Avons-nous
eu raison de nous reporter à l’étude de la pacification en Algérie pour
préparer notre mission de pacification en Afghanistan, comme nous le
demandaient les états-majors américains et français? Ce questionnement a
conduit le lieutenant-colonel Bernard Gaillot à publier De l’Algérie à l’Afghanistan – Après Tazalt, avons-nous pacifié Tagab (éditions
Nuvis). Titulaire d’un DEA d’histoire sur la pacification en Algérie
obtenu en 1997 à la Sorbonne et ayant servi comme officier renseignement
d’un GTIA en Kapisa entre novembre 2009 et juin 2010, Bernard Gaillot
poursuit ainsi un triple objectif : tout d’abord rendre hommage à nos
morts en Afghanistan ; puis témoigner de la réalité d’une mission mal
connue par nos concitoyens ; enfin mettre en perspective deux conflits
très éloignés en en tirant des enseignements pour notre armée et notre
société. Le chapitre 5 de son livre intéresse directement les
spécialistes de l’influence, car il concerne les opérations
d’environnement visant à convaincre les populations en participant à la
reconstruction du pays.
Comme le note Bernard Gaillot, « dans
un contexte géostratégique profondément différent, la mise en
perspective historique entre les pacifications afghane et algérienne
permet de mettre en exergue, à 50 ans d’écart, de nombreux points
communs quant aux modalités tactiques et à l’implication humaine des
soldats pour résoudre ces conflits. Ces similitudes tendraient à définir
une pacification à la française appliquée à ces deux campagnes comme un
savant dosage d’opérations militaires et d’opérations d’influence
visant à rallier la population locale au type de paix proposé, tout en
empêchant les forces insurrectionnelles de s’y opposer. Ces campagnes,
bien différentes des guerres classiques, peuvent néanmoins engendrer des
dysfonctionnements individuels et collectifs si, comme cela a été fait
en Algérie, on demande à l’armée en général et au soldat en particulier,
de s’impliquer trop politiquement et humainement. »
En Afghanistan, Bernard Gaillot montre
quels habits endossent les soldats pour monter ces actions
d’environnement. Ils sont tour à tour bâtisseurs, médecins,
agriculteurs… Il dissèque ainsi le rôle des militaires engagés dans les
opérations d’environnement, plus particulièrement le rôle des Sections
d’Environnement Opérationnel dans la reconstruction de la Kapisa.
Rappelant les propos du général Druart, commandant les forces françaises
sur la zone, « La population est le centre de gravité, nous devons
sans cesse penser nos opérations en fonction de la population. Les
trois lignes d’opération : sécurité, développement et reconstruction,
gouvernance s’organisent en fonction de la population… », Bernard Gaillot souligne que « les
soldats français de la Task Force Lafayette, comme leurs anciens en
Algérie se sont ingéniés à se rapprocher de la population, à l’aider à
reconstruire, à essayer de la convaincre de l’importance de prendre le
parti du gouvernement démocratiquement élu, plutôt que celui des
insurgés. »
Bernard Gaillot rappelle ainsi le rôle
joué par le groupe interarmées des actions civilo-militaires (GIACM),
devenu l’année dernière le Centre interarmées des actions sur
l’environnement (CIAE), mais toujours basé à Lyon, qui a pour « mission
première de proposer des actions à mi-chemin entre le monde militaire
et le monde civil qui servent un but tactique ou stratégique défini. Il
propose aux populations locales des aides qui peuvent aller du don de
couvertures ou de nourriture à la réalisation de chantiers permettant la
construction ou la reconstruction d’infrastructures nécessaires pour
améliorer la vie au quotidien ou pour développer l’économie locale.
Déployées comme les PRT américaines sous le nom d’équipes
civilo-militaires (CIMIC) puis à partir de fin 2009 de sections
d’environnement opérationnel (SEO), ces dernières étaient constituées
d’un officier, de quatre sous officiers et de deux militaires du rang
formés et spécialisés pour ces missions participant à la reconstruction
de la Kapisa. » Au final, note-t-il, et même si le modèle peut bien
sûr être amélioré, notamment par une meilleure coopération entre civils
et militaires, « on a pu constater que globalement, la population
adhérait aux actions réalisées par les SEO avec les autorités locales
dans le cadre de la sécurité, de la gouvernance et du développement. » Articuler soigneusement les ressources du hard power à celles du soft power semble donc être l’une des clés du succès. Cela vaut pour les opérations extérieures comme pour la guerre économique…
Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence
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