Hilary White a publié jeudi dernier sur LifeSite un article remarquablesur les causes de la dissolution de la famille aujourd’hui. Je vous en propose la traduction intégrale
De quand date le début de la révolution sexuelle ? Voilà une
question à laquelle on aurait tendance à vouloir répondre sans
réfléchir. La plupart évoqueraient le début ou le milieu des années
1960. La publication de ce bouquin par Germaine Greer, ou bien l’invention et la commercialisation de la pilule, c’est ça ?
Mais si on leur donnait le temps d’y penser un peu, la plupart
rectifieraient sans doute leur réponse en soulignant que les racines de
la révolution sexuelle remontent sans doute à plus loin. Peut-être aux
temps où Germaine Greer et d’autres féministes académiques développaient
leurs idées à l’université, et où le Dr Pincus travaillait sur son
mémoire de sciences. Tout le monde où presque, cependant, s’accorderait
pour dire qu’au moment où Paul VI a publié sa célèbre encyclique Humanae Vitae sur
le contrôle artificiel des naissances en 1968, personne n’avait levé ce
lièvre depuis bien longtemps et on avait même oublié qu’il y avait un
problème.
Mais comment les vannes se sont-elles ouvertes au départ ? Comment
les mœurs sexuelles de tout une civilisation ont-elles pu aussi
radicalement modifiées en l’espace d’une seule génération ? Y a-t-il eu
un « proto-péché » qui a tout déclenché ? Qu’est-ce qui a permis à ces
choses de s’installer après tout ces siècles où l’ensemble de la
chrétienté, depuis la chute de l’Empire romain, a établi sa vie
quotidienne et les fondements de sa politique sur le socle du mariage,
de la procréation et de l’éducation des enfants ?
Même un bref retour sur l’histoire montre que la frénésie de
désordres sexuels tellement caractéristiques de notre temps n’a pas
commencé au XXe siècle, loin s’en faut. Les premiers pas légaux à
entamer la destruction que nous constatons aujourd’hui consistent en
l’assouplissement des lois sur le divorce au XIXe siècle. Sans le
bastion légal du mariage indissoluble, les arcboutants qui tiennent tout
en place en ce qui concerne la famille ont été détériorés un à un,
avant d’être totalement mis de côté. Et l’Eglise avait mis en garde
contre cela depuis un bon moment.
Le pape Léon XIII, l’une des hautes figures de l’histoire catholique, a publié l’encyclique Arcanum divinae sapientia (« Le
mystérieux dessein de la sagesse divine ») sur le mariage en 1880, la
quatrième d’une série impressionnante qui allait atteindre un total de
85. Les papes ne choisissent pas les thèmes de leurs encycliques au
hasard, et il apparaît clairement, du seul fait de sa parution au début
du pontificat, que Léon XIII était gravement inquiet à propos de l’état
du mariage, faisant le lien entre ses qualités nourricières et
protectrices avec la dignité inhérente aux femmes.
Le paragraphe 29 peut peut-être nous donner une indication sur
l’origine de la catastrophe sociale que nous vivons aujourd’hui. Léon
XIII a clairement assimilé la protection de la famille avec celle des
femmes comme celle des enfants – et aussi celle de l’Etat. Il écrit :
« Il est à peine besoin de dire tout ce que le divorce renferme de
conséquences funestes. »
La suite du paragraphe m’a immédiatement fait penser aux mises en
gardes qu’allait faire près de 90 ans plus tard Paul VI à propos de la
contraception artificielle. Léon XIII affirme, sur le divorce :
« Il rend les contrats de mariage révocables ; il amoindrit
l’affection mutuelle ; il fournit de dangereux stimulants à
l’infidélité ; il compromet la conservation et l’éducation des enfants ;
il offre une occasion de dissolution à la société familiale ; il sème
des germes de discorde entre les familles ; il dégrade et ravale la
dignité de la femme, qui court le danger d’être abandonnée après avoir
servi aux passions de l’homme.
