Décidément, où s'arrêtera le révisionnisme ? En 1984, un livre du Club de l'Horloge posait la question. Socialisme et fascisme une même famille ? (Albin Michel) et y répondait par l'affirmative. Tout récemment, ce sont deux universitaires, MM. Handourtzel et Buffet, qui démontrent dans un essai au titre évocateur que La collaboration... à gauche aussi (Perrin, 1989). Autant de mythes soigneusement entretenus depuis plus de 40 ans sur la prétendue non compromission de la gauche avec le fascisme qui s'effondrent. Ceci acquis, c'est à un autre montage qu'il s'agit de s'attaquer, celui de l'équation fascisme = collaboration. Des mouvements - et non seulement des individualités - classés comme fascistes ou « d'extrême droite » ayant, en Europe, durant la dernière guerre, choisi la Résistance, il n'en manque pas. Place aux faits.
Philippe Vilgier
Qui furent les premiers résistants français ? La réponse d'Alain Griotteray dans son livre 1940 : La droite était au rendez-vous (Laffont, 1985) ne laisse planer aucun doute. Ce furent des nationalistes.
Parmi ces nationalistes, on retrouvait bon nombre de cagoulards, de maurrassiens, de fidèles du colonel de La Rocque, de ceux que la gauche style Front populaire se plaisait à traiter de fascistes. Mais le fait que le maréchal Pétain ait accepté le principe d'une politique de collaboration, même avec de nombreuses ambiguïtés, avait empêcher certains mouvements fascisants de basculer dans la Résistance.
Dans les usines
Il existe néanmoins un mouvement fasciste qui mena une politique de Résistance. Il s'agit du Mouvement révolutionnaire français (MRF) apparu à l'automne 1943 et issu du Mouvement social révolutionnaire (MSR) quant à lui fondé en 1940 par Eugène Deloncle et officiellement collaborationniste. A la tête de ceux qui vont faire évoluer dès mai 1942 le MSR sur la voie de l'antinazisme, on trouve André Mahé, ex-communiste, Jean de Castellane, ancien camelot du roi et R. Soûles plus connu sous le nom de plume de Raymond Abellio (ses mémoires, Sol invictus, Ramsay, 1980, font état de son itinéraire politique sous l'occupation).
Le MRF, c'est quelques centaines de membres dont l'état-major est en contact étroit avec la Résistance ; notamment avec le général de Bénouville et avec Jean Gemaehling, chef national du réseau Kasanga (service de renseignements du Mouvement de libération nationale). Mais c'est aussi des organisations parallèles. Ses cellules d'usines en liaison avec les syndicalistes non communistes de Raymond Le Bourre (un des futurs dirigeants de Force ouvrière) jouèrent un rôle très apprécié de neutralisation des partisans de Doriot dans le monde du travail.
Une haie d'honneur pour de Gaulle
Quand Paris se soulève en août 1944, des éléments MRF participent à l'insurrection. Son service d'ordre, constitué en corps franc, rallie les FFI. Mais surtout, ayant noyaute de longue date les Equipes nationales du secrétariat général à la Jeunesse de Vichy, le MRF joue un rôle important dans la libération de la capitale. Histoire quasiment (volontairement ?) inconnue. Les 400 jeunes des Equipes nationales constitué en un bataillon Hémon, du nom d'un de ses anciens chefs déporté en Allemagne -, armés de mitraillettes Sten et de grenades défensives, furent la force principale qui permit d'occuper l'Hôtel de Ville et de faire face aux chars tigres. Leur mission pouvait se résumer ainsi : « libérer Paris des nazis, empêcher que le pouvoir passât aux communistes ». Leur courage, força l'admiration.
Seul incident politique Edgard Pisani voulut leur voir abandonner leur uniforme bleu foncé qui rappelait celui des miliciens. En vain. Autre anecdote rapportée par Raymond Abellio : ce fut le bataillon Hémon qui fournit la haie d'honneur pour accueillir le général de Gaulle lorsque ce dernier, arrivant à Paris, gravit les marches du grand escalier de l'Hôtel de Ville !
Le Choc du Mois N° 28 Mars 1990
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