« La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots.
Notre premier ministre a déclaré que la France est en guerre. Mais l'ennemi est chez nous, au sein même de la population française. Il ne s'agit plus d'envoyer des professionnels, formés et aguerris combattre loin de nos terres, mais de se battre contre un ennemi sournois et impitoyable, qui use pour ses attaques de toutes nos libertés et des droits des citoyens français. Avant de faire une telle déclaration, encore eût-il fallu cultiver au sein du peuple français les valeurs qui font la force morale des nations. Cette nouvelle rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, aujourd'hui : la guerre, le Commandement par leGénéral de La Porte du Theil (7)
« La discipline dans les chantiers a une forme particulière. Restez près de vos hommes, soyez fraternels, accueillants, compréhensifs. Mais que cela ne dégénère pas en camaraderie de mauvais aloi. Vous avez le devoir strict d'obtenir l'obéissance et le respect, d'en recevoir les marques extérieures en toute circonstance. Exigez-les sans raideur, sans jamais aucune violence ou écart de langage, comme il se doit entre Français, en excusant largement ceux qui ne savent pas, ou n'ont pas hélas ! L'habitude, mais avec fermeté et persévérance.
Sinon, vous serez débordés. (…)
Nous avons exigé la soumission extérieure, pour ainsi dire physique de nos garçons à la vie qui leur est imposée ; il faut maintenant obtenir leur adhésion de cœur. C'est une tâche très lourde, difficile, qui exige à la fois beaucoup de dévouement et d'abnégation, du tact, de la perspicacité, du courage et de la persévérance.
Le seul obstacle que vous puissiez rencontrer et qu'il soit à peu près impossible de vaincre, c'est la force d'inertie totale contre laquelle se brise toute bonne volonté, mais cette force d'inertie totale est très rare chez des sujets jeunes. Beaucoup sont accessibles, émotifs, certains sont ardents, enthousiastes, d'autres se présentent à vous comme couverts d'une cuirasse qui les défend contre votre action, contre une incursion de votre part dans leur domaine privé. Mais il n'y a pas de cuirasse qui n'ait un défaut ; ce défaut, il vous appartient de le chercher, de le trouver, et après avoir touché le point faible de votre homme, de vous en servir pour son bien et celui de la collectivité.
Premier moyen : payer d'exemple, toujours, en toutes circonstances être présent, exact, actif, vigilant.
Deuxième moyen : être essentiellement humain, c'est-à-dire le plus près possible du cœur des Jeunes dont vous devez apprendre à connaître les réactions et pouvoir les pressentir. Soyez justes, mais sincères et vrais. Vous avez de belles et bonnes idées, pensez donc tout haut. Sachez comprendre et être fraternels. La main de fer dans un gant de velours, mais un velours de belle qualité.
Troisième moyen : leur donner non pas le sentiment, mais la preuve palpable que leurs chefs ne sont pas là exclusivement pour les « diriger », seulement au sens hiérarchique du mot, mais pour les « diriger » et les « protéger » à la fois, veillant sur leur bien-être, leur santé, leurs besoins, leur travail et leurs distractions. Pour cela, il est indispensable que les chefs vivent beaucoup plus près de leurs hommes et s'associent à eux aux heures de détente qui sont parfois gaies, mais aussi parfois mélancoliques, étant donné les situations douloureuses dans lesquelles beaucoup se trouvent placés.
Au début, votre présence sera une gêne, certes, mais il vous appartiendra de détendre l'atmosphère ; il faut qu'une intimité de bon aloi s'établisse entre vos Jeunes et vous, qu'ils aient confiance en vous, qu'ils soient fiers de vous, et peu à peu qu'ils s'attachent à vous. Parlez-leur et que votre conversation soit directe, percutante. Intéressez-vous à leur vie, à leurs projets, à leur famille, racontez-leur de belles choses ; il n'en manque pas dans le passé récent ou ancien de notre pays ; narrez-leur les actes de dévouement ou d'héroïsme dont vous avez entendu parler ou dont vous avez été témoin. Dites-vous que la plupart de ces garçons ont été émus à notre premier rassemblement, lorsqu'on leur a présenté les couleurs, et cette émotivité d'un caractère élevé doit être développée.
Beaucoup d'entre vos Jeunes vous cherchent, j'en ai la preuve, ou du moins cherchent à se serrer autour d'un entraîneur, il faut qu'ils vous trouvent et que vous soyez ce guide. »
Général de La Porte du Theil
Extrait de : «Un an de commandement des Chantiers de Jeunesse »
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