Le Figaro Magazine - 01/11/2013
L'an mille n'avait rien d'une époque barbare.
L'an 1000, avec ses trois chiffres ronds, fascinait les historiens romantiques, à commencer par Michelet, qui prétendait, dans son Histoire de France, que « c'était une croyance universelle, au Moyen-Âge, que le monde devait finir avec l'an mille de l'Incarnation ». Le mythe a perduré, entretenu par la presse à sensation, si bien que beaucoup pensent encore que nos ancêtres de l'an 1000 s'attendaient à ce que, au passage d'un millénaire à l'autre, le ciel leur tombe sur la tête. Cette conviction leur permet notamment de se gausser de l'obscurantisme médiéval. On pourrait leur rappeler que le couturier Paco Rabanne, en 1999, avait prédit la fin du monde pour l'an 2000, et s'étonner, dès lors, qu'ils ne taxent pas les années 1990 d'obscurantisme. Mais ce serait passer à côté de la vraie réponse. La vérité, c'est que les hommes de l'an mille ne savaient pas qu'ils étaient en l'an mille, et que les chercheurs ne trouvent pas la moindre trace de terreur collective à cette époque, comme le rappelle Pierre Riché, sources à l'appui, dans un petit livre qui est un bonheur pour l'intelligence de l'histoire.
Professeur émérite à l'université Paris X-Nanterre, l'auteur est un de nos meilleurs spécialistes du haut Moyen-Âge. Dans cet ouvrage, qui est en fait un recueil d'articles savants, il s'attache à démontrer combien notre regard collectif sur ces temps anciens a précisément été déformé par Michelet et ses épigones. Et ce qu'il dévoile, contrairement à la légende noire d'un Moyen Age barbare, c'est la lumière de l'an mille, période de renaissance intellectuelle et artistique.
L'an mille, c'est l'époque où l'Europe de l'Est est évangélisée et où la Hongrie et la Pologne prennent place dans la chrétienté. L'an mille, c'est le moment où Gerbert d'Aurillac, le premier savant de son temps, nourri de science et de philosophie antique, est pape sous le nom de Sylvestre II. L'an mille, c'est encore le temps de Fulbert de Chartres, évêque enseignant et bâtisseur, ou d'Abbon, abbé réformateur de Fleury, un des plus profonds théologiens de la Renaissance ottonienne.
Pierre Riché sait tout sur ce haut Moyen-Âge chrétien, qu'il fait revivre sans pédanterie. Vivement l'an mille !
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/index.php?page=fiche_article&id=300
Les Lumières de l'an mille, de Pierre Riché, CNRS Editions, 232 p., 22 €.
L'an mille n'avait rien d'une époque barbare.
L'an 1000, avec ses trois chiffres ronds, fascinait les historiens romantiques, à commencer par Michelet, qui prétendait, dans son Histoire de France, que « c'était une croyance universelle, au Moyen-Âge, que le monde devait finir avec l'an mille de l'Incarnation ». Le mythe a perduré, entretenu par la presse à sensation, si bien que beaucoup pensent encore que nos ancêtres de l'an 1000 s'attendaient à ce que, au passage d'un millénaire à l'autre, le ciel leur tombe sur la tête. Cette conviction leur permet notamment de se gausser de l'obscurantisme médiéval. On pourrait leur rappeler que le couturier Paco Rabanne, en 1999, avait prédit la fin du monde pour l'an 2000, et s'étonner, dès lors, qu'ils ne taxent pas les années 1990 d'obscurantisme. Mais ce serait passer à côté de la vraie réponse. La vérité, c'est que les hommes de l'an mille ne savaient pas qu'ils étaient en l'an mille, et que les chercheurs ne trouvent pas la moindre trace de terreur collective à cette époque, comme le rappelle Pierre Riché, sources à l'appui, dans un petit livre qui est un bonheur pour l'intelligence de l'histoire.
Professeur émérite à l'université Paris X-Nanterre, l'auteur est un de nos meilleurs spécialistes du haut Moyen-Âge. Dans cet ouvrage, qui est en fait un recueil d'articles savants, il s'attache à démontrer combien notre regard collectif sur ces temps anciens a précisément été déformé par Michelet et ses épigones. Et ce qu'il dévoile, contrairement à la légende noire d'un Moyen Age barbare, c'est la lumière de l'an mille, période de renaissance intellectuelle et artistique.
L'an mille, c'est l'époque où l'Europe de l'Est est évangélisée et où la Hongrie et la Pologne prennent place dans la chrétienté. L'an mille, c'est le moment où Gerbert d'Aurillac, le premier savant de son temps, nourri de science et de philosophie antique, est pape sous le nom de Sylvestre II. L'an mille, c'est encore le temps de Fulbert de Chartres, évêque enseignant et bâtisseur, ou d'Abbon, abbé réformateur de Fleury, un des plus profonds théologiens de la Renaissance ottonienne.
Pierre Riché sait tout sur ce haut Moyen-Âge chrétien, qu'il fait revivre sans pédanterie. Vivement l'an mille !
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/index.php?page=fiche_article&id=300
Les Lumières de l'an mille, de Pierre Riché, CNRS Editions, 232 p., 22 €.
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