« Or il n’y a rien de plus puissant pour détruire les familles et
briser la force des Etats que la corruption des mœurs. Il n’y a donc
rien de plus contraire à la prospérité des familles et des Etats que le
divorce. »
A considérer les racines de la révolution sexuelle, on se retrouve
en train de remonter un chemin de petits cailloux semés à travers le
temps. On admet généralement que cette révolution a été déclenchée par
un concours de facteurs, mais la plupart estiment que le plus important
d’entre eux aura été la contraception hormonale. On admet généralement
que la pilule a été inventée entre 1951 et 1957 par le Dr Gregory
Pincus, une connaissance de Margaret Sanger qui l’avait aidé à trouver
des financements pour sa recherche.
Margaret Sanger, fondatrice de l’organisation qui allait faire le
tour du monde sous le nom du Planning Familial International (Planned
Parenthood International) était elle-même une raciste et eugéniste
notoire : elle a commencé son œuvre en 1916 et n’a jamais dissimulé,
dans ses écrits, le fait que cela faisait partie de son programme
eugénique (ses écrits devaient inspirer plus tard Hitler et le programme
eugénique allemand dont il fut à l’origine dès avant la Seconde Guerre
mondiale).
En remontant plus loin encore, on s’aperçoit que la révolution
sexuelle, en tant que bouleversement social et moral qui allait aboutir à
saper, puis à mettre en miettes les bastions de la famille
traditionnelle, faisait partie des objectifs-clef exposés dans les
écrits marxistes, et ce dès les travaux d’Engels qui décrivit les maux
de la « famille monogame ». Son livre sur ce thème, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat, toujours disponible, toujours utilisé dans les universités, a été imprimé en 1884.
Engels voyait dans le mariage et dans la famille un instrument
d’oppression, et ses écrits laissent clairement voir les germes du
féminisme moderne anti-famille. Que le féminisme universitaire, une
idéologie qui gouverne une grande partie du monde occidental, soit un
produit du marxisme n’est un secret pour personne – si l’on fait
exception des gens de la rue. Mais au même moment où Engels prétendait
écrire d’après l’expérience des siècles, l’Eglise tirait d’autres leçons
du passé.
Léon XIII se tournait lui aussi vers le monde antique pour avertir
de ce qui adviendrait, particulièrement pour les femmes, si le monde
chrétien devait régresser vers les mœurs des Romains de l’Antiquité qui
pouvaient quasiment divorcer sur un coup de tête. Les nations,
disait-il, « oublièrent plus ou moins la notion et la véritable origine
du mariage ». « La polygamie, la polyandrie, le divorce furent cause que
le lien nuptial se relâcha considérablement », avec pour résultat
l’état « misérable » de la femme, « abaissée à ce point d’humiliation
qu’elle était en quelque sorte considérée comme un simple instrument
destiné à assouvir la passion ou à produire des enfants ».
L’Eglise, poursuivait Léon XIII, avait restauré le mariage tel
qu’il fut voulu à l’origine par Dieu, et le défendait face aux
empiètements de princes et d’Etats avides de pouvoir. Mais au temps de
Léon XIII, l’« ennemi juré du genre humain », le diable, avait suscité
« des hommes qui (…) méprisent ou méconnaissent tout à fait la
restauration opérée et la perfection introduite dans le mariage ».
