« La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots.
Notre premier ministre a déclaré que la France est en guerre. Mais l'ennemi est chez nous, au sein même de la population française. Il ne s'agit plus d'envoyer des professionnels, formés et aguerris combattre loin de nos terres, mais de se battre contre un ennemi sournois et impitoyable, qui use pour ses attaques de toutes nos libertés et des droits des citoyens français. Avant de faire une telle déclaration, encore eût-il fallu cultiver au sein du peuple français les valeurs qui font la force morale des nations. Cette nouvelle rubrique sur la guerre a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, elle est un peu modifiée pour montrer :les Français dans la guerre, L'ennemi mort pa le Révérend Père BRUCKBERGER (21)
En mai 1985, Ronald Reagan, président des États-unis, en visite en RFA se recueillit dans un cimetière militaire allemand où il y avait quelques tombes de SS. Au tollé que suscita ce geste, répondit le R.P. Bruckberger, ancien aumônier de la Résistance.
« Pour sa première sortie hors de Russie depuis son accession à l'empire, M. Gorbatchev a choisi de se rendre en Pologne. Le maître du Kremlin a voulu souligner que le premier attribut de sa puissance est sa fonction de garde-chiourme et d'esclavagiste. Il a tenu à rappeler aux Polonais qu'ils étaient sous sa botte, que cette botte était bien plantée dans la fourmilière et qu'elle y resterait pour les siècles des siècles. Rien ne m'a paru d'un cynisme plus indécent, plus scandaleux que cette visite officielle.
Pourtant silence dans les rangs ! Les grandes consciences occidentales sont restées muettes. Que la Pologne pourrisse vivante dans un cachot ! Au moment où elle subit un nouvel et solennel outrage, elle n'aura pas le réconfort de notre compassion.
Quarante ans après la défaite allemande, le président américain décide de visiter un cimetière militaire allemand, en signe de réconciliation de deux grands peuples libres : tempête d'indignation ! Je m'indigne d'une telle indignation.
Je m'indigne comme soldat. Quand le sort des armes a tranché, le vainqueur a le devoir de rendre les honneurs aux cadavres des soldats vaincus, quels qu'aient été les torts et la cruauté des vivants. Nous ne renions pas notre guerre, nous ne rabaissons pas notre victoire, nous n'oublions pas nos morts en honorant les morts des vaincus.
Je m'indigne comme chrétien. Si un chrétien a le devoir d'aimer ses ennemis même dans la flamme du combat, encore plus urgent est ce devoir si l'ennemi est mort. Devant la mort, toute justice humaine est dessaisie au bénéfice d'une juridiction plus haute, celle même de Dieu, juge ultime des vivants et juge unique des morts. Empiéter sur une telle juridiction est blasphématoire.
Comme soldat et comme chrétien, je rends hommage au geste du président Reagan dans le petit cimetière de Bitburg.
Une dernière chose. Un grand journal du soir, très sérieux, titrait en première page : « La polémique sur Bitburg a éclipsé la préparation du sommet de Bonn ».
Une hypothèse : et si c'était précisément cela le but visé et atteint ? Si tout ce tintouin n'était qu'une nouvelle provocation des services soviétiques de désinformation ? On nous a pris pour des gogos, et, une fois de plus, nous avons marché comme un seul homme dans ce qui me paraît une grossière machination. Une fois de plus, nous avons été manipulés. Autant vaut le savoir.
Chaque fois que, sur notre malheureuse planète, les quelques grandes puissances encore libre entreprennent quelque action commune pour assumer les grands devoirs de défense, d'entraide, de leadership du monde que leur imposent leurs privilèges, il y a, il y aura toujours, un petit cimetière de Bitburg pour venir « éclipser » cette tâche énorme et nécessaire et pour brouiller cette haute préoccupation. »
Révérend Père Bruckberger
Éditorial du journal "Le Figaro", 6 mai 1985.
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