« La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots.
Notre premier ministre a déclaré que la France est en guerre. Mais l'ennemi est chez nous, au sein même de la population française. Il ne s'agit plus d'envoyer des professionnels, formés et aguerris combattre loin de nos terres, mais de se battre contre un ennemi sournois et impitoyable, qui use pour ses attaques de toutes nos libertés et des droits des citoyens français. Avant de faire une telle déclaration, encore eût-il fallu cultiver au sein du peuple français les valeurs qui font la force morale des nations. Cette nouvelle rubrique sur la guerre a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, elle est un peu modifiée pour montrer :les Français dans la guerre, Par-delà les combats par le Général CHAMBE (20)
« Il est un officier allemand dont le nom doit être particulièrement cité : le colonel Böhmler, pour son attitude à l'égard du Maréchal Juin.
Rudolf Böhmler, alors commandant en 1944, était le chef du 1er bataillon du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes de la célèbre division Heidrich. Il avait été l'un de nos redoutables adversaires à Cassino. Établi avec son unité sur les pentes abruptes du mont Cassin, il en avait interdit l'accès durant tout l'hiver aux Anglo-saxons, leur infligeant de lourdes pertes. Ses hommes avaient été eux-mêmes décimés au cours des six tentatives vaines des divisions d'Alexander et de Mark Clark, mais ils avaient maintenu chaque fois leurs positions.
Böhmler avait été finalement obligé d'abandonner le terrain et de se replier par les crêtes dominant la rive gauche du Liri, non qu'il ait plié au cours d'un assaut, mais parce que, à sa droite, de l'autre côté de la vallée, les Français venaient d'enfoncer la Gustav Linie et de s'emparer du mont Majo. Le mont Cassin, tourné, avait été perdu.
Aussi, le commandant Böhmler avait-il admiré la manœuvre du général Juin, admiration partagé par l'état-major allemand. Plus tard, après la guerre, il avait voulu connaître le grand chef français. Il l'avait rencontré à Rome, au milieu d'anciens combattants du Corps Expéditionnaire Français (CEF), au cours d'un pèlerinage sur les champs de bataille. Les deux hommes s'étaient appréciés. Ils s'étaient rendus ensemble sur les lieux des combats, à Cassino, au mont Cassin et sur les rives du Garigliano. Ils avaient mutuellement exposé les mesures qu'ils avaient alors prises et la manière dont ils avaient, l'un et l'autre, conduit le combat. Anciens combattants allemands et anciens combattants français, mêlés, avaient escaladé les sommets du Garigliano, naguère si âprement disputés. Le soir venu, ils avaient allumé de grands feux sur les crêtes dominant la vallée et chanté tour à tour des chants et des hymnes de leurs pays. Le pèlerinage s'était terminé par des visites aux cimetières militaires français de Venafro, allemands, anglais, américains et polonais, dans le plus grand recueillement, le maréchal Juin au premier rang.
Le commandant, devenu colonel, Böhmler devait rester profondément marqué par cette rencontre et par ces visites. Le maréchal Juin lui avait manifesté de l'estime et de l'amitié. Cette amitié s'était affirmée à plusieurs reprises, au cours des voyages de Böhmler à Paris. Et Böhmler était venu aussi l'ami des anciens du Corps Expéditionnaire Français d'Italie.
Ouvrant ici une parenthèse par anticipation, nous disons que le colonel Böhmler, venu spécialement de Munich, pour assister, le 1er février 1967, aux obsèques nationales du maréchal Juin, devait, au milieu du CEF, et au coude à coude avec eux, suivre à pied le catafalque depuis Notre-Dame jusqu'aux Invalides.
Telles étaient l'estime et l'admiration que savait inspirer le maréchal Juin à ses anciens adversaires et s'en faire des amis (1). »
Général Chambe
Extrait de : « Le Maréchal Juin, duc de Garigliano ». Plon – 1983.
(1) Les Anciens parachutistes et les Anciens combattants allemands du Front d'Italie ont effectué, par l'intermédiaire de leur président, le colonel Böhmler, une démarche auprès de la maréchale Juin pour leur permettre de rendre un dernier hommage au vainqueur de la Campagne d'Italie, en déposant une gerbe de fleurs sur sa tombe dans le caveau des gouverneurs à l'Hôtel des Invalides.
Cette émouvante cérémonie s'est déroulée le 19 avril 1967, en présence de la maréchale Juin et de sa belle fille, du commandant Pierre Juin, des généraux Pédron, Bonhoure, Favreau, du commandant Dewasnes et d'un groupe d'officiers allemands conduit par le colonel Bucksch, attaché militaire auprès de l'Ambassade de l'Allemagne fédérale, porteur d'une gerbe sur laquelle figurait l'inscription suivante dans les deux langues : « Au maréchal Juin, Chef prestigieux et chevaleresque qui fut leur adversaire en Italie, les Anciens Combattants Allemands de Cassino. »
Ce suprême hommage a été particulièrement sensible à tous les Anciens du Corps Expéditionnaire Français en Italie. Ils ont adressé leurs vifs remerciements aux Anciens combattants allemands et au colonel Böhmler, devenus leurs amis les plus fidèles depuis les inoubliables journées de la rencontre internationale des Anciens combattants de Monte Cassino, en mai 1960, présidée par le maréchal Juin et placé sous le signe de la véritable réconciliation franco-allemande.
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