Dès 1943-1944, plus encore après la libération et jusque dans ces dernières années, le PCF s’est présenté comme le premier parti de la résistance à l’occupant. Premier par le nombre, mais aussi premier par la date de l’engagement. Pourtant, dès 1946 l’ancien président du Conseil, Edouard Daladier révélait que le PCF avait entretenu des relations avec les nazis au début de l’occupation, en juillet 1940, afin d’obtenir la légalisation de la presse, interdite en septembre 1939 par le gouvernement de... ce même Daladier, pour propagande défaitiste.
Bien entendu, le PCF, par la voix de son numéro deux, Jacques Duclos, démentit bruyamment ces informations, les mettant sur le compte d’une propagande anticommuniste « primaire ». Il ne manque pas d’insister sur « l’appel du 10 juillet », signé de Thorez et de lui-même, et qui inaugurait la résistance des communistes à l’occupant. Or, l’étude attentive de cet appel puis l’ouverture des archives de Moscou montrent au contraire, à cette date de juillet 1940, des relations du PCF avec les Allemands qui sont plutôt compromettantes pour un parti revendiquant la précocité de son entrée en résistance.
Le 14 juin 1940, alors même que les Allemands entrent dans Paris, Jacques Duclos et Fried y arrivent, venant de Belgique dans une voiture diplomatique. Le 18 juin, au moment même où le général de Gaulle lance à la BBC son premier appel à la résistance, une militante communiste, sur ordre de Duclos, se présente à la propagandastaffel – l’organe de la censure allemande – pour demander la reparution légale de L’Humanité. L’autorisation est accordée le 19 dans l’après-midi alors que le matin même L’Humanité clandestine a diffusé « le communiqué officiel publié par ordre de l’autorité militaire allemande » et que la veille elle appelait à la fraternisation entre ouvriers français et soldats allemands.
Pendant que les Allemands libèrent de prison les communistes emprisonnés par le gouvernement Daladier pour défaitisme, Otto Abetz, le représentant personnel de Hitler à Paris, reçoit à l’ambassade d’Allemagne, le 26 juin, une délégation communiste avec laquelle il engage des négociations politiques. Le lendemain, Duclos fait parvenir à Abetz un mémorandum qui propose « la répression énergique de toute action tendant à entraîner de nouveau le peuple français dans la guerre » et « la conclusion d’un pacte d’amitié avec l’URSS, qui compléterait le pacte germano-soviétique et constituerait un important facteur de pacification européenne ». Foin de la résistance et vive la pax totalitaria !
Les négociations vont se poursuivre avec Abetz jusqu’au milieu du mois d’août et Staline sera régulièrement informé par Duclos de leur évolution, avant de considérer que ce jeu de chat et de souris n’en vaut plus la chandelle. En attendant, les communistes parisiens, croyant à leur retour à la légalité, sont sortis au grand jour, ce qui permettra à la police de Vichy – après feu vert de l’occupant – de les arrêter par centaines en octobre 1940 et de les mettre en camps d’internement qui serviront bientôt de réservoirs d’otages. Non seulement le PCF est « entré en résistance » en cherchant une alliance avec l’occupant, mais sa politique de Gribouille a coûté l’arrestation et bientôt la vie à des centaines de ses militants fusillés comme otages. Nul doute que ce « retard à l’allumage » d’entrée dans la résistance ne fut pas étranger à l’espèce de frénésie antinazie qui, à partir de l’attaque allemande contre l’URSS, poussa Jacques Duclos, le chef du PCF dans la clandestinité, à développer à partir de juillet 1941 un discours ultra-patriotique, voire chauvin, qui allait aboutir à des slogans comme « A chacun son boche ! ».
Dès avant la libération, le PCF se vantait d’avoir été le premier à engager la lutte armée contre l’occupant, mais il oubliait de préciser dans quelles conditions d’improvisation, pour quels résultats et à quel prix !
Dès août 1941, Duclos lança les Jeunesses communistes dans un combat totalement irréaliste contre l’occupant, afin de rattraper le précieux « temps politique » perdu depuis septembre 1939, face au général de Gaulle et à l’ensemble de la résistance. Cette décision se traduisit, à l’été et l’automne 1941, par des actions armées et des sabotages contre l’armée allemande.
Très rapidement, elle entraîna d’abord des vagues massives de dizaines d’exécutions d’otages communistes – dont les 50 otages de Chateaubriand et le désormais fameux Guy Môquet – pour chaque soldat allemand blessé ou tué, puis par l’arrestation et l’exécution de dizaines de ces jeunes envoyés au sacrifice. Et tout cela pour six Allemands tués entre juillet 1941 et mars 1942, alors qu’au même moment Hitler perdait des centaines de milliers d’hommes sur le front de l’Est !
Mais Duclos avait démontré sa solidarité avec Moscou et le PCF allait pouvoir critiquer « l’attentisme » de l’ensemble de la résistance qui, sur les conseils du général de Gaulle, estimait que le moment de l’action armée n’était pas encore venu.
Pendant des décennies, le PCF a nié ces évidences, a continué de colporter ses légendes et a vilipendé les historiens qui mettaient au jour ces vérités. Mais aujourd’hui, après l’ouverture des archives de Moscou ou de la préfecture de police de Paris, ces légendes s’évanouissent en fumée, et comme à tout conte il faut une « morale », nous retiendrons celle-ci : « Tel est pris qui croyait prendre. »
Stéphane Courtois, Mythes et polémiques de l’histoire
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