Il y eut des hommes « en notre temps » pour « modifier de fond en
comble la nature du mariage ». De tels esprits, « imbus des opinions
d’une fausse philosophie et livrés à des habitudes corrompues, (…) ont
avant tout l’horreur de la soumission et de l’obéissance. Ils
travaillent donc avec acharnement à amener, non seulement les individus,
mais encore les familles et toute la société humaine, à mépriser
orgueilleusement la souveraineté de Dieu. »
Etant donné nos confrontations actuelles avec
l’hypersécularisation, il est intéressant de noter également que
Léon XIII voyait dans les attaques contre le mariage une manière
d’affirmer l’autorité de l’Etat laïque, en dernière analyse, contre
celle de l’Eglise. Et même, il y a des passages où les mises en garde de
l’encyclique nous semblent avoir un air déprimant de déjà vu :
« Or, la source et l’origine de la famille et de la société humaine
tout entière se trouvent dans le mariage. Ils ne peuvent donc souffrir
en aucune façon qu’il soit soumis à la juridiction de l’Eglise. Bien
plus, ils s’efforcent de le dépouiller de toute sainteté et de le faire
entrer dans la petite sphère de ces choses instituées par l’autorité
humaine, régies et administrées par le droit civil. En conséquence, ils
attribuent aux chefs de l’Etat et refusent à l’Eglise tout droit sur les
mariages ; ils affirment qu’elle n’a exercé autrefois un pouvoir de ce
genre qua par concession des princes, ou par usurpation. Ils ajoutent
qu’il est temps désormais que les chefs d’Etat revendiquent
énergiquement leurs droits et se mettent à régler librement tout ce qui
concerne la matière du mariage. De là est venu ce qu’on appelle
vulgairement le mariage civil. »
Léon XIII ne précise pas de quels Etats il est question, mais à son
époque, la Grande-Bretagne était déjà sous le régime du « Matrimonial
Causes Act » (loi des causes matrimoniales) de 1857 qui enlevait la
compétence des cas de divorce aux tribunaux ecclésiastiques pour les
donner aux tribunaux civils et qui avait fait du mariage une matière de
droit contractuel, et non plus une reconnaissance par l’Etat d’un
sacrement fondé sur la religion. A l’époque, il avait été contesté au
Parlement par certains membres qui craignaient d’y voir une usurpation
des droits et de l’autorité de l’Eglise d’Angleterre établie.
Avant l’existence de cette loi, ceux qui voulaient obtenir le
divorce devaient prouver l’autre coupable d’adultère, et le divorce
n’était accordé qu’en tant qu’annulation ou d’un acte spécifique du
Parlement. Après l’entrée en vigueur de la loi de 1857, la loi allait
être peu à peu amendée pour en arriver au point où, en 1973, les
habitants d’Angleterre et du Pays-de-Galles purent divorcer pour cause
d’adultère ou « comportement déraisonnable » qui peut être constitué par
à peu près n’importe quoi, depuis l’alcoolisme chronique jusqu’au fait
d’avoir des vies sociales séparées. Selon le Daily Mail, la
Grande-Bretagne affichait le plus important taux de divorce de l’Union
européenne. Depuis lors, les démographes ont noté un ralentissement des
divorces, mais c’est surtout parce que de moins en moins de gens
prennent la peine de se marier au départ.
« Le mariage, qui tend à la propagation du genre humain, a aussi
pour objet de rendre la vie des époux meilleure et plus heureuse »,
écrivait Léon XIII en 1880. Et d’ajouter : « Les Etats peuvent attendre
de tels mariages une race et des générations de citoyens qui, animés de
sentiments honnêtes et élevés dans le respect et l’amour de Dieu, se
considéreront comme obligés d’obéir à ceux qui commandent justement et
légitimement, d’aimer leur prochain et de ne léser personne. »
Il y a deux étés, des « jeunes » ont fait des émeutes partout en
Grande-Bretagne, vandalisant des magasins, brûlant des maisons et des
bureaux dans quatre grandes villes. L’incident, qui fit la une des
médias du monde entier, a, bizarrement, été presque complètement oublié.
A l’époque, les médias britanniques – fortement orientés à gauche – ont
accusé le manque de services sociaux. Mais un homme, travailleur social
dans les zones sensibles des villes britanniques, a carrément accusé la
destruction de la famille. Les gamins qui jetaient des poubelles à
travers les vitrines des magasins n’avaient jamais connu de père et
avaient été élevés par l’Etat.
Il est difficile d’imaginer une meilleure légende pour les photos
des adolescents rigolant et riant pendant qu’ils pillaient les magasins
que la condamnation et l’avertissement de Léon XIII à propos du
divorce : « Il n’y a rien de plus puissant pour détruire les familles et
briser la force des Etats que la corruption des mœurs. »
« Vraiment, il est à peine besoin de dire tout ce que le divorce renferme de conséquences funestes. »
Vraiment.
Hilary White
© leblogdejeannesmits
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