vendredi 13 février 2015

Un jour, un texte! Les Français dans la guerre, la guerre européenne par Joseph de MAISTRE (13)

« La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c’est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d’entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots.
Notre premier ministre a déclaré que la France est en guerre. Mais l’ennemi est chez nous, au sein même de la population française. Il ne s’agit plus d’envoyer des professionnels, formés et aguerris combattre loin de nos terres, mais de se battre contre un ennemi sournois et impitoyable, qui use pour ses attaques de toutes nos libertés et des droits des citoyens français. Avant de faire une telle déclaration, encore eût-il fallu cultiver au sein du peuple françaisles valeurs qui font la force morale des nations. Cette nouvelle rubrique sur la guerre a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d’actualité, elle est un peu modifiée pour montrer : les Français dans la guerre,La guerre européenne par Joseph de MAISTRE (13)
Joseph de Maistre commente la conduite de la guerre par les princes chrétiens sous l’Ancien Régime.
« Rappelez-vous le grand siècle de la France. Alors, la religion, la valeur et la science s’étaient mises, pour ainsi dire, en équilibre ; il en résulta ce beau caractère que tous les peuples saluèrent par une acclamation unanime, comme le modèle du caractère européen. Séparez-en le premier élément, l’ensemble, c’est-à-dire toute la beauté, disparaît. On ne remarque point assez combien cet élément est nécessaire à tout, et le rôle qu’il joue là-même où des observateurs légers pourraient le croire étranger. L’esprit divin, qui s’était particulièrement reposé sur l’Europe, adoucissait jusqu’aux fléaux de la justice éternelle, et la guerre européenne marquera toujours dans les annales de l’univers. On se tuait, sans doute, on brûlait, on ravageait, on commettait même, si vous voulez, mille et mille crimes inutiles, mais, cependant, on commençait la guerre au mois de mai, on la terminait au mois de décembre ; on dormait sous la toile ; le soldat seul combattait le soldat. Jamais les nations n’étaient en guerre, et tout ce qui est faible était sacré à travers les scènes lugubres de ce fléau dévastateur.
C’était cependant un magnifique spectacle que celui de voir tous les souverains d’Europe, retenus par je ne sais quelle modération impérieuse, ne demander jamais à leurs peuples, même dans le moment d’un grand péril, tout ce qu’il était possible d’en obtenir. Ils se servaient doucement de l’homme, et tous, conduits par une force invisible, évitaient de frapper sur la souveraineté ennemie aucun de ces coups qui peuvent rejaillir. Gloire, honneur, louange éternelle à la loi d’amour proclamée sans cesse au centre de l’Europe ! Aucune nation ne triomphait de l’autre ; la guerre antique n’existait plus que dans les livres ou chez les peuples assis dans l’ombre de la mort ; une province, une ville, souvent même quelques villages, terminaient, en changeant de maître, des guerres acharnées. Les égards mutuels, la politesse la plus recherchée, savaient se montrer au milieu du fracas des armes. La bombe, dans les airs évitait les palais des rois ; des danses, des spectacles, servaient plus d’une fois d’intermèdes aux combats. L’officier ennemi, invité à ces fêtes, venait y parler en riant de la bataille qu’on devait donner le lendemain ; et dans les horreurs mêmes de la plus sanglante mêlée, l’oreille du mourant pouvait entendre l’accent de la pitié et les formules de la courtoisie. Au premier signal des combats, de vastes hôpitaux s’élevaient de toutes parts : la médecine, la chirurgie, la pharmacie, amenaient leurs nombreux adeptes. Au milieu d’eux, s’élevait le génie de saint Jean de Dieu, de saint Vincent de Paul, plus grand, plus fort que l’homme, constant comme la foi, actif comme l’espérance, habile comme l’amour. Toutes les victimes vivantes étaient recueillies, traitées, consolées ; toute plaie était touchée par la main de la science et par celle de la charité… »
Joseph de Maistre
Extrait de : « Les soirées de Saint-Pétersbourg », 7e entretien.
Cité par Louis Veuillot dans « La guerre et l’homme de guerre ».
Ed. Société générale de Librairie catholique – Paris – 1878.
Lois Spalwer http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

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