Louis XIV, le « roi-soleil » est un personnage fondamental dans notre imaginaire historique au même titre que Charlemagne, Jeanne d’Arc, Saint-Louis ou Napoléon. Sa majesté, ses guerres, ses conquêtes, sa cour fastueuse, Versailles, en font encore aujourd’hui un grand nom de notre histoire et l’un des seuls rois de France à avoir conservé une renommée certaine dans une population de moins en moins intéressée par son histoire. Fort d’un règne long qui a duré de 1643 à 1715 (bien qu’il ne commence à gouverner seul qu’à la mort de Mazarin en 1661), Louis XIV est un souverain qui a laissé une empreinte profonde sur notre pays en tant que symbole de l’absolutisme et de la toute-puissance de la fonction royale. Si les Français ont aimé Louis XIV, ce dernier n’a jamais fait l’unanimité auprès de la totalité de ses sujets. Certains d’entre eux ont justement laissé une trace durable sur l’image que l’on se fait du « roi-soleil », citons l’homme d’Eglise Fénelon et surtout le noble Saint-Simon qui, parmi d’autres contemporains, tant Français qu’étrangers, ont beaucoup contribué à bâtir une image inexacte du fils d’Anne d’Autriche et à propager nombre d’inexactitudes voire de légendes sur le compte d’un homme qu’ils haïssaient pour des raisons personnelles, politiques ou religieuses.
Jean-François Solnon, spécialiste renommé de l’Ancien Régime et de la Cour de France à laquelle il a d’ailleurs consacré un ouvrage-clé, se propose ici de faire la lumière sur toutes les rumeurs et bêtises qui entachent une connaissance claire et raisonné de Louis XIV. Pour cela, il a choisi une approche thématique déclinée en 38 chapitres courts et synthétiques d’environ 6 à 8 pages chacun et basés sur les acquis historiographiques les plus récents. La grande diversité des thèmes traités permet d’approcher aussi bien la personne privée du roi que les évènements de son règne, les principaux axes de sa politique intérieure et extérieure, les mentalités de son temps mais aussi les rivalités à la Cour, l’influence de ses proches et un tas d’autres sujets annexes (l’hygiène à Versailles, le Masque de fer etc).
Face aux légendes se dessine un homme immensément attaché à son métier de roi et tout entier dévoué à la grandeur de son pays et au bien de sujets qu’il est loin d’avoir traité avec indifférence comme le voudrait la vulgate... Si son physique et sa majesté frappent tous ceux qu’il croise dans la sphère publique, il n’en demeure pas moins un individu timide et méfiant dont la retenue et la simplicité en privé peuvent étonner. L’ouvrage de Jean-François Solnon nous aide à nuancer l’image monolithique que l’on a d’un homme qui est justement un homme avant tout, avec ses qualités et ses défauts. Jouisseur et fêtard dans sa jeunesse, le roi se transformera néanmoins avec les années en un souverain plus sage sous le poids des affaires du royaume, des drames personnels et d’une foi catholique très forte. Loin d’être un dictateur refusant l’avis de qui que ce soit, il a toujours su s’entourer de personnages brillants (Colbert, Louvois, Vauban…) et utiliser au mieux leurs compétences au nom de la France. Si la légende veut qu’il ait haï le cardinal Mazarin, la réalité est toute autre et Louis XIV a su tirer grand profit de l’apprentissage pragmatique des affaires politiques auprès de celui qui avait été son parrain et tuteur en l’absence d’un père mort trop tôt et qu’il désignait comme « le meilleur ami que j’aie ».
Encore plus intéressant à mon sens sont les chapitres qui traitent de la politique de Louis XIV et, en parallèle des finances de la France, des questions internationales et religieuses, de ses guerres et de ses conquêtes. Sur ce dernier point justement, l’auteur souligne combien, malgré une politique qui a pu être guidée au tout début du règne par une volonté de puissance et de renommée, le roi a, avant tout mené une politique de défense du pays en s’appuyant sur un « pré carré » (voir d’ailleurs la chronique de Vauban et l'invention du pré carré français) afin d’écarter les invasions du royaume. Oui, le « roi-soleil » a été un roi guerrier comme c’était la norme à l’époque (plus de 30 ans de guerre durant son règne) mais il a agrandi la France par de nombreuses conquêtes (Flandre, Artois, Hainaut, Franche-Comté, Roussillon, Alsace) et l’a préservée pour longtemps des invasions étrangères. Menant une politique moins brutale qu’on ne le dit dans les nouvelles provinces, il a voulu intégrer les populations rapidement à la communauté française en conservant et en respectant dans la majorité des cas les coutumes locales. Le résultat fut sans appel : l’intégration de ces nouvelles provinces était effective à la fin de son règne malgré les quelques résistances qui pouvaient entraver son œuvre.
Un autre point qu’il convient d’aborder ici est cette légende qui voudrait que Louis XIV ait été l’allié du Grand Turc, en d’autres termes de l’Empire Ottoman. Loin du temps où François Ier avait déchaîné l’opinion européenne contre lui en s’alliant avec la puissance musulmane, Louis XIV a poursuivi la politique de Mazarin en envoyant des contingents français à Saint-Gotthard et en Crète contre les armées ottomanes tout en lançant de multiples opérations en méditerranée à l’encontre des barbaresques. S’il lui est –à juste titre- reproché l’absence de la France à Vienne en 1683 et son refus d’adhérer à la Sainte Ligue l’année suivante, c’était afin de profiter du pouvoir de nuisance ottoman à l’est lui laissant l’occasion d’avoir les mains libres à l’ouest face à l’empereur Léopold… Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts…
On trouvera nombre d’autres sujets très intéressants dans ce Louis XIV : Vérités et légendes, à l’image des chapitres où sont abordés les relations entre le roi et la noblesse de France et qui ne sont pas les seuls atouts de cet ouvrage clair et très agréable à lire qu’il conviendra toutefois d’approcher si l’on a un minimum de connaissances historiques sur l’Ancien Régime et ce, même si le livre est loin d’être réservé aux spécialistes.
Rüdiger / C.N.C.
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