ont pas trouvé de solution. Enfin les fuites de dihydrogène ne peuvent être évitées et, se mêlant à l'oxygène, sont susceptibles de perturber gravement la couche d'ozone. Une fois encore la preuve est faite que ces «énergies alternatives» ne résolvent pas les graves disfonctionnements provoqués par les énergies fossiles quand elles n'en génèrent pas de nouveaux comme c'est le cas avec les bio-carburants, les éoliennes et même le photo-voltaïque. Si on réduit la part du nucléaire, on sait bien qu'on augmente celle du charbon en particulier en Chine ce qui n'est pas tolérable au regard du dogme de l'effet de serre anthropique. D'ailleurs plus le nucléaire stagne, plus la pression exercée sur les autres ressources se renforce, c'est-à-dire que les prix s'élèvent et le coût social se révèle insupportable.
La manne miraculeuse des gaz de schiste
L'augmentation brutale du coût des matières premières et des produits pétroliers, aggravée par l'effet de freinage que les événements du Japon vont fatalement exercer sur l'enthousiasme nucléaire observé ces dernières années, auront obligatoirement des conséquences bénéfiques sur les pétroles bitumineux et les gaz de schistes. Depuis quelques années leur développement spectaculaire a fait des États-Unis les premiers producteurs de gaz au monde devant les Russes en même temps qu'il assurait leur autosuffisance. Cette réussite soudaine fait des envieux et partout dans le monde, y compris en Europe et y compris en France, les recherches se déroulent fébrilement. Or si les roches sédimentaires en regorgent, les coûts d'extraction empêchaient jusqu'ici leur exploitation à grande échelle. Ce n'est plus le cas au moment où de nouvelles techniques les rendent plus accessibles tout en ne réduisant ni les destructions écologiques ni les toxicités massives dont ils sont responsables. Bien entendu la sagesse commanderait de n’y toucher sous aucun prétexte tant leur forage est source de pollutions. Mais la concupiscence des forces gouvernant le monde n'a pas de limites. Dans à peine quarante ans, 9 milliards de consommateurs de plus en plus voraces exigeront leur part du festin. Comment alors peut-on sérieusement imaginer ralentir le gaspillage dont cette société de consommation industrielle tire sa force ? L'accueil glacial qui a salué les quelques velléités de décroissance qui se sont manifestées dans le monde développé, les critiques acerbes adressées à ceux qui ont osé affirmer qu'il n'y aurait pas d'autre solution, en sus d'une réduction démographique radicale, sont suffisamment éloquents : le Pouvoir de Fait n'est pas prêt à renoncer à ses prébendes.
Tout sera fait par conséquent pour relancer la machine économique mondiale. Accroître le PIB de chaque pays. Catapulter l'économie globale, la production industrielle et agricole et assurer que partout la "croissance" redevienne le maître mot et le plein-emploi, même si nul ne croit plus en sa réalité, le slogan de ceux qui gagnent. En sorte que, favorisée par le dynamisme artificiel des pays en voie de développement - les BRIC - les matières premières, nous promet-on, tôt ou tard reprendront leur marche en avant. Et d'abord le pétrole dont le prix n'est pas près de redescendre. Du fait de sa cherté d'autres ressources énergétiques, jusque là non concurrentielles, commencent à intéresser les financiers. Au premier rang desquels schistes bitumineux et surtout gaz de schistes dont depuis quelques années, du fait du grand laxisme de la législation américaine appliquée au sol et au sous-sol, la recherche n'a cessé de proliférer et la production d'exploser, facilitée par la présence d'un réseau de pipe-lines extrêmement dense. Qu'Halliburton et Schlumberger dominent le marché américain du gaz de schiste ne surprendra sans doute personne.
C'est surtout dans la région des Appalaches qu'ont été découverts les plus grands gisements, notamment celui baptisé Marcellus. Les premières estimations avoisinaient en 2002 les 600 milliards de m3 Ce qui, ramené à la dimension du territoire sur lequel s'étendent les réserves, représente en fait peu de chose à l'hectare. Mais en 2008 une réévaluation faisait état de 200 000 milliards de m3, soit l'équivalent de deux années de consommation en gaz des Etats-Unis. Sauf que la récupération, à plus d'1,5 km sous la surface du sol est très onéreuse. Mais outre l'explosion du prix du baril, ce sont les nouvelles techniques qui ont relancé la production. Notamment, le forage horizontal, qui permet de descendre parallèlement aux fractures, puis en se rabattant horizontalement le long de la veine schisteuse d'atteindre plus aisément les failles dans lesquelles se trouve le gaz. Plus récemment, entre 1 000 et 2 000 mètres, est apparu, sous Marcellus, protégé par une gigantesque coquille rocheuse, le gisement d’Utica. Il recèle des quantités fabuleuses de gaz. Du fait de leur profondeur et de leur structure, la production sera coûteuse mais très rentable grâce au forage horizontal et la "fracturation"
Cette dernière est une menace grave pour l'environnement. Il s'agit en effet de "fracturer" la roche qui emprisonne le gaz par l'injection sous pression de quantités colossales d'eau 10 000 à 30 000 m3 par puits. Cette eau contient du sable, de manière à maintenir ouvertes les failles par lesquelles le gaz s'échappe, ainsi que quelques 600 produits chimiques différents destinés à faciliter l'opération de remontée des gaz vers la surface : benzène, éthylbenzène, toluène, acide borique, monoéthanolamine, méthanol, formaldéhyde, acide hydrochlorique, bisulphate d'ammonium, 2-buxyethanol, éthylène glycol, propylène glycol etc. et toute une série de dérivés du diesel.
D'une part il est indispensable de nettoyer ces eaux avant qu'elles ne s'infiltrent dans les nappes phréatiques et nombre de produits utilisés ne disposent pas de détergents appropriés. D'autre part les eaux violemment projetées dans le sous-sol à des profondeurs considérables s'imprègnent d'agents chimiques toxiques qui y sont naturellement présents et les remontent à la surface. Outre les destructions environnementales provoquées par ces opérations, par la noria des camions acheminant sur place l'eau et les matériaux nécessaires, par les pipelines de dérivation, nombre d'éléments chimiques remontés à la surface sont cancérigènes. Aussi des associations de défense se sont-elles constituées aux États-Unis et au Canada après que des usagés ayant approché une flamme de leur robinet aient mis le feu à leurs canalisations. Le US FDA, chargé de contrôler la Santé et les produits qui la mettent en cause, alerté par la présence en grande quantité de métaux lourds, de radionucléotides - césium, strontium, plutonium -, de radium 226 etc. dans les eaux remontées du sous-sol, a finit par ouvrir une enquête sur les dangers représentés par la production des gaz de schiste.
À suivre
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