« Chaque chose et chacun, âme, être, objet ou nombre,
Suivra son cours, sa loi, son but, sa passion,
Portant sa pierre à l'œuvre indéfinie et sombre
Qu'avec le genre humain fait la création ! »
Victor HUGO, Les Rayons et les Ombres, 1839.
Suivra son cours, sa loi, son but, sa passion,
Portant sa pierre à l'œuvre indéfinie et sombre
Qu'avec le genre humain fait la création ! »
Victor HUGO, Les Rayons et les Ombres, 1839.
A l’horizon du
prochain siècle se profilent d’inquiétants nuages noirs: pénurie
énergétique ou minérale, crise démographique et agricole, changements
climatiques, acidification des océans, déforestation, menaces sur les
écosystèmes et les réserves halieutiques. Dans le même temps, le monde
occidental subit, depuis bientôt un siècle, une crise idéologique et
sociale, à laquelle s’ajoutent des crises économiques à répétition, qui
ne vont qu’en s’aggravant. Il apparaît donc que notre situation
ressemble en certains points à celle de civilisations antiques
disparues, atteignant une démographie trop importante pour prospérer
dans leur environnement, et faisant face à des conflits potentiels pour
s’approprier les dernières richesses. A ceci près que l’échelle
concernée n’est plus régionale mais planétaire, compte tenu de
l’interconnexion entre les sociétés humaines, et de la globalisation des
problèmes environnementaux. Nous ne pouvons donc pas nous permettre
simplement de migrer pour changer de milieu de vie.
1. Anthropocène: le réveil des Titans.
Homo sapiens, rules the world.L’Anthropocène, c’est ce terme désignant une nouvelle époque géologique1.
Ce qui signifie que nous ne sommes plus dans la continuité de la
précédente et que l’écosystème global a été perturbé dans sa globalité,
par notre espèce devenue dominante à l’échelle de la planète2-6. On peut aussi bien en situer l’origine au début de l’ère industrielle, ou au moment de la maîtrise du feu.
Les Titans approchent.
Le problème de notre époque, le défi de ce siècle, n’est pas simplement
climatique, énergétique, ou démographique : il est systémique. Des
chasseurs cueilleurs, nous sommes passés aux organismes génétiquement
modifiés et peut être demain à la géoingénierie. En l’espace de quelques
millénaires, notre espèce a obtenu un pouvoir fabuleux, qui, associé à
une conscience, nous donne aussi des devoirs. L’adaptation à une
catastrophe sera d’autant plus douloureuse que moins préparée. Entre les
couches sédimentaires, les changements les plus abrupts sont associés
aux crises du vivant. Ainsi, les titans prédits par Jünger approchent,
s’incarnant en des avatars menaçants : la faim, la sécheresse, les
guerres, enfin la nuit, par pénurie d’énergie.
Le paradigme de la main invisible. C’est
une erreur de croire que l’évolution est toujours positive. La queue du
paon est peut-être un avantage adaptatif en séduction, mais
complètement inutile, voire néfaste du strict point de vue de ses
capacités de survie. Ainsi en
est-il également de notre progrès technologique. Croire au progrès
technologique comme solution à tous nos défis est une erreur
fondamentale dans un monde globalisé, avec des ressources limitées. Car
pour obtenir de l'innovation il faut investir dans la recherche, et pour
investir, il faut un capital qui, en dernière analyse, est issu des
ressources naturelles. Ce qui signifie que toute l'activité économique
se fait en puisant dans le capital naturel. Donc une pénurie
impliquerait non seulement un ralentissement de la croissance, mais
aussi de l’innovation, menant à une spirale de dépression. Le
développement des technologies doit évoluer avec la connaissance que
nous avons de notre propre écologie, afin de mieux faire la part des
choses, et de distinguer le vain de l’utile, rendant l’exploitation des
ressources souhaitable. Il ne suffit pas de tendre notre effort vers
l’adaptation, mais il faut également connaître une direction. En ce
sens, il s’agit de privilégier l’information et de ralentir la
consommation.
2. Effondrements et adaptations.
De l’Expérience...
L’étude croisée des sciences naturelles et de l’archéologie donne des
exemples de civilisations soumises à des défis, ayant réussi ou non à
s’adapter et à perdurer. La civilisation Maya, après avoir atteint son
apogée autour de l'an mil, s'effondra entre 750 et 900. En moins d’un
siècle, la population régionale passa de trois millions d'habitants à
environ quatre cent cinquante mille. Différentes hypothèses sur cet
effondrement ont été avancées: guerres, mauvaise gestion des sols ou
appauvrissement des ressources agricoles et hydriques 7. Ce sont les causes internes. Le climat, cause externe, pourrait en être la cause primaire 8,
influant sur toutes les autres, en menant à une réaction en chaîne,
causant des difficultés dans l’approvisionnement et la gestion de l’eau 9. Dans un tel contexte, les conflits entre Cités-Etats, donc les guerres pour les ultimes ressources, étaient favorisées.
...à la Conscience. On
peut ainsi faire un lien direct entre stress environnemental et
désordres politiques. Nous apprenons, à travers l’exemple des Mayas, que
l’exploitation
maximale du milieu naturel et la dépendance des ressources ont conduit
leur civilisation à une grande fragilité. En reprenant l’exemple des
Mayas, accompagné, entre autres, de celui des Anasazis, des Vikings du
Groenland, des sociétés polynésiennes et de l’île de Pâques 10, auquel nous pourrions rajouter ceux, plus actuels, de Nauru et Kiribati, Jared
Diamond (« Effondrement ») présente une liste de cinq facteurs entrant
en compte dans ces effondrements ou sauvegardes de société : (i) les
dommages environnementaux, (ii) les changements climatiques, (iii) les
voisins hostiles, (iv) le rapport de dépendance avec les partenaires
économiques, et (v) les réponses apportées par la société à ces
problèmes, selon ses valeurs culturelles 11. Ainsi l’approche
top-down peut s’avérer aussi efficace (comme le montre l’exemple du
Japon sous l’ère Tokugawa) que nuisible (dans le cas des Vikings,
voulant conserver un lien avec la « base européenne », déconnectée des
problèmes du Groenland).